Berlinale 2017 : Mr Long

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Mr Long

Japon, 2017
Titre original : Ryu san
Réalisateur : Sabu
Scénario : Sabu
Acteurs : Chang Chen, Sho Aoyagi, Yiti Yao, Junyin Bai
Distribution : –
Durée : 2h09
Genre : Drame
Date de sortie : –

Note : 3/5

Chouette, enfin un film asiatique en compétition en cette 67ème édition du Festival de Berlin et de surcroît en apparence un film de genre ! Faute de pouvoir voir les deux autres candidats orientaux à l’Ours d’or du jury de Paul Verhoeven – puisque notre temps en cette formidable capitale temporaire du cinéma mondial est tout de même compté –, nous anticipions dans une certaine mesure le nouveau film de Sabu, un réalisateur japonais qui a au mieux encore les honneurs douteux des sorties vidéos sur le marché français. Et nous n’étions point déçus par Mr Long, un film de gangster plutôt atypique, qui s’approche plus des contes sentimentaux de Takeshi Kitano que de ses massacres de yakuzas. Il y est question d’un tueur involontairement mis à l’écart au Japon, qui devra changer de profession le temps de réunir la somme d’argent nécessaire pour rejoindre sa bande à Taiwan. A première vue, rien de terriblement original, me direz-vous. Grâce à la mise en scène vigoureuse de Sabu et au jeu minimaliste de Chang Chen, il émane cependant une douceur à la fois étrange et poignante de cette histoire du poisson hors de l’eau.

Synopsis : Le redoutable tueur à gages Long est envoyé par ses commanditaires à Tokyo, afin d’y assassiner un autre caïd. Sa mission échoue. Blessé et traqué par les hommes de main de sa victime supposée, Long s’écroule dans les rues d’une ville abandonnée. Il est réveillé par un jeune garçon, qui l’aide à se rétablir. En échange, Long force la mère du garçon à décrocher de la drogue et séduit les rares habitants du quartier par ses talents culinaires. Alors qu’il ne lui reste que quelques jours avant le départ du bateau qui pourrait le ramener clandestinement chez lui, il accepte de devenir le chef d’un stand de nouilles.

Sois cool et tais-toi

Les premières minutes de Mr Long sont simplement sublimes : la caméra y procède à notre immersion progressive dans les rues bruyantes de Kaohsiung, avant de suivre la conversation a priori anodine de quelques malfrats qui ne tarderont pas à être méchamment décimés par le héros. Celui-ci est tout de suite décrit comme un perfectionniste de l’assassinat, une véritable machine à tuer, dont le seul loisir est la gastronomie. Or, après ce premier contrat rempli de façon fulgurante et un deuxième, qui n’aurait dû en être que la réplique tranquille en suivant le même mode opératoire implacable, mais qui tourne finalement au fiasco sanglant, le récit s’éloigne assez radicalement des codes du film de gangster. Le personnage central reste certes toujours tributaire de l’aura de l’étranger impassible, ténébreux et imprévisible. Mais alors qu’il compte les jours jusqu’à la délivrance de cette suspension temporaire de son activité lucrative, il traverse un processus d’apprivoisement plutôt touchant. Lui, que l’on a vu depuis le début du film comme le stéréotype du loup solitaire et pratiquement invincible finira petit à petit par s’intégrer dans son nouvel environnement social, marqué par une solidarité presque dépourvue d’arrière-pensées.

Une fois un voyou, toujours un voyou ?

Cette partie sensiblement plus placide de Mr Long ne manque toutefois pas d’enjeux dramatiques. Alors que le couperet de la revanche de la pègre pèse invariablement sur Long et indirectement sur la mère toxicomane du garçon samaritain, c’est davantage son incrédulité face à cette nouvelle existence simple et honnête qui risque de lui devenir fatale. En venant d’un univers où l’argent et la violence font la loi, on ne s’improvise pas soudainement en commerçant, tout comme le retour en arrière sur la rencontre des parents du garçon souligne à quel point toute tentative de s’y soustraire doit rester illusoire à long terme. Le retour du bâton interviendra donc tôt ou tard, dans le cas présent sous forme d’un affrontement final moins spectaculaire et indispensable que les précédents, peut-être aussi parce que le cœur du héros et du réalisateur n’y sont plus tellement. La nouvelle vocation du récit est en effet de parfaire l’instinct paternel de Long, encore très timide au début de sa relation avec le garçon, quitte à tomber dans un dénouement à l’impact émotionnel certes efficace, quoique passablement déplacé dans le cadre d’un film, qui nous avait précisément impressionnés deux heures plus tôt par son absence d’états d’âme.

Conclusion

La nature bancale du scénario ne porte guère préjudice à la facture globale de Mr Long, un film de genre qui agit plutôt adroitement sur les deux tableaux des gangsters sans remords d’un côté et des braves gens qui essayent de s’en sortir malgré une situation sociale défavorable de l’autre. Soutenu en plus par l’interprétation intériorisée de Chang Chen, le film de Sabu ne démérite certainement pas au sein d’une compétition de la Berlinale, qui ne nous a pas encore gâtés outre mesure cette année …

 

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