Test Blu-ray : Le bourreau du Nevada

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Le bourreau du Nevada

 
États-Unis : 1959
Titre original : The hangman
Réalisation : Michael Curtiz
Scénario : Dudley Nichols
Acteurs : Robert Taylor, Tina Louise, Jack Lord
Éditeur : Sidonis Calysta
Durée : 1h26
Genre : Western
Date de sortie cinéma : 24 janvier 1960
Date de sortie DVD/BR : 17 février 2020

 

Réputé inflexible, le marshall Mackenzie Bovard reçoit une dernière mission avant de raccrocher définitivement les colts : arrêter quatre hors-la-loi coupables de l’attaque d’une diligence et de la mort de l’un de ses passagers. Si les deux premiers se balancent déjà au bout d’une corde et s’il envoie rapidement le troisième derrière les barreaux, le dernier pose problème. Ancien soldat de la cavalerie, celui-ci se réfugie dans une ville dont aucun des habitants n’a l’intention de le livrer à la justice…

 


 

Le film

[3,5/5]

Réalisateur de plusieurs chefs d’œuvres dans les années 40, Michael Curtiz a subi, dès le tournant des années 50, les foudres de la critique – notamment française – qui considérait d’une façon aussi injuste qu’impitoyable que le cinéaste avait perdu son « mojo ». Son acuité, son regard de cinéaste ainsi que son indéniable savoir-faire en termes de rythme et de technique pure étaient en effet systématiquement niés ou passés sous silence par la critique de l’époque, avec ce qu’on pourrait de nos jours considérer comme une mauvaise foi assez flagrante. Néanmoins, le temps a fait son office et la réhabilitation des films signés Michael Curtiz dans les dix/quinze dernières années de sa vie semble proche : si bien sûr il ne nous a pas offert de films de la trempe d’un Casablanca (1942) durant cette période, les qualités de films tels que Noël blanc (1954), Le fier rebelle (1958) ou encore Le bourreau du Nevada (1959) semblent aujourd’hui d’avantage remarquées qu’elles ne le furent au moment de la sortie des films dans les salles.

Ainsi, quand Le bourreau du Nevada est sorti dans les salles françaises au début de l’année 1960, la critique française a probablement été rebutée par le côté extrêmement classique de ce western, récit de chasse à l’homme tourné « à l’ancienne » et en noir et blanc, et donnant une vague impression d’anachronisme à une époque où l’on venait de découvrir des longs-métrages devenus des classiques instantanés, à la façon de Rio Bravo, L’homme aux colts d’or ou encore Le dernier train de Gun Hill. C’est d’autant plus flagrant que l’intrigue du film de Curtiz met en avant beaucoup de bons sentiments : au-delà de la loyauté déployée par les personnages protégeant le fuyard, le récit suit l’humanisation progressive du personnage qui le traque, d’abord considéré comme impitoyable. De belles idées, malheureusement un peu trop promptement considérées comme mièvres, qui se mêlent au charme certain d’un tournage finalement typique des années 40, sans artifice superflu (le seul indice nous permettant de déterminer d’entrée de jeu qu’il ne s’agit pas d’un film de la décennie précédente est son format, 1.85 et non « carré » en 1.37) : voilà qui tranche de façon nette avec les westerns plus ambitieux, plus modernes mais aussi plus noirs tournés à la même époque.

Mais qu’à cela ne tienne : comme on l’a déjà souligné, Le bourreau du Nevada ne manque ni de charme, ni même d’humour (on notera la présence de quelques gags fort amusants), et s’avère rondement mené – il est quasiment impossible de s’ennuyer, le film étant d’ailleurs assez court (1h26). La complexité des rapports humains, qui se révélera rapidement au cœur même de cette chasse à l’homme aux allures de chasse au « fantôme », sera tout particulièrement bien orchestrée par Michael Curtiz autour d’un petit groupe d’acteurs menés par Robert Taylor, parfait en cow-boy vieillissant et las redécouvrant sa foi en l’humanité. A ses côtés, on trouvera Tina Louise, dont la courte carrière au cinéma ne reflète pas le talent : elle développe en effet un jeu qui en son temps a probablement dû être considéré comme un peu trop « naturel », fluide, donnant presque une curieuse impression de détachement, mais dégageant paradoxalement une authenticité vraiment remarquable. Mais on n’oubliera pas non plus les excellentes prestations de Fess Parker (un acteur dont le rayonnement limité en France est probablement lié à un prénom difficile à porter) et de Jack Lord, futur héros de la série TV Hawaï police d’État, parfait dans la peau d’un homme recherché mais apprécié de tous. Un film à redécouvrir séance tenante pour les amoureux de western.

 

 

Le Blu-ray

[4/5]

La réhabilitation du film de Michael Curtiz était nécessaire, et Sidonis Calysta l’a bien compris, offrant au Bourreau du Nevada le privilège d’intégrer sa prestigieuse collection « Westerns de légende », collection effectivement légendaire s’il en est puisqu’elle est, avec plus de 200 titres au compteur, la collection la plus fournie depuis les débuts du format DVD / Blu-ray : une longévité de très loin supérieure à n’importe quelle autre, et qui ne semble pas là de passer la main puisque l’éditeur parvient encore et toujours à nous dénicher des nouveautés de derrière les fagots que tout amateur de western se doit de posséder dans sa bibliothèque.

Du côté du master, Le bourreau du Nevada s’offre donc un traitement de choix. La copie restaurée et proposée en 1080p est en effet tout à fait satisfaisante : même si les contrastes ont peut-être été légèrement trop « boostés », même si on notera quelques taches et poussières, ainsi que quelques rares plans un peu en-deçà niveau définition, l’ensemble permet au film de bénéficier d’une nouvelle jeunesse. Malgré nos petites réserves, force est de constater que le piqué est précis, que le noir et blanc est globalement bien géré, et que le grain d’origine a été scrupuleusement respecté. Du côté des enceintes, le film bénéficie de deux mixages DTS-HD Master Audio 2.0, qui respectent aussi bien les silences que les dialogues. On notera que la version française d’origine est très claire mais peine un peu plus à retranscrire les ambiances. La musique signée Harry Sukman est en revanche parfaitement bien servie.

Dans la section suppléments, en plus de la traditionnelle série de bandes-annonces en avant-programme, on trouvera deux présentations du film, signées Betrand Tavernier (21 minutes) et Patrick Brion (9 minutes). Patrick Brion se montrera très enthousiaste vis-à-vis du film, vantant l’interprétation de Robert Taylor et le scénario de Dudley Nichols, scénariste de La chevauchée fantastique. Connaissant l’amour immodéré de Brion pour le western « classique », on n’est pas du tout surpris de son attachement au Bourreau du Nevada. Bertrand Tavernier quant à lui fera preuve de d’avantage de réserves, ne cachant pas par exemple ne pas avoir aimé le film de Curtiz quand il l’a découvert à sa sortie – contrairement à Brion qui avait ressorti ses « fiches » pour se remémorer son sentiment de l’époque, et qui l’avait trouvé sympathique. Pour autant, le propos de Tavernier n’en reste pas moins passionnant, puisque ce dernier déclare aujourd’hui aimer le film pour sa modestie formelle et son classicisme forcené, soit exactement les raisons pour lesquelles il ne l’avait pas apprécié à l’époque. Il reviendra également sur le scénario de Dudley Nichols, malin, et sur les acteurs, qui contribuent également à la réussite de l’ensemble. Comme quoi, comme on dit, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis !

 

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