Critique : Nos patriotes

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Nos patriotes

France, 2017
Titre original : –
Réalisateur : Gabriel Le Bomin
Scénario : Gabriel Le Bomin, d’après un roman de Tierno Monenembo
Acteurs : Marc Zinga, Alexandra Lamy, Pierre Deladonchamps, Louane Emera
Distribution : Paname Distribution
Durée : 1h48
Genre : Drame historique
Date de sortie : 14 juin 2017

Note : 3/5

Le peuple français ou au moins les institutions qui le représentent aiment bien se souvenir avec une nostalgie valorisante des combattants de la Résistance. En témoignent à la fois les plaques commémoratives que l’on trouve par exemple dans bon nombre des rues parisiennes et la Journée nationale qui leur est consacrée depuis trois ans seulement et qui vient d’avoir lieu fin mai. Du côté du cinéma, cette ferveur patriotique s’est montrée sensiblement plus discrète. Ce sont en effet des histoires sur la persécution des juifs qui y occupent le devant de la scène, telles que Monsieur Batignole de Gérard Jugnot, La Rafle de Roselyne Bosch et plus récemment Les Enfants de la chance de Malik Chibane. Peut-être le monument cinématographique en la matière – L’Armée des ombres de Jean-Pierre Melville – a-t-il trop tendance à impressionner quiconque oserait se pencher sur ce chapitre assez trouble de l’Histoire française ? Pour son troisième long-métrage, le réalisateur Gabriel Le Bomin adopte en tout cas un point de vue plutôt hagiographique, ne laissant que peu de place à une réflexion plus nuancée sur ces héros de la guerre larvée contre l’occupant allemand. Nos patriotes s’apparente par conséquent à une leçon d’Histoire, certes efficace et bien intentionnée, quoique guère plus ambitieuse en termes formels que les trois films cités plus haut.

Synopsis : Fait prisonnier après la défaite française de l’été 1940, le tireur sénégalais Addi Bâ arrive à s’enfuir et à se cacher dans les Vosges. Il est d’abord recueilli par l’enseignante Christine, qui lui trouve un travail dans une scierie près de la forêt. Grâce à l’intervention de l’employé de préfecture Baptiste Elhinger, Addi obtient même des papiers français en règle, qui lui permettront de rechercher plus activement son ami Zana. Quand Christine lui propose de rejoindre sa cellule de résistants, qui aurait grandement besoin de son expertise militaire pour mener des opérations de sabotage sur le terrain, Addi s’engage sans hésiter.

Une abeille dans la main

Les freins à l’appréciation sont généralement légion dans les films qui évoquent sur le ton du pathos les exploits des valeureux résistants. Pour commencer, il n’y a bien sûr pas à tergiverser quant à l’attribution forcément manichéenne des rôles, les méchants barbares étant les nazis et les partisans du maquis revêtant l’habit d’une sorte de saint de la république, avec les vilains collaborateurs comme seule zone d’ombres sur le tableau. Puis, en fonction de la période à laquelle se déroulent les événements, être corps et âme un résistant signifie avec une probabilité importante de tomber tôt ou tard sous les balles de l’occupant. Enfin, l’agencement dramatique de l’intrigue suit le plus souvent un schéma peu souple, ponctué de premiers pas timides au sein de l’organisation clandestine, d’opérations de plus en plus hardies et de trahisons inéluctables qui se soldent par le démantèlement sanglant de la cellule. Même si Nos patriotes se conforme un peu trop docilement à ces passages obligés, il n’en demeure pas moins un film poignant, capable de plonger le spectateur dans une époque marquée avant tout par une insoutenable incertitude. Car aussi courageux et presque rageusement pugnace le protagoniste soit-il, les épreuves qu’il devra traverser au fil de l’intrigue démontrent avec une certaine adresse qu’en temps de guerre, rien n’est jamais acquis.

Mieux vaut une erreur que la catastrophe

Le portrait de Addi Bâ, ce Guinéen reconnu très tardivement par les autorités pour son sacrifice au nom d’une France libre, relève largement de l’image d’Épinal. D’abord perçu comme un intrus dans le microcosme provincial des Vosges, il ne tarde pas à séduire tous ceux qui ont affaire à lui. Cette offensive de charme aurait quelque chose de caricatural, si elle n’émanait pas d’un acteur aussi talentueux et sincère que Marc Zinga, qui y trouve son rôle le plus entier depuis sa révélation dans Qu’Allah bénisse la France de Abd Al Malik il y a deux ans et demi. Grâce à son interprétation et en dépit du talon d’Achille prévisible dont le scénario affuble son personnage, le récit maintient un niveau de vigueur suffisamment élevé pour naviguer sans trop de peine à travers les poncifs évoqués précédemment. Ce sont davantage les personnages secondaires qui font les frais d’une reconstitution exclusivement héroïque des faits, puisque ils ne font guère plus que mettre en valeur le poisson hors de l’eau et pourtant plein de ressources. Ce constat peu glorieux vaut à parts égales pour la professeur engagée campée par Alexandra Lamy, la volontaire de la Croix rouge jouée par Louane Emera dans son premier rôle depuis le sacre de La Famille Bélier de Eric Lartigau et les deux rescapés de L’Inconnu du lac de Alain Guiraudie, Pierre Deladonchamps et Patrick D’Assumçao, respectivement en fonctionnaire et en paysan.

Conclusion

Il n’y a qu’un véritable moment de cinéma dans Nos patriotes, ou plus précisément une instance lorsque la mise en scène s’interroge réellement sur les limites de la représentation de la guerre au cinéma : tout au début, lorsque les prisonniers français doivent participer à la recréation d’une bataille urbaine gagnée par les Allemands, qui n’ont pas eu le temps d’en produire des images exploitables et qui profitent donc de la présence de Addi Bâ et de ses hommes pour en faire une fois de plus de la chair à canons, d’une manière particulièrement cynique. Pour le reste, il s’agit d’un film honorable, entièrement consacré à ériger en héros de la Résistance un homme que les manuels d’Histoire ont hélas trop longtemps ignoré.

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