Berlinale 2017 : The Party (Sally Potter)

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The Party

Royaume-Uni, 2017
Titre original : The Party
Réalisateur : Sally Potter
Scénario : Sally Potter
Acteurs : Kristin Scott Thomas, Timothy Spall, Patricia Clarkson
Distribution : Eurozoom
Durée : 1h11
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : 13 septembre 2017

Note : 2,5/5

Une sensation déplaisante de déjà-vu nous a saisis lors de la découverte de ce huis-clos, seulement trois jours après celle de The Dinner de Oren Moverman, lui aussi en compétition au 67ème Festival de Berlin et lui aussi essentiellement un règlement de comptes féroce entre des proches qu’en fait tout sépare. Ici, la chronologie est respectée et la photographie en noir et blanc est sans doute censée apporter un certain cachet esthétique. En revanche, du point de vue de l’interprétation, The Party équivaut à une compétition effrénée de grandiloquence, chaque comédien cherchant à en faire plus que l’autre, avec la pauvre Patricia Clarkson en seul et unique garant d’un minimum de sobriété. Sinon, l’intrigue du nouveau film de la réalisatrice anglaise Sally Potter s’apparente beaucoup trop à une (mauvaise) pièce de théâtre, avec son lot de revirements forcés et une vacuité de fond, que le ton incertain de l’ensemble ne fait qu’accroître.

Synopsis : Le grand jour de la consécration est enfin arrivé, où la politicienne Janet peut fêter sa nomination au poste prestigieux de ministre de la santé. Elle a invité un groupe d’amis proches à la maison, afin de dignement célébrer l’occasion. Ont été conviés l’éternelle pessimiste April et son compagnon, le thérapeute spirituel Gottfried, la professeur Martha et sa compagne Jinny qui vient de tomber enceinte, ainsi que l’assistante fidèle de Janet, Marianne et son mari banquier Tom. Avant même que les convives n’arrivent, le maître des lieux Bill s’est déjà amplement servi en boissons alcoolisées et fait passer en revue ses disques. Son attitude détachée ne change guère en présence de ses amis, qui se surpassent en louanges à l’adresse de Janet pour le couronnement de son parcours politique. Or, au fil de la soirée, des nouvelles inattendues vont définitivement faire chavirer vers le tragique l’ambiance de cette fête de pacotille.

Le snobisme de l’intrigue de prédestination

Ce n’est que grâce à nos lectures récentes que nous avons su mettre un terme théorique sur le dispositif narratif par lequel s’ouvre The Party. Placée en exergue du récit à proprement parler, la courte séquence montre le personnage interprété par Kristin Scott Thomas, elle aussi contaminée par le virus de la surenchère, ouvrir la porte et tendre un pistolet en direction de la caméra. Cet avant-goût des choses à venir – ou dans le jargon pointu des chercheurs en théorie du cinéma donc cette intrigue de prédestination – reviendra forcément à la fin du film, en quelque sorte pour boucler la boucle de la façon la plus prévisible qui soit. Car entre-temps, beaucoup de choses se sont certes passées, mais aucune d’entre elles n’a réellement été en mesure de nous dissuader de l’impression persistante que toute cette emphase, voire l’histoire en elle-même, ne rime à rien, qu’elle n’est qu’un piètre prétexte pour un tournoi moyennement encadré de cabotinages. Le principal coupable de cet échec relatif n’est pas tant la durée ramassée, qui remonte à quasiment une heure d’action, mais l’empressement lassant de la réalisatrice de remplir chacune des minutes du long-métrage de coups de théâtre et autres confessions cruelles, afin d’aboutir à temps et coûte que coûte à ce fâcheux dénouement préétabli, qui se traduit bien entendu par un dernier volte-face excessif.

Je suis venu vous dire que je m’en vais

Entre ces deux extrémités du film, en guise de renvoi continu à la même image de l’agitation suprême, les coups bas fusent de tous les côtés, sans pour autant nous impliquer sincèrement dans le cirque consternant des infidélités généralisées. La frénésie incontestable du scénario ne produit en effet auprès des personnages que différentes variations d’une forme accrue d’hystérie. Une morosité sinistre s’empare très vite d’eux, chacun demeurant le prisonnier de son propre agenda de priorités, qui se heurte stérilement contre celui des autres sans produire la moindre étincelle. La raison initiale du rendez-vous festif, la promotion de l’hôtesse, est rapidement oubliée, au profit de révélations fracassantes qui mettent la belle union sens dessus dessous. Sauf que cette redistribution des cartes s’opère d’une façon particulièrement poussive et par conséquent peu crédible. De l’éveil carrément insoupçonné du maître des lieux léthargique, interprété par un Timothy Spall très émacié, jusqu’aux troubles hormonaux impulsifs dus à la grossesse finalement pas complètement souhaitée au sein du couple lesbien que Cherry Jones et Emily Mortimer forment sans trop de conviction, en passant par la nervosité pompeuse du propriétaire de la fameuse arme destinée d’emblée au châtiment final que Cillian Murphy surjoue péniblement, les fausses excuses ne manquent pas pour se lancer dans des tirades ampoulées. Seule la petite guéguerre relationnelle entre les personnages de Patricia Clarkson et de Bruno Ganz, aussi répétitive soit-elle dans ses reproches tournant en boucle, apporte un tout petit peu de saveur à ce spectacle autrement plutôt insipide.

Conclusion

Le comité de sélection de la Berlinale est visiblement féru d’adaptations à peine larvées du dispositif théâtral, sans que ce fétichisme étrange ne se traduise hélas par des films à la hauteur de l’exercice pluridisciplinaire. Après The Dinner, qui – dans toute son imperfection – avait au moins partiellement su nous convaincre, voici donc The Party ou comment occuper inefficacement une troupe de comédiens pour la plupart accomplis avec d’innombrables répliques artificielles autour d’une intrigue horriblement fade.

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