Test Blu-ray : Dernier domicile connu

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Dernier domicile connu

France, Italie : 1970
Titre original : –
Réalisation : José Giovanni
Scénario : José Giovanni
Acteurs : Lino Ventura, Marlène Jobert, Michel Constantin
Éditeur : Coin de mire Cinéma
Durée : 1h46
Genre : Drame, Policier
Date de sortie cinéma : 25 février 1970
Date de sortie DVD/BR : 10 septembre 2021

Marceau, policier efficace et rude, ne connaît que son métier. Commissaire adjoint à la brigade criminelle de Paris, il est muté dans un commissariat de quartier suite à l’arrestation d’un chauffard ivre, fils d’un grand avocat. On lui assigne une jeune assistante, Jeanne, qui a résolu de se vouer au social et qui croit dans le but réformateur de la Police. Un jour Marceau et Jeanne sont chargés de retrouver un certain Martin dont le témoignage dans une affaire criminelle est primordial pour détruire l’alibi de l’accusé, un caïd de la place. Marceau a vite compris qu’on leur a confié là une tâche impossible…

Le film

[4,5/5]

Dur, déprimant et sans concession, Dernier domicile connu est l’un des premiers polars français remettant en cause deux grandes institutions : la police et le système judiciaire. Influencé par les bouleversements sociaux de la fin des années 60, galvanisé par l’exemple de nos voisins Européens (Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon sortira la même année), José Giovanni nous livre ici un récit ouvertement désabusé, au cœur desquels flics, juges et autres représentants du système semblent perdre toute autorité morale et, encore pire, deviennent finalement indissociables des escrocs et des truands, qui utilisent toutes les failles du système pour les manipuler.

Cinquante ans après sa sortie dans les salles, la grande force de Dernier domicile connu est en effet de proposer au spectateur un véritable état des lieux de la France de 1970. José Giovanni fait preuve d’un don d’observation de ses contemporains assez remarquable, et nous livre, sous couvert d’enquête policière, un instantané sociologique très fin d’un Paris en pleine mutation(s), s’enfonçant à la fois dans un urbanisme galopant et dans un individualisme forcené. Le tour de force du scénariste / réalisateur est d’ailleurs tout particulièrement à souligner, dans le sens où Dernier domicile connu est adapté d’une série noire signée Joseph Harrington, se déroulant originellement dans la ville de New York.

Déroulant son récit sur un rythme lent mais jamais ennuyeux, Dernier domicile connu perdra probablement un peu de son impact sur le spectateur contemporain – après cinquante ans de polars mettant clairement en cause les institutions, l’intrigue du film de José Giovanni s’avérera aujourd’hui un peu plus prévisible, tout du moins dans sa partie policière et judiciaire. Pour autant, le sous-texte politique est toujours aussi efficace, de même que la partie « humaine » du récit, qui parvient à faire de Dernier domicile connu un drame captivant, notamment parce qu’il bénéficie des performances exceptionnelles de ses deux acteurs principaux, Lino Ventura et Marlène Jobert.

Lino Ventura y incarne un flic de la vieille école, dépassé par l’époque – le contraste est net avec le personnage incarné par Marlène Jobert, jeune idéaliste post-68, mais la description de leurs caractères respectifs ainsi que l’évolution, sensible et délicate, de leur relation, s’avère particulièrement bien rendue à l’écran. Marlène Jobert en particulier n’a peut-être jamais été aussi juste que dans Dernier domicile connu, et ce malgré une diction toujours aussi singulière. La jeune rookie enthousiaste du début du film fera preuve d’une intensité déchirante dans les dernières minutes du film.

En face d’elle, Lino Ventura, excellent comme à son habitude, la domine par la taille et le dynamisme – il faut les voir marcher dans les rues de Paris, lui avançant à grands pas décidés, elle courant littéralement derrière lui… Dès les premières minutes de Dernier domicile connu, on comprend que l’acteur dresse le portrait d’un flic déchu, désabusé, mais gardant toujours l’espoir, malgré toutes les déconvenues. La scène finale, brute et sans pathos excessif, le laissera sur le carreau en homme brisé, comme en témoignent les mentions écrites qui ferment le film.

Utilisant le paysage urbain, et notamment les grandes barres d’immeubles typiques de l’époque, avec beaucoup d’habileté, Dernier domicile connu suit une enquête qui prendra forme sur la longueur, dans une espèce d’errance surréaliste allant de fenêtre en fenêtre avant de virer à l’obsession – on en veut pour preuve le cauchemar du personnage de Marlène Jobert, qui résume tout à fait l’état d’esprit du film, et la nature de « mirage » du témoin qu’ils recherchent. Fustigeant tout à la fois la justice et la police, Dernier domicile connu développe tout au long de son intrigue une atmosphère hypnotique, encore appuyée par la superbe bande originale de François de Roubaix.

La collection « La séance »

Depuis l’automne 2018, l’éditeur Coin de mire Cinéma propose avec régularité au public de se replonger dans de véritables classiques du cinéma populaire français, tous disponibles au cœur de sa riche collection « La séance ». En l’espace de ces deux années de passion, le soin maniaque apporté par l’éditeur à sa sélection de films du patrimoine français a clairement porté ses fruits. Ainsi, Coin de mire est parvenu à se faire, en peu de temps, une place de tout premier ordre dans le cœur des cinéphiles français. L’éditeur s’impose en effet comme une véritable référence en termes de qualité de transfert et de suppléments, les titres de la collection se suivent et ne se ressemblent pas, prouvant à ceux qui en douteraient encore la richesse infinie du catalogue hexagonal en matière de cinéma populaire. Une telle initiative est forcément à soutenir, surtout à une époque où le marché de la vidéo « physique » se réduit comme peau de chagrin d’année en année.

Chaque titre de la collection « La séance » édité par Coin de mire s’affiche donc dans une superbe édition Combo Blu-ray + DVD + Livret prenant la forme d’un Mediabook au design soigné et à la finition maniaque. Chaque coffret Digibook prestige est numéroté et limité à 3.000 exemplaires. Un livret inédit comportant de nombreux documents d’archive est cousu au boîtier. Les coffrets comprennent également la reproduction de 10 photos d’exploitation sur papier glacé (format 12×15 cm), glissés dans deux étuis cartonnés aux côtés de la reproduction de l’affiche originale (format 21×29 cm). Chaque nouveau titre de la collection « La séance » s’intègre de plus dans la charte graphique de la collection depuis ses débuts à l’automne 2018 : fond noir, composition d’une nouvelle affiche à partir des photos Noir et Blanc, lettres dorées. Le packaging et le soin apporté aux finitions de ces éditions en font de véritables références en termes de qualité. Chaque coffret Digibook prestige estampillé « La séance » s’impose donc comme un superbe objet de collection que vous serez fier de voir trôner sur vos étagères.

L’autre originalité de cette collection est de proposer au cinéphile une « séance » de cinéma complète, avec les actualités Pathé de la semaine de la sortie du film, les publicités d’époque (qu’on appelait encore « réclames ») qui seront bien sûr suivies du film, restauré en Haute-Définition, 2K ou 4K selon les cas. Dans le cas de Dernier domicile connu, il s’agit d’une restauration 4K réalisée par StudioCanal avec la participation du CNC et de Coin de mire Cinéma.

La huitième vague de la collection « La séance » sera disponible à partir du 10 septembre 2021 chez tous vos dealers de culture habituels. Les six nouveaux films intégrant la collection la portent aujourd’hui à un total de 49 titres. Les six films de cette « nouvelle vague » sont donc Chiens perdus sans collier (Jean Delannoy, 1955), Gas-oil (Gilles Grangier, 1955), Le grand chef (Henri Verneuil, 1958), Train d’enfer (Gilles Grangier, 1965), Le Rapace (José Giovanni, 1968) et Dernier domicile connu (José Giovanni, 1970). Pour connaître et commander les joyaux issus de cette magnifique collection, on vous invite à vous rendre au plus vite sur le site de l’éditeur.

Le coffret Digibook prestige

[5/5]

Jusqu’ici disponible en DVD sous les couleurs de StudioCanal, Dernier domicile connu change donc d’éditeur et débarque chez Coin de mire Cinéma, qui lui permet de bénéficier de son expertise et d’intégrer la très prestigieuse collection « La séance ». Et comme à son habitude, Coin de mire nous livre une galette Haute Définition absolument impeccable. La définition et le piqué sont superbes, le master est de toute beauté et nous propose un bel hommage à la jolie photo du film, signée Étienne Becker. Côté son, on aura droit à un mixage clair et équilibré, très respectueux du rendu acoustique original, propre et ne souffrant pas du moindre souffle parasite. Du très beau travail !

Dans la section suppléments, l’éditeur nous propose comme à son habitude de reconstituer chez soi l’intégralité d’une séance de cinéma, comme à l’époque de la sortie du film. On commencera donc avec les Actualités Pathé de la 9ème semaine de l’année 1970 (13 minutes). Cela sera l’occasion de nous (re)plonger dans l’inauguration de la branche Ouest / Etoile Défense du métro parisien, qui, avec ses boutiques, représentait le « Paris de l’an 2000 ». On enchaînera ensuite avec un Festival du court-métrage à Tours, puis avec un long sujet sur certains aspects peu connus de la « Drôle de Guerre » : l’ennui de l’hiver 39/40, la « Guerre des Gaz » (étrangement d’actualité : port du masque obligatoire), les réquisitions de chevaux, etc. On terminera enfin avec un sujet en couleurs consacré à l’Art flamand.

Après la bande-annonce de La Horse, on continuera tranquillement en se tapant une petite page de réclames publicitaires de cette année 1970 (10 minutes). Les glaces Miko, une superbe chanson pour les caramels Dupont D’Isigny, une première invitation au voyage avec le boeing 747 de la Pan Am, Mennen pour nous les hommes, une deuxième invitation au voyage (bizarrement efficace celle-ci) avec les hôtels Meridien d’Air France, une pub bien racoleuse pour La Samaritaine avec une gonzesse complètement à poil… On nous demandera ensuite « d’imaginer la vie en Levis », on nous parlera des robes Franck et après le sexisme, place à la grossophobie avec une réclame Taillefine de Gervais qui, comme celle de La Samaritaine évoquée plus haut ou celles des années 80 pour les biscuits Bamboula, ne pourrait absolument plus voir le jour aujourd’hui. On terminera avec la regrettée Marthe Mercadier (qui est décédée le 15 septembre) qui nous parlera des raviolis de chez Panzani, puis avec une pub pour la Simca 1100 Special.


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