Berlinale 2016 : Hedi Un vent de liberté

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Hedi Un vent de liberté

Tunisie, 2016
Titre original : Inhebek Hedi
Réalisateur : Mohamed Ben Attia
Scénario : Mohammed Ben Attia
Acteurs : Majd Mastoura, Rym Ben Messaoud, Sabah Bouzouita
Distribution : Bac Films
Durée : 1h29
Genre : Drame
Date de sortie : 28 décembre 2016

Note : 3/5

Le parrainage par les frères Dardenne, les producteurs de ce premier film tunisien, pourrait donner l’impression qu’il s’agit simplement d’un drame social austère, situé dans un pays actuellement en proie à quelques bouleversements majeurs. Hedi fait pourtant preuve d’une sensibilité à fleur de peau tout à fait personnelle, qui nous laisse espérer de grandes choses pour l’avenir de son réalisateur Mohamed Ben Attia. La montée inexorable d’un sentiment d’oppression chez le protagoniste y est orchestrée d’une main de maître par le réalisateur. Celui-ci se sert certes du contexte économiquement tendu en Tunisie en ce moment comme toile de fond, mais jamais pour en faire le prétexte des coups de théâtre successifs qui rythment le récit. Le propos du film ne vise point à énoncer des certitudes sur la difficulté d’assumer ses responsabilités de jeune adulte dans un pays en état de crise. Il persévère au contraire dans un tâtonnement permanent dû au doute, à l’image du personnage principal, juste assez courageux pour admettre in extremis une vérité complexe à lui-même et à ses proches.

Synopsis : Hedi est un agent commercial pour Peugeot dans la province tunisienne. Il devrait se marier très prochainement avec Khedija, pour le plus grand bonheur de sa mère, veuve depuis peu de temps. Alors que les préparatifs sont presque achevés, Hedi apprend qu’il ne pourra pas partir tout de suite en voyage de noces faute de congés. Son patron l’envoie même en déplacement pour prospecter de nouveaux clients. Dans l’hôtel au bord de la plage, qui lui sert de base pour ses démarchages, Hedi fait par hasard la connaissance de l’animatrice Rim, légèrement plus âgée que lui. C’est le coup de foudre entre eux, mais Hedi hésite à lui avouer ses projets matrimoniaux immédiats. Pendant ce temps, son frère aîné Ahmed débarque de France, afin de finaliser le mariage de Hedi.

Passage tardif à l’âge d’adulte

Avec ses traits juvéniles, contredits uniquement par une calvitie en bonne voie de progression, l’acteur Majd Mastoura est prédestiné à jouer des personnages immatures, incapables de franchir le pas entre les facilités de l’adolescence et la dure réalité du reste de la vie ultérieure. Son interprétation adopte ainsi pendant la première partie du film une attitude docile et effacée. Hedi y est invariablement soumis au bavardage sirupeux de sa mère pour amadouer la future belle-famille et s’applique stoïquement à l’exercice d’un métier ingrat. Ce n’est pas tant un mort vivant précoce qui suit sans broncher le chemin tracé d’avance d’une existence terne, qu’une chiffe molle trop détachée des enjeux qui se décident autour de lui en cette période cruciale pour réagir. Le point de basculement vers l’action est amené avec beaucoup de délicatesse. A moins que les nombreuses hésitations du personnage central ne laissent supposer qu’il est d’ores et déjà trop tard pour lui, à vingt-cinq ans révolus, pour redresser d’une manière définitive la barre de son destin. Car à chacune de ses prises de décision, salutaires seulement en apparence, succède rapidement une nouvelle mise en question, qui prolonge naturellement son dilemme existentiel sous forme d’étau.

Rester ou partir, mais à quel prix ?

La qualité majeure du film réside dans l’adresse avec laquelle il suit ce parcours chahuté. Il aurait en effet été facile de céder à la tentation quasiment caricaturale de décrire tous ceux qui veulent du mal à Hedi comme des monstres et l’éveil de ce jeune homme rêveur à l’amour et à l’aventure comme un conte de fées à l’issue idéalisée. La narration de Mohamed Ben Attia se garde doucement mais fermement d’employer pareil cliché pour mieux maintenir une tension souterraine, qui ne vire jamais à la quête de sursauts sensationnels. Elle participe ainsi sans la moindre arrogance à un portrait très humain de cet individu, qui sait davantage ce qu’il ne veut pas, que ce qui pourrait l’affranchir enfin du joug d’un fils plus chétif que modèle. Les deux ou trois moments d’opposition frontale entre Hedi et les femmes qui veulent le museler sont traités avec une certaine franchise, qui laisse pourtant une place de choix à la dérobade. Néanmoins, ce sont plutôt les prises de conscience douloureuses de la situation inextricable dans laquelle il s’est lui-même fourvoyé qui nous ont subjugué dans le cadre de ce premier film d’une vivacité remarquable.

Conclusion

La compétition du 66ème Festival de Berlin a commencé avec un petit coup de maître à travers ce premier film pratiquement sans fausse note. C’est en effet un digne représentant du cinéma tunisien que Mohamed Ben Attia nous a concocté, en phase avec les problématiques de son temps et de sa région d’origine, tout en abordant avec subtilité des sujets plus universels, tel l’éternel casse-tête de suivre soit son cœur, soit la raison. L’interprétation de Majd Mastoura est à la hauteur de ce projet malgré tout ambitieux, grâce à son jeu parfois impulsif et souvent introverti.

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