Test Blu-ray : El Mercenario

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El Mercenario

Italie, Espagne : 1968
Titre original : Il Mercenario
Réalisation : Sergio Corbucci
Scénario : Sergio Corbucci, Franco Solinas
Acteurs : Franco Nero, Jack Palance, Tony Musante
Éditeur : Sidonis Calysta
Durée : 1h51
Genre : Western
Date de sortie cinéma : 15 octobre 1969
Date de sortie DVD/BR : 7 avril 2023

Dans un Mexique en révolte, les frères Garcia, propriétaires d’une mine d’argent, souhaitent mettre leur magot à l’abri. Désireux de trouver du renfort, ils recrutent un mercenaire redouté : Sergeï Kowalski, dit « le Polack ». Mais celui-ci est surveillé et suivi comme son ombre par un voleur de grand chemin, qui voit ici l’opportunité de se saisir d’un formidable butin. Mais la partie s’annonce difficile car, sous l’impulsion de Paco Roman, les ouvriers révoltés de la mine se sont emparés de l’argent…

Le film

[5/5]

Franco Nero / Sergio Corbucci / Franco Solinas : telle est la sainte trinité ayant permis la flamboyante réussite d’El Mercenario. Ce trio en état de grâce a contribué à faire de ce western spaghetti une œuvre que l’on admire encore plus de 55 ans après sa sortie dans les salles. D’ailleurs, le film de Sergio Corbucci est si épatant de modernité et si « en avance sur son temps » que Quentin Tarantino lui empruntera non seulement une partie du score génial d’Ennio Morricone pour son Kill Bill, mais aussi et surtout l’idée de la liste de tâches à accomplir.

Pour ne rien gâcher, on ne pourra que souligner le fait qu’El Mercenario est également assez superbe d’un point de vue formel : le boulot abattu sur la photo ainsi que sur les cadrages en général est réellement impressionnant, et ce même s’il est malheureusement parfois gâché par des tics de réalisation propres à l’époque et au cinéma de genre, à la façon de ces gros zooms bien disgracieux auxquels se laissaient même aller des cinéastes tels que Terence Fisher ou Stanley Kubrick. On notera par ailleurs que le film de Sergio Corbucci est fort bien rythmé, souvent très drôle et bourré jusqu’à la gueule de scènes d’action parfois géniales, notamment grâce aux multiples déguisements des compañeros. Bref, autant dire tout de suite qu’El Mercenario s’imposera rapidement comme un incontournable du western spaghetti.

Western profondément politique, El Mercenario prend certes la forme d’une fresque libertaire, mais le scénario de Franco Solinas tend à tourner en dérision les grands principes communistes, principalement en raison du cynisme du « Polack » campé par Franco Nero, qui fait d’ailleurs parfois prendre au récit des allures presque parodiques. Cependant, c’est également par le biais de l’humour qu’El Mercenario trouvera sa tonalité, grâce à certains passages quasi-immédiatement anthologiques (la bagarre dans le poulailler, l’explication de la lutte des classes sur le corps de la prostituée) et même à d’amusants clins d’yeux aux collègues évoluant dans le genre du western spaghetti – on pense bien sûr ici au duel final qui rappellera évidemment celui de Le Bon, la brute et le truand.

Politiquement parlant, le scénario de Franco Solinas pour El Mercenario commence à la façon du Saludos Hombre de Sergio Sollima, en proposant au spectateur un discours extrêmement critique sur les groupuscules révolutionnaires mexicains, présentés dans un premier temps comme des pistoleros anarchistes et analphabètes certes en rupture avec le système, mais recherchant avant tout l’enrichissement et le « confort » personnel. Par la suite, au fur et à mesure qu’elle avancera, l’intrigue virera davantage vers un romantisme militant un peu désuet – en cela, El Mercenario s’impose comme le digne successeur d’El Chuncho, avec qui il entretient nombre de similitudes scénaristiques.

El Mercenario démontrera en effet avec brio les limites du groupe pseudo-révolutionnaire mené par Paco, le personnage de Tony Musante, quand il nous donnera à voir le polack (Franco Nero) en train de reproduire dans le groupe le même schéma patron / ouvriers dont le groupe de péones s’était débarrassé : il s’impose ainsi comme prioritaire sur les butins, la nourriture, l’eau et même sur les femmes, comme le montre d’ailleurs habilement le « sacrifice » effectué par Giovanna Ralli pour tenter de faire réagir Paco et ses compañeros. Pour les auteurs du film (et Franco Solinas en tête bien évidemment), le manque de repères de ces révolutionnaires de pacotille revient à un idéalisme enfantin, voué à l’échec, sous-entendant logiquement le besoin d’une organisation forte et expérimentée (« le Parti, avant-garde du prolétariat » comme le disait Lénine).

El Mercenario est donc un western Zapata s’offrant le luxe d’être à la fois rafraichissant, drôle et vraiment impressionnant dans ses nombreuses scènes d’action. Par ailleurs, le film de Sergio Corbucci s’offre une intéressante double-lecture politique, agressive, cynique et même un peu anar’ sur les bords, qui donne indéniablement au film une coloration et un charme supplémentaires. Indispensable !

Le Blu-ray

[4,5/5]

Après une première édition en DVD chez « Les Introuvables » de Wild Side en 2009, El Mercenario réapparaît aujourd’hui en Blu-ray, sous les couleurs de Sidonis Calysta, au cœur de la collection « Western de légende ». Il s’agit d’une excellente nouvelle, d’autant que le film de Sergio Corbucci sort en même temps qu’un autre western de Corbucci, Navajo Joe. On espère que Sidonis Calysta continuera à nous proposer en Haute-Définition sortis chez la concurrence il y a une quinzaine d’années, et ce pour une raison simple : la collection « Les Introuvables » comportait également dans ses rangs « LE » plus grand chef d’œuvre que nous ait offert le Western Spaghetti, à savoir Far West Story, également signé Sergio Corbucci. On touche du bois pour le voir apparaitre prochainement au lineup de Sidonis Calysta

C’est donc à Sidonis Calysta que nous devons le plaisir de redécouvrir El Mercenario sur support Blu-ray. Le master encodé en 1080p est très satisfaisant, avec des couleurs et des contrastes très solides, et un grain argentique d’origine qui ne semble pas avoir trop souffert de la restauration. Certains plans sont plus doux que d’autres, on dénote toujours par ci par là un peu de bruit vidéo, mais l’ensemble est bien tenu, c’est globalement tout à fait réussi. Côté son, la version française et la version anglaise sont proposées dans des mixages DTS-HD Master Audio 2.0 mono d’origine, la VF s’avérant un peu plus étouffée que sa grande sœur anglaise, avec un léger souffle persistant, mais rien de dramatique là non plus.

Dans la section suppléments, nous retrouverons, en plus de la traditionnelle bande-annonce, l’habituelle présentation du film par Jean-François Giré (18 minutes). Comme dans le cas de Navajo Joe, il s’agit d’une nouvelle présentation, différente de celle enregistrée par le même Jean-François Giré en 2009 pour le DVD de chez Wild Side. Il remettra El Mercenario dans son contexte de tournage, tout à la fois dans la carrière de Sergio Corbucci ainsi que dans le western spaghetti de l’époque. Il reviendra de ce fait évidemment sur El Chuncho ainsi que sur les acteurs envisagés, le montage ainsi que sur Compañeros (1970) et Mais qu’est-ce que je viens foutre au milieu de cette révolution ? (1972), les deux autres films du triptyque de Sergio Corbucci consacré à la révolution mexicaine. Mais ce n’est pas tout, puisque Sidonis Calysta nous proposera de revoir le documentaire Django, Sartana, Trinita et les autres (59 minutes), réalisé en 2014 par Jean-François Giré, qui évoquera le western spaghetti en partant des marges des cahiers d’écolier de l’auteur. Les plus grands classiques du spagh’ y seront évoqués avec passion, le tout étant entrecoupé d’entretiens avec Franco Nero, Nori Corbucci, Marco Tullio Barboni, Ernesto Gastaldi, Sergio Sollima, Gianni Garko, Bud Spencer et Terence Hill…

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