Critique : Diógenes

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Diógenes

Pérou : 2023
Titre original : –
Réalisation : Leonardo Barbuy La Torre
Scénario : Leonardo Barbuy La Torre
Interprètes : Gisela Yupa, Cleiner Yupa, Jorge Pomacanchari
Distribution : Bobine Films
Durée : 1h21
Genre : Drame
Date de sortie : 13 mars 2024

3/5

Synopsis : Au milieu des Andes péruviennes, deux jeunes enfants se retrouvent enlevés par leur père, un peintre héritier d’une tradition ancestrale, les Tablas de Sarhua. Il fait commerce de ses peintures en échange de produits de première nécessité, tandis que ses enfants l’attendent. À la suite d’une série d’événements inattendus, ces derniers vont découvrir une nouvelle réalité. En particulier Sabina, la sœur aînée, qui va être amenée à rencontrer son passé et sa culture.

Si, pour qu’un film vous plaise, il est indispensable qu’il déborde d’actions trépidantes, n’allez surtout pas voir ce film. Par contre, si vous avez l’esprit curieux, si vous êtes sensible à la beauté des images, si une certaine lenteur dans le déroulé du film ne vous indispose pas dans la mesure où vous sentez qu’elle s’imposait pour respecter son propos, n’hésitez surtout pas à aller voir Diógenes, un film péruvien qui a déjà glané de nombreux prix dans un certain nombre de festivals. Ce premier film du péruvien Leonardo Barbuy La Torre nous conduit auprès de Diógenes, un peintre spécialisé dans la réalisation de « tablas de Sarhua » et qui vit retiré du monde, dans un cabanon sans confort en pleine nature, avec ses deux enfants, Sabina et Santiago. Richesse artistique de la région de  d’Ayacucho, à 350 kilomètres au sud-est de Lima, ces tablettes sont des œuvres peintes sur des planches de bois et qui racontent la vie de la communauté, relatant aussi bien la vie ordinaire que des faits extraordinaires. Ces tablettes, Diógenes va les échanger dans le village le plus proche contre des produits de première nécessité.

Si Sarina, jeune adolescente, prend beaucoup de plaisir à chuchoter des légendes indiennes à l’oreille de son petit frère, elle est également arrivée à un âge où cette vie faite de frugalité et d’isolement lui pèse et, quand son père part avec ses tablettes vers le village, elle aimerait bien l’accompagner. Son père, toutefois, ne lui permet pas de le faire : les gens du village sont comme des loups, lui dit-il, et toi, tu es comme un agneau. Ce manque de confiance dans ses concitoyens est probablement le motif qui a poussé ce père de famille à vivre à l’écart du monde, dans une grande frugalité, une vie qui s’apparente à celle qu’avait choisie Diogène de Sinope, ce philosophe grec du 4ème siècle avant Jésus-Christ également appelé Diogène le chien. On retrouve d’ailleurs dans le film des éléments qui rapproche ce Diogène contemporain et andin du Diogène grec de l’antiquité : la présence de chiens auprès de Diogènes et de ses enfants, l’importance donnée à l’allumage d’une lanterne, l’écuelle utilisée pour les repas frugaux. Par contre, si l’on sait que le Diogène grec méprisait le mariage et qu’il militait pour la communauté des enfants, on ne sait pas comment il se serait comporté si il avait eu une fille comme Sabina, avide de connaître ce monde qu’il s’interdit à lui-même et à qui il faudra un évènement tragique pour pouvoir appréhender personnellement sa culture.

Leonardo Barbuy La Torre, le réalisateur de Diógenes, reconnaît avoir un modèle dans le monde du cinéma : le réalisateur espagnol Victor Erice, à qui on doit entre autres, L’esprit de la ruche (1973) et, plus récemment, Fermer les yeux (2023). C’est à Sarhua, le village des « tablas », qu’il est allé tourner Diógenes, faisant le choix du Noir et Blanc, du format 4/3 et d’une réalisation privilégiant les plans séquence, avec de très lents mouvements de caméra qui contribuent à faire de Diógenes une œuvre au caractère hypnotique. Leonardo Barbuy La Torre a lui-même composé la musique, distillée avec parcimonie et qui, très curieusement, utilise surtout un instrument auquel on ne s’attend pas dans un tel environnement, le clavecin. Quant aux dialogues, en langue quechua, une langue qui continue d’être pratiquée par plus de 3 millions de péruviens, ils sont particulièrement réduits. Parmi les 3 interprètes principaux, Jorge Pomacanchari, qui interprète le rôle du père, et  Gisela Yupa, l’interprète de Sabina, ont le don de dégager un puissant magnétisme, dû principalement à leur regard. Concernant la photographie, magnifique, les compliments doivent être adressés à deux professionnels de talent : Musuk Nolte, un photographe péruvien d’origine mexicaine, ami du réalisateur et qui lui a fait profiter de ses archives photographiques en noir et blanc des montagnes andines pour nourrir son écriture au cours de la rédaction de Diógenes ; et le Directeur de la photographie colombien Mateo Guzmán, dont on avait déjà apprécié le travail sur le magnifique La terre et l’ombre de César Acevedo (2016).

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