À (re)voir en VOD : Bad boys II – Harder better faster stronger

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Bad boys II
États-Unis : 2003
Titre original : –
Réalisateur : Michael Bay
Scénario : Marianne Wibberley, Cormac Wibberley, Ron Shelton…
Acteurs : Will Smith, Martin Lawrence, Gabrielle Union
Distributeur : Sony Pictures
Durée : 2h27
Genre : Action
Date de sortie cinéma : 15 octobre 2003

Note : 5/5

Les policiers Marcus Burnett et Mike Lowrey enquêtent sur Johnny Tapia, un ambitieux baron de la drogue décidé à tout pour inonder Miami d’un nouveau poison et accroître son empire. Au cours de leurs investigations, ils se voient épaulés par Syd, la soeur de Marcus, agent de la D.E.A. Mike s’éprendra de la demoiselle, provoquant ainsi quelques tensions entre lui et son partenaire…

A l’occasion de la sortie en Blu-ray, DVD et 4KUltra HD de Bad boys for life chez Sony Pictures, qui marque également les 25 ans de la franchise mettant en scène Will Smith et Martin Lawrence, on a décidé de revenir sur les deux premiers films de la saga. Après avoir abordé le premier hier, voici donc notre critique du deuxième opus, Bad boys II, réalisé en 2003. Que reste-t-il de la franchise Bad boys aujourd’hui ?

Un film conçu en réaction

Au moment où il réalise Bad boys II, Michael Bay n’a plus rien à prouver à Hollywood. En l’espace des huit années qui séparent Bad boys et Bad boys II, son nom est en effet devenu synonyme de blockbuster à succès. En enchaînant Armageddon (1998, 554 millions de dollars de recettes) et Pearl Harbor (2001, 782 millions de dollars de recettes) dans les années qui précédaient, Bay s’était à l’époque taillé une véritable place de roi à Hollywood, et avait littéralement les Majors à ses pieds. On peut dire de même de Will Smith, alors au top de sa carrière d’acteur : il vient tout juste d’être nominé aux Oscars pour Ali, et est encore auréolé de l’immense succès planétaire de Men in black II – 583 millions de recettes mondiales et presque cinq millions d’entrées en France.

La médaille a cependant son revers : Michael Bay s’est ainsi vu catalogué comme cinéaste abrutissant et décérébré par la majorité de la critique. Pire encore, il se voyait à l’époque régulièrement cité en exemple quand il s’agissait de fustiger la domination américaine du début des années 2000 sur le divertissement. Bref, Michael Bay, c’est « le diable » – difficile d’ailleurs de ne pas voir un parallèle entre sa carrière et l’arrivée de Will Smith dans la maison des Haïtiens dans Bad boys II : « I’m the devil, who’s asking ? ». Ses films faisaient de véritables cartons dans les salles du monde entier, mais c’est là la rançon de la gloire : un cinéaste est rarement reconnu à la fois par le public et par la critique. Ainsi, à cause de son style visuel particulièrement agressif et d’un accueil critique international déplorable, Pearl Harbor, pourtant pensé comme une machine à Oscars, s’était vu snobé par l’Académie, qui ne lui attribuerait que trois nominations purement techniques (son, effets spéciaux, chanson originale).

On peut donc imaginer la rage et la frustration de Michael Bay de se voir ainsi privé de la reconnaissance de ses pairs (qui ne viendrait finalement que dix ans plus tard), et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’en matière de défouloir, Bad boys II se pose là. « Ah vous voulez du trash ? Hé bien je vais vous en donner » a-t-il dû se dire en abordant la pré-production du film, qui poussait tous les curseurs au-delà de leurs limites raisonnables. Provocateur et complètement – mais alors complètement – barré, Bad boys II se pose en véritable film-kamikaze, voué à tout détruire sur son passage, et par là même à provoquer, et à donner du grain à moudre à ses détracteurs. Qui ne s’en sont d’ailleurs pas privés.

Un vrai défouloir 100% plaisir

Assurément, on peut également supposer que la production de Bad boys II a débuté au moment idéal, profitant de quelques années de « flottement » au cours desquelles les productions menées par le mogul Jerry Bruckheimer ont commencé à décliner. Après le choc Matrix en 1999, puis avec le 11 Septembre qui est également venu bouleverser la donne, Bruckheimer n’était plus en phase avec le cinéma d’action, réitérant de vieilles recettes qui ne marchaient plus aussi bien qu’auparavant (60 secondes chrono, Bad company…). Conscient qu’il ne comprenait plus rien au genre, le producteur a probablement lâché la bride à Michael Bay en lui confiant les pleins pouvoirs. Et le cinéaste d’orchestrer pour l’occasion une grand-messe du chaos filmique, dynamitant / pervertissant de l’intérieur tous les codes et la narration par trop balisée du blockbuster Hollywoodien…

Faisant fi de toute évolution dramatique (et même de toute cohérence !), multipliant les plans absolument cinglés et les mouvements de caméra les plus vulgaires et les plus décadents, Bad boys II s’impose dès lors comme un majeur tendu bien haut à la critique internationale. Dès ses premières minutes, le film atomise littéralement son modèle de 1995 en poussant tous les curseurs à leur maximum, jusqu’au point de non-retour. Clinquant, spectaculaire, innovant. On ne compte plus en effet les idées folles portées à l’écran, permises par un budget confortable et une maitrise formelle absolue. Une course-poursuite durant laquelle des truands déversent sur leurs poursuivants les bagnoles d’un camion porte-voitures, un gunfight « circulaire » avec la caméra qui tourne à 360 degrés alors que les personnages se tirent dessus, une autre course-poursuite avec une ambulance à destination de la morgue semant les cadavres en route… On en passe et des meilleures, le tout s’orientant vers un final ultra-bourrin en forme de relecture badass de Commando, également largement agrémentée d’un gros clin d’œil au Police Story de Jackie Chan…

En somme, Bad boys II s’impose comme une véritable – et vibrante – ode au mauvais goût le plus racoleur, aux gags les plus gras, aux visuels les plus putassiers et les plus invraisemblables. Une explosion de bruit et de fureur, de folie et de couleurs. Bad boys II, c’est la quintessence d’un cinéma trash qui s’assume pleinement et sans complexes, fier d’être bête et méchant, fier de son inanité. Michael Bay s’y affranchit de toutes les contraintes du cinéma traditionnel (narration, évolution des personnages), se refuse même à impliquer émotionnellement le spectateur afin de développer un style absolument unique, visuel et sensitif, hallucinant et halluciné.

Plus qu’un film, un manifeste artistique

Le gros point fort de Bad boys II réside dans la façon dont Michael Bay parvient à ne jamais relâcher la pression et le rythme, emmenant le spectateur avec lui au gré de scènes soit absolument démentes d’un point de vue formelles, soit irrésistibles de drôlerie potache, versant volontiers dans le gore, dans le scabreux, dans le kitsch ou dans le politiquement incorrect, avec des vannes souvent à la lisière du racisme et de l’homophobie. Pourtant, ce tour dans le Grand Huit estampillé Michael Bay dure quasiment deux heures trente… Un véritable calvaire pour ceux qui tenteront d’analyser ce qu’ils voient ou qui s’évertuent à vouloir prêter à l’Art un discours philosophique ou moral – et pour cause ! Bad boys II est entièrement conçu pour les rendre fous.

Trop souvent rabaissé au statut de gros film d’action pour beaufs, Bad boys II se pose au contraire comme un véritable manifeste du cinéma punk, anarchiste, révolutionnaire, nihiliste et inclassable. Par son amour des excès en tous genres, par sa féroce volonté d’aller constamment de l’avant en bringuebalant le spectateur dans son sillage, Bad boys II s’impose comme une œuvre aussi radicale qu’unique, que seul Michael Bay pouvait parvenir à mener à bien, grâce à un savoir-faire technique et à un langage qui n’appartiennent qu’à lui et qu’il est logiquement le seul à maîtriser totalement.

Sorti il y a maintenant 17 ans dans les salles obscures, Bad boys II n’a d’ailleurs jamais réellement connu d’équivalent au cinéma en termes d’intensité et de délire, mis à part peut-être, dans un registre un peu moins pété de thunes et grand public, avec les deux films du diptyque Hyper Tension, mis en scène par le duo Mark Neveldine / Brian Taylor.

Shut the fuck up you fuckin’ piece of shit²

Côté grossièreté et vulgarité, on l’a dit, Bad boys II explose littéralement le premier film. IMDb avait ainsi dénombré énormément de mots grossiers dans Bad boys, et les chiffres augmentent encore de façon considérable dans le deuxième. On pourra donc cette fois relever rien de moins que 153 utilisations du mot « fuck », 27 usages du mot « shit », 46 « damn » (dont 16 « Goddamn »), 15 « ass », 6 « bitch », 2 « hell », 3 « dick », 2 « pussy », 4 « Jesus », 5 « Christ », 3 « piss », 3 « prick », 2 « assholes » et 2 « son of a bitch ». En un peu moins de deux heures trente. Il y a du niveau, non ?

Sorti quelques années avant le grand « boom » des réseaux sociaux et sa mainmise sur la culture, Bad boys II bénéficiait encore d’une liberté de ton qui ne parait plus aujourd’hui qu’un lointain souvenir à l’ère du féminisme et de la diversité 2.0. Si des shows tels que South Park peuvent encore – assez mystérieusement – s’exprimer sur le registre de l’humour à la télévision sans provoquer les cris d’orfraies des gardiens du bon goût à travers le monde, il est tout de même permis de douter qu’un blockbuster tel que Bad boys II puisse encore voir le jour aujourd’hui.

Pour terminer, on soulignera le fait que Bad boys II marque réellement une date-charnière dans la carrière de Michael Bay, qui a par la suite fait le choix de se tourner vers le cinéma familial avec la saga Transformers (2007-2017) avant, enfin, d’obtenir un début de reconnaissance critique avec No Pain No Gain (2013) puis avec 13 hours (2016). En 2019, il reviendrait au film d’action avec Six Underground, produit pour Netflix. S’il s’agit vraiment d’un excellent petit actioner, s’ouvrant notamment sur un premier quart d’heure qui rappellera aux fans de Bad boys II son style faste et furieux, le film ne retrouvera pas par la suite la magie obscène et priapique qui faisait – et fait encore aujourd’hui – du film de 2003 un classique indétrônable.

Bad boys II est disponible en VOD à l’acte et en téléchargement définitif sur la majorité des plate-formes de Vidéo à la demande : MyTF1, Orange, FilmoTV, Canal VOD. Le film est également sorti en Blu-ray / DVD en 2016, et ressortira en Blu-ray 4K Ultra HD le 26 août 2020 chez Sony Pictures.

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