Test DVD : Marthe

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Marthe


France : 1997
Titre original : –
Réalisation : Jean-Loup Hubert
Scénario : Jean-Loup Hubert
Interprètes : Clotilde Courau, Guillaume Depardieu, Bernard Giraudeau, Gérard Jugnot
Éditeur : L’avant-scène cinéma
Durée : 1h56
Genre : Drame
Date de sortie cinéma : 29 octobre 1997
Date de sortie DVD : 9 avril 2019

Synopsis : Blessé dans les tranchées de la forêt d’Argonne au début de l’automne 1915, Simon est transféré vers un hôpital de l’arrière, loin du front. Ici, les blessures se referment et les hommes renaissent à la vie le temps d’une convalescence, avant de retourner dans la guerre. Simon va rencontrer Marthe et l’aimer au-delà de toute chose.

Le film

[4/5]

Au mitan de la guerre de 14-18, être blessé était souvent considéré comme une chance par des soldats qui vivaient déjà depuis des mois un véritable enfer : en effet, une blessure vous permettait de quitter le front et d’aller vous faire soigner à l’arrière. Même la perte d’une jambe pouvait être accueillie avec le sourire : c’était l’assurance de ne jamais repartir vers les tranchées, l’espérance d’être toujours en vie lorsque la guerre allait prendre fin. Par contre, pour ceux que le corps médical des armées considérait comme apte à repartir faire office de chair à canon, cet épisode de convalescence n’était qu’une parenthèse. Un retour sur le front d’autant plus difficile si, durant cette parenthèse, vous étiez tombé amoureux d’une très charmante institutrice.

C’est tout cela que nous raconte le 7ème long métrage de Jean-Loup Hubert, un réalisateur qui a toujours aimé puiser dans son histoire personnelle pour nourrir son œuvre. Cette fois ci, les rapprochements entre son histoire et celle du film se retrouvent chez une grand-mère se prénommant Marthe et une rencontre avec son futur mari dans des conditions similaires à celles racontées dans le film.

Film humaniste et résolument anti-militariste, Marthe est également un film sur l’amitié et un très beau film d’amour. L’amour, c’est celui qui va naître entre Marthe et Simon. Simon a eu le corps traversé par une baïonnette dans un corps à corps avec l’ennemi, mais, comme lui dit le médecin colonel responsable de l’hôpital du Croisic où il a été transféré, il a eu « la chance que l’acier allemand soit d’excellente qualité ». Marthe, elle, jeune femme de pensée et de comportement très modernes tout en étant très pieuse, est institutrice dans une école du Croisic. Rose Bireau, la directrice de l’école, et le colonel, avec qui elle vit, s’occupent beaucoup de Marthe, laquelle avait accepté, sans trop réfléchir, de se fiancer avec Martin lors de sa dernière permission. Martin, un homme plus âgé qu’elle, qu’elle connait depuis sa plus tendre enfance, qu’elle aime sincèrement sans trop savoir, jusqu’à sa rencontre avec Simon, si c’est vraiment de l’amour ou une grande amitié. Quant à  l’amitié, c’est celle qui réunit Simon, Henri et Lucien, 3 hommes qui, sans la guerre, ne se seraient jamais rencontrés mais qui, réunis au Croisic, sont désormais totalement indissociables, Henri étant celui qui, dans un premier temps, s’est réjoui d’avoir perdu une jambe.

C’est avec un montage alternatif très habile que Jean-Loup Hubert fait passer plusieurs fois au spectateur la frontière, dans un sens, puis dans l’autre, entre l’enfer des tranchées et le paradis du Croisic. Tournées à Verdun, avec des couleurs très proches du noir et blanc, les scènes de tranchées sont d’un réalisme saisissant, en particulier lors de celles requérant pour les soldats le port du masque à gaz et dans lesquelles il est fait appel à une caméra subjective. La dénonciation des responsables de cette ignoble boucherie que fut la première guerre mondiale, on l’entend de la bouche d’une fillette de 6 ou 7 ans dont le père  a été tué et qui, en classe, répète les paroles de sa maman : « tous ces morts sur le front, c’est à cause des patrons et de la calotte ».

Le film est porté par une excellent distribution où on retrouve deux comédiens trop tôt disparus, Guillaume Depardieu dans le rôle de Simon et Bernard Giraudeau dans celui du Colonel. Clotilde Courau, qui interprète le rôle de Marthe, campe parfaitement une jeune femme tout à la fois forte et fragile, ne sachant plus où elle en est de ses sentiments. La trop discrète Thérèse Liotard est, comme toujours, d’une grande justesse dans le rôle de Rose. Dans l’interprétation de Henri et de Lucien, Gérard Jugnot et Serge Riaboukine sont beaucoup plus que des seconds rôles. Quant à Loïc Corbery, apparaissant pour la première fois sur un écran de cinéma, on le reconnait au tout début du film, se plaignant de « mourir sans avoir jamais baiser » !

Le DVD

[4/5]

Le soin apporté aux suppléments par L’avant scène cinéma est tel qu’on aurait aimé mettre 5/5 à ce DVD ! Ou, plutôt, à ce double DVD ! (Double DVD car la très quantité de bonus, plus de 3 heures, ne permettait pas de tout réunir sur un seul DVD). Toutefois, un défaut probablement inhérent à la qualité du master utilisé oblige à tempérer son enthousiasme : bien qu’ayant fait l’objet d’un réétalonnage, l’image ne présente pas un piqué de très grande qualité. Quant au son, on est en Dolby 2.0 et là, il n’y a rien à redire en matière de qualité. Les mélomanes n’en seront que plus comblés d’entendre à plusieurs reprises des extraits de deux quatuors de Chostakovitch, le n°4 et le n°6.

Comme il a été évoqué plus haut, la liste des bonus est impressionnante : des scènes inédites du film, 28 minutes à regarder 2 fois, puisqu’on a le choix entre la présence ou l’absence de commentaires de la part du réalisateur, des commentaires fort intéressants mais ne permettant pas d’entendre les dialogues ; une présentation du film par Yves Alion ; deux entretiens avec le réalisateur, l’un datant de 1997, l’autre de 2019 ; un entretien réalisé avec Clotilde Courau en 1997 ; un entretien avec Gérard Jugnot, réalisé en 2019 ; Un entretien avec Jean-François Lepetit, producteur du film et un autre avec Jean-Marie Dreujou, le Directeur de la photographie, tous les deux réalisés en 2019 ; un numéro spécial du magazine Ciné Actu de 1997 ; un « making of » du film ; une galerie de 49 photos de tournage. Sans oublier, joint à l’ensemble dans le coffret, un fac-similé de 112 pages du numéro de L’Avant-Scène Cinéma consacré au film.

De l’ensemble des informations qui nous sont communiquées, on retiendra avant tout que le montage personnel du réalisateur aboutissait à une durée de 3 heures, comprenant donc des scènes qui, à la demande de la production, ont été coupées et qu’on peut voir dans le bonus des scènes inédites. Dommage : voulant raconter l’époque de façon exhaustive, Jean-Loup Hubert y abordait l’affaire Dreyfus et  les fusillés pour l’exemple ! Quant à la fin du film, elle a été plus ou moins imposée au réalisateur. Un réalisateur dont l’entretien réalisé en 1997 peut surprendre. En effet, avec le recul, on ne s’attend pas à ce que, il y a 22 ans, un parallèle pouvait déjà être fait entre la guerre de 14 et l’époque contemporaine : « Comme on a fait le sacrifice d’hommes en pleine force pour des idées dont je vous demande de m’expliquer la valeur de leurs sacrifices, aujourd’hui, on demande de la même manière à des générations de se sacrifier au nom d’un système libéral qui va les broyer de la même façon. On a eu « chair à canon », aujourd’hui on a « chair à chômage et à emplois précaires » ». Prétendre que, à ce sujet, les choses se sont améliorées depuis 1997 serait faire preuve d’un très grand optimisme !

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