La Roche-sur-Yon 2017 : La Surface de réparation

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La Surface de réparation

France, 2017
Titre original : –
Réalisateur : Christophe Régin
Scénario : Christophe Régin
Acteurs : Franck Gastambide, Alice Isaaz, Hippolyte Girardot, Moussa Manslay
Distribution : ARP Sélection
Durée : 1h34
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : 17 janvier 2018

Note : 3/5

La 8ème édition du Festival International du Film de La Roche-sur-Yon a commencé d’une façon particulièrement prometteuse hier soir avec la présentation en avant-première de La Surface de réparation. Tourné dans la région, ce premier long-métrage parle moins du foot d’un point de vue sportif que de ce petit monde plus ou moins valorisé, plus ou moins légitime, qui tourne autour du ballon rond. Signalons en passant la présence dans la salle de nombreux fans de cette discipline reine en France, dont un avec son objet fétiche en mousse fermement calé sous le bras – ce sont aussi ces petits moments cocasses qui font tout le charme de ce festival en Vendée ! Pour en revenir au film, moins sentimentalement manipulateur que son prédécesseur l’année dernière, Lion de Garth Davis, il nous a surtout fascinés par l’aisance avec laquelle il conte une histoire au fond assez déprimante sur un ton loin d’être lourd ou déplaisant. Une part importante de responsabilité et en l’occurrence de gratitude de notre part pour cette sincérité presque philosophique, mais en tout cas lucide, du propos revient à l’acteur principal Franck Gastambide. Celui-ci y laisse ses frasques exclusivement comiques derrière lui, pour mieux incarner corps et âme un homme en droit de n’être qu’un amas d’amertume et d’apitoiement sur soi et pourtant encore suffisamment idéaliste pour faire la part des choses et avancer sur le chemin cabossé qu’est sa vie.

Synopsis : Franck est l’homme à tout faire du FC Nantes. Dans sa jeunesse un espoir sur le terrain qui n’a pas su s’imposer, il répond depuis une dizaine d’années présent à la moindre demande officieuse de Yves, le dirigeant du club. Son occupation principale consiste à faire oublier les écarts de conduite des joueurs, qu’il vient souvent arracher des bras de leurs maîtresses pour les remettre sur le droit chemin de l’excellence sportive. Un soir, il a ainsi réussi à retrouver la trace de Esteban, habitué des soirées festives, dans une chambre d’hôtel. Sa partenaire d’une nuit est Salomé, qui a débarqué récemment en province, bien décidée à monnayer ses manœuvres de séduction auprès des membres du club. Alors qu’il a l’habitude de ce genre de situation embarrassante, Franck hésite quant à la gestion de celle-ci, puisque le caractère impertinent de la jeune femme ne tarde pas à le troubler, lui aussi.

Association de vautours débrouillards

Alors que le côté dramatique prévaut dans le premier film de Christophe Régin, il y persiste un certain élément de dérision ironique. Dans la zone d’ombre de la vie privée des joueurs, à l’écart des caméras et de la presse spécialisée, tous les coups sont permis, tant que l’image de marque du club reste intacte. Le maître de ce jeu très trouble, rythmé autant par les missions de sauvetage dans les boîtes de nuit que par les petites combines minables, ayant pour point commun la revente de biens modestes, des billets des matchs aux bolides d’occasion, en passant par un pauvre chinchilla qui ne cesse de changer de main, est Franck, le mélange parfait entre le larbin docile et le traître un brin mesquin qui attend son heure pour prendre sa revanche. Or, contrairement à d’autres histoires édifiantes, le récit ne s’emploie guère à insister sur les failles de ce mode de vie précaire, en marge de l’univers du bling-bling sportif auquel la porte d’accès s’est fermé depuis longtemps pour le protagoniste. Il préfère, avec une aisance bluffante, de le mettre en perspective par rapport à celui d’un personnage encore moins bien loti, dont le fond de commerce est essentiellement son corps. Sauf que l’enjeu de la relation entre Franck et Salomé, interprétée avec une élégance sauvage par Alice Isaaz, l’étoile montante du cinéma français, n’est pas tellement une part du gâteau d’un club pas non plus débordant de prestige. Pour cela, la description de leurs échanges à couteaux tirés est beaucoup trop subtile, puisque en émane une compréhension impressionnante du sentiment d’infériorité sociale et de fragilité affective, qui les condamne, l’un comme l’autre, à leur sort solitaire en quelque sorte tracé d’avance.

Pitbull à adopter

Car l’autre qualité indéniable de La Surface de réparation réside dans la précision avec laquelle il décrit le cercle vicieux d’un quotidien sans but. Après une première séquence, où l’on peut encore avoir l’impression que Franck gère tranquillement, mais fermement la situation, il devient vite apparent que sa place sur l’échelle hiérarchique du club est plus ambiguë. Le côté sombre de cette dépendance soumise se manifeste dans son lien vaguement paternel envers Yves – au détail près que le jeu finement ciselé de Hippolyte Girardot laisse toujours planer le doute quant à ses véritables intentions –, tandis que son engagement idéaliste en faveur des jeunes recrues et les conseils qu’il donne au vieux fan parieur en sont des reflets plus optimistes ou anecdotiques. Quoiqu’il en soit, une chape de plomb de mélancolie, due aux opportunités ratées, pèse sur le travail et la vie de Franck, avec en supplément cette double ironie douloureuse qu’en fait, cet homme-enfant n’a pas vraiment de vie en dehors du rôle subalterne qu’il joue pour le club. La finalité apparente du scénario consiste à lui fournir un prétexte après l’autre pour s’en sortir, avec une succession inquiétante d’avertissements de la fin prochaine de son existence bancale. En filigrane, l’intention du film nous paraît par contre moins volontariste, en raison des nombreux revers qui ont plutôt tendance à enfoncer le clou de la stagnation sourde qu’à donner au héros contrarié les moyens afin d’accomplir ses rêves. Ceux-ci sont en effet depuis toujours hors de portée pour la caste des médiocres qu’il représente avec une noblesse tout de même touchante.

Conclusion

Ouverture réussie donc pour le Festival de La Roche-sur-Yon, grâce à ce film français doux-amer, qui permet à Franck Gastambide de briller dans un rôle taillé sur mesure ! Espérons d’un, que le reste de la sélection sera aussi bon, et de deux, que La Surface de réparation saura éviter lors de son exploitation en salles l’année prochaine le piège d’être perçu comme un film destiné prioritairement aux fans de foot. Son message admirablement universel et nuancé méritera d’être entendu par un public plus nombreux que celui, a priori limité, qui trouve à la fois le chemin des stades et celui des multiplexes.

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