Test Blu-ray : Échec au gang

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Échec au gang

Italie : 1978
Titre original : La Banda del Gobbo
Réalisation : Umberto Lenzi
Scénario : Umberto Lenzi, Tomás Milián
Acteurs : Tomás Milián, Pino Colizzi, Isa Danieli
Éditeur : Le Chat qui fume
Durée : 1h38
Genre : Action, Comédie
Date de sortie cinéma : 10 octobre 1978
Date de sortie Blu-ray : 14 décembre 2023

Rome, années 1970 – Tandis que Sergio Morazzi, dit Monnezza, vit de petits larcins et de boulots précaires, son frère jumeau, Vincenzo, surnommé le Bossu, est un bandit de grande envergure, revenant dans la capitale après un séjour en prison, en Corse. Vincenzo envisage de braquer un fourgon blindé, avec l’aide de complices parmi lesquels Milo Dragovic et Perrone. Mais ces derniers décident d’éliminer le Bossu une fois le braquage achevé. Les gangsters pensent avoir réussi, mais Vincenzo parvient à s’échapper par les égouts. Il n’a, dès lors, qu’une seule idée en tête : se venger…

Le film

[3,5/5]

Bien avant Freddy contre Jason, Alien vs. Predator et les multi-récurrences des univers cinématographiques Marvel et DC Comics, de nombreux producteurs avaient déjà pensé à réunir des personnages issus d’univers différents : on pense par exemple au serial Arsene Lupin contre Sherlock Holmes (1910-1911) ou aux multiples longs-métrages ayant mis en scène, dans les années 40/50, les créatures issues du giron des Universal Monsters. Le crossover n’était donc pas une idée foncièrement neuve quand Umberto Lenzi eut l’idée, avec Échec au gang, de créer un point de jonction entre deux films que rien ne prédestinait à priori à se rencontrer.

Pour autant, c’était la première fois – et resterait la dernière – que l’on tentait l’expérience de fusionner les univers de deux poliziotteschi. La grande idée d’Échec au gang était donc de réunir à l’écran deux personnages de films antérieurs d’Umberto Lenzi, ayant tous deux fortement marqué le public de l’époque. D’un côté, on trouverait donc Monnezza, alias « Poubelle », la petite frappe créée par Umberto Lenzi et le scénariste Dardano Sacchetti dans Le Clan des pourris (1976). Le personnage était d’ailleurs réapparu l’année suivante dans L’Exécuteur vous salue bien de Stelvio Massi. De l’autre côté, on retrouverait le personnage du « Bossu », le méchant sadique et vicieux de Brigade spéciale (1976), immense succès populaire ayant lancé Umberto Lenzi comme un spécialiste du genre poliziottesco.

Échec au gang crée donc un lien entre Monnezza et le Bossu, qui deviennent ici des frères jumeaux. Les deux personnages ayant été préalablement interprétés par Tomás Milián dans les films d’origine, le principal défi – doublé d’un véritable tour de force technique – de ce nouveau film d’Umberto Lenzi sera le fait que les deux frères soient ici également tous deux interprétés par le génial Tomás Milián. De fait, d’entrée de jeu, Lenzi fera le choix de ne pas orienter son intrigue vers un très grand sérieux : Échec au gang est avant tout pensé dans un esprit de bande dessinée, comme le prouve clairement le fait que l’on puisse voir Monnezza plongé dans la lecture d’un exemplaire de Topolino au début du film.

Pour ceux qui l’ignoreraient, Topolino est l’équivalent italien du Journal de Mickey. Et en plus d’ancrer Échec au gang dans l’optique d’un divertissement un peu plus « familial » que le poliziottesco traditionnel, dans l’inconscient collectif, il souligne également l’idée d’un crossover « à l’italienne », dans le sens où la quasi-totalité des bandes dessinées publiées dans Topolino dans les années 70 étaient signées par des auteurs italiens. Encore extrêmement active de nos jours, cette école italienne (nommée Scuola Disney) s’était rapidement imposée comme une branche reconnue de la production Disney, et le fait de mettre en avant un exemplaire de Topolino était probablement pour Umberto Lenzi une façon de souligner d’une façon ironique la nature profondément italienne de son film.

L’aspect le plus ouvertement « bande dessinée » d’Échec au gang se retrouve dans la confrontation à l’écran de Sergio « Monnezza » et Vincenzo « le Bossu », deux frères jumeaux réunis par le crime, mais aux tempéraments diamétralement opposés. Comme Fantasio et Zantafio, comme Picsou et Gripsou, comme Samantha et Serena, Monnezza et le Bossu sont très différents l’un de l’autre. Monnezza est une petite frappe au grand cœur, cachant mal sa gentillesse derrière un cynisme et une hostilité anti-flics de façade. Le Bossu quant à lui est cruel, revanchard, et même assez sadique dans son genre – il en veut au monde entier d’être né difforme, et appuie son pouvoir par la violence.

Pour le plus grand plaisir des amateurs, Échec au gang nous offrira donc une « double dose » de Tomás Milián, qui incarnera le rôle du frisé Monnezza et de l’imberbe Bossu. Ayant réécrit la plupart de ses dialogues pendant le tournage du film, l’acteur s’en donne à cœur joie, livrant au spectateur un véritable « one man show », surtout quand il prend les traits du sociopathe de service, à savoir Vincenzo le bossu. L’énergie déployée par Milián est admirable, et les effets spéciaux visant à réunir les deux personnages dans les mêmes plans sont absolument bluffants.

Bien sûr, les effets de surimpression sont facilités par le fait que le décor est souvent « découpé » en deux par un élément vertical, mais les raccords sont absolument invisibles, et on est convaincu qu’un spectateur un peu distrait pourrait parfaitement visionner Échec au gang sans jamais deviner que les deux frères sont en réalité incarnés par le même acteur. C’est d’autant plus remarquable que ce genre d’effet est souvent réalisé de façon beaucoup plus grossière, même au sein de productions bénéficiant de budgets très supérieurs. Impossible par exemple de ne pas penser au film de Jean-Marie Poiré Les Visiteurs, qui s’avère la preuve par l’exemple qu’en France, on n’était pas encore au point avec ce type d’effets visuels… en 1993 !

En revanche, on pourra regretter que le film ne dépasse pas le simple one man show consacré au talent de Tomás Milián : le scénario s’avère trop linéaire et prévisible, et ne met en réalité pas d’ennemi suffisamment solide en face du personnage du Bossu : qu’il s’agisse des flics ou des truands l’ayant trahi, le Bossu semble toujours avoir plusieurs coups d’avance sur tous ses adversaires, et de fait, Échec au gang déroule son intrigue un peu trop facilement. Les interactions entre Monnezza et le Bossu sont excellentes, mais on aurait aimé retrouver, par exemple, le personnage du commissaire Tanzi, le flic incarné par Maurizio Merli dans Brigade spéciale, ce qui aurait de plus contribué à créer une espèce de « Némésis » et un véritable sentiment de danger pour le personnage du Bossu.

Cela dit, on sent confusément que la fin d’Échec au gang sous-entendait que de nouvelles retrouvailles entre Monnezza et le Bossu étaient à envisager, et le film suivant aurait pu mettre en scène le face-à-face tant attendu entre les deux frères et le personnage incarné à l’écran par Maurizio Merli. Mais le destin en a décidé autrement : dans les bonus du Blu-ray, Umberto Lenzi raconte avoir décidé de ne plus collaborer avec Tomás Milián après Échec au gang, en raison de l’alcoolisme de ce dernier, qui avait rendu le tournage très difficile. C’est dommage, d’autant qu’en dépit de son manque d’enjeux dramatiques forts, le film s’avère encore aujourd’hui un véritable plaisir déviant !

Le Blu-ray

[5/5]

C’est bien sûr à nouveau Le Chat qui fume que l’on retrouve derrière cette belle édition Blu-ray d’Échec au gang, qui vient donc compléter la « trilogie Monnezza » entamée par les éditions DVD du Clan des pourris et de L’Exécuteur vous salue bien édités par Neo Publishing il y a de nombreuses années. Des éditions qui auraient d’ailleurs bien besoin d’un petit rafraîchissement technique, se dit-on avec les doigts croisés et en adressant un clin d’œil appuyé au Chat qui fume. Comme d’habitude, le film d’Umberto Lenzi nous est proposé dans un packaging de toute beauté : un digipack trois volets aux couleurs du film surmonté d’un fourreau cartonné, la conception graphique de l’ensemble ayant été comme toujours assurée par le talentueux Fred Domont. Du bon taf, assurément !

Cette somptueuse édition d’Échec au gang constitue l’occasion idéale pour découvrir ou redécouvrir cette curiosité du poliziottesco, d’autant que le film de Lenzi est proposé ici dans des conditions techniques excellentes : l’encodage est soigné, la définition sans souci, et les couleurs vives et éclatantes. La copie est de très bonne tenue, avec un grain cinéma respecté aux petits oignons, et des contrastes finement travaillés. La restauration a fait place nette des tâches, rayures et autres griffes disgracieuses, et propose une image extrêmement stable, avec néanmoins quelques fourmillements discrets sur certaines séquences. Côté son, l’éditeur nous propose à la fois la version originale italienne et la version française d’époque, toutes deux en DTS-HD Master Audio 2.0, sans souffle ni bruits parasites. Les dialogues sont parfaitement clairs et proposent un confort acoustique optimal les sous-titres ne souffrent d’aucun problème particulier. Les amateurs de VF très marquées « vintage » seront ravis d’entendre les voix de Sady Rebbot (la voix de Clarence Boddicker dans la VF de Robocop), Gérard Hernandez et bien sûr de Jacques Balutin dans le rôle du truand appelé « Albanais ».

Non content de nous proposer une édition techniquement irréprochable, l’éditeur nous offre également une bonne grosse fournée de suppléments : on pourra en effet se régaler de plus d’une heure de suppléments. On commencera donc par un entretien avec le réalisateur Umberto Lenzi (12 minutes), qui nous donnera à entendre les propos du regretté cinéaste visiblement enregistrés sur trois périodes distinctes. Il évoquera tout d’abord son attachement à travailler sur les scénarios de ses films, et sur le fait que les exceptions dans sa carrière se comptent sur les doigts d’une seule main. Dans le cas d’Échec au gang, il évoquera l’influence de La Double Énigme de Robert Siodmak (1946), et admettra avoir consenti à créditer Tomás Milián en tant que co-scénariste du film, parce que ce dernier avait réécrit les dialogues de Monnezza et du Bossu. Il reviendra également assez longuement sur la technique utilisée pour faire apparaître à l’écran les deux personnages interprétés par Milián. Il évoquera également sa décision de ne plus tourner avec l’acteur au terme du tournage du film, parce que ce dernier buvait trop et devenait ingérable.

On continuera ensuite avec un entretien avec Eugenio Alabiso (19 minutes). Le monteur y reviendra sur son travail aux côtés de quelques-uns des cinéastes italiens les plus prestigieux des années 60/70 (Sergio Leone, Sergio Corbucci…) et plus précisément sur sa collaboration avec Umberto Lenzi, qu’il rencontra à l’occasion de l’excellent Les Chiens verts du désert, ainsi que sur la relation du réalisateur avec Tomás Milián.

On enchainera ensuite avec un entretien avec le compositeur Franco Micalizzi (20 minutes), qui se remémorera sa première rencontre avec Umberto Lenzi, et reviendra sur ses méthodes de travail. Il reviendra également sur son utilisation du clavinet dans ses compositions, qui collait parfaitement à l’atmosphère du genre poliziottesco, ainsi que sur la personnalité « sauvage » et selon lui très « romaine » de Tomás Milián. On terminera enfin par un entretien avec Antonello Venditti (19 minutes), qui se trouve être l’auteur et l’interprète de la chanson « Sora Rosa » que l’on entend dans Échec au gang. Il reviendra sur la chanson en elle-même, sur la personnalité de Tomás Milián, ainsi que, plus largement, sur l’image de Rome au cinéma. Pour vous procurer cette édition Blu-ray d’Échec au gang, rendez-vous sur le site de l’éditeur !

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