Cinélatino 2018 : Temporada de caza

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Temporada de caza

Argentine, États-Unis, Allemagne, France, Qatar, 2017
Titre original : Temporada de caza
Réalisateur : Natalia Garagiola
Scénario : Natalia Garagiola
Acteurs : Lautaro Bettoni, German Palacios, Boy Olmi, Rita Pauls
Distribution : –
Durée : 1h48
Genre : Drame
Date de sortie : –

Note : 3/5

La révolte adolescente apprivoisée par la nature sauvage de Patagonie, c’est ainsi que l’on pourrait résumer, un peu sommairement, soit, l’intrigue de ce film argentin, sélectionné en compétition au Festival Cinélatino à Toulouse. Temporada de caza n’interpelle donc pas forcément par l’originalité de son sujet. Le premier long-métrage de la réalisatrice Natalia Garagiola s’impose par contre grâce à son humanité sans fard, directe et peu conciliante. Le lent rapprochement entre un fils incapable de faire le deuil de sa mère et un père biologique, qui ne doit jouer à nouveau un rôle dans sa vie qu’à cause de ce dévissage aux symptômes préoccupants, s’y déroule certes de manière linéaire, mais sans que cette trame prévisible n’enlève quoique ce soit d’essentiel à l’intensité et à la sincérité des sentiments qu’elle suscite. Alors que les passages obligés de la vie adolescente, bagarres, beuveries et baisers volés compris, ne figurent pas parmi les aspects les plus concluants du récit, la relation paternelle pour le moins conflictuelle va droit au cœur. Aussi, parce qu’elle laisse planer le doute sur les véritables intentions du protagoniste au caractère bien trempé, un apprenti récalcitrant des cours de chasse de son père trop longtemps resté absent. C’est donc cette ambiguïté relative du ressenti familial qui met à part ce film, bien plus que les beaux paysages enneigés ou les tentatives maladroites de conquérir le cœur des filles avant le passage définitif à l’âge adulte.

Synopsis : La mère de Nahuel est morte récemment d’une longue maladie. Le jeune homme est inconsolable. Au lieu de permettre à son père adoptif Bautista et à ses amis de l’aider à faire son deuil, il se mure dans le mutisme et provoque toutes sortes d’incidents à son école. Bautista se résout alors à l’envoyer en province, en Patagonie, où il doit rejoindre son père biologique le garde-chasse Ernesto, qui y a refait sa vie avec une autre femme et d’autres enfants. L’accueil est glacial et Nahuel ne compte nullement se plier aux règles de courtoisie élémentaire dans la maison de son père, qui est pour lui un étranger. Néanmoins, Ernesto finit par percer la carapace d’amertume de son fils, en l’initiant à la chasse.

La mauvaise éducation

Le rejet de tout ce qui rend la vie précieuse est quelque chose de terrible, surtout lorsque ce retrait brutal de l’échange social est perpétré par une personne au début probable de son existence ! Cette sensation de gâchis, mêlée au sentiment guère plus valorisant d’impuissance face à lui, rend le début de Temporada de caza si prenant. La tête contre les murs, Nahuel fonce constamment en direction d’un refus complet de participer aux activités scolaires ou privées, qui sont censées donner un goût à la vie. Le raisonnement derrière cette forme aiguë de dépression ne se démarque pas par son originalité nuancée, puisqu’elle est exclusivement attribuée à la perte douloureuse de la mère. Le malaise profond du protagoniste exerce par contre un impact redoutable sur le spectateur, en raison de la radicalité avec laquelle il s’enferme dans sa douleur si difficile à partager. Pire encore, le côté peut-être le plus tragique du sort somme toute banal du jeune homme est la facilité des adultes à baisser les bras face au défi de le ramener à un état d’esprit ordinaire, c’est-à-dire constructif, voire optimiste. Le risque de la caricature guette parfois la mise en scène de Natalia Garagiola, pas réticente à forcer le trait pour montrer à quel point son personnage central est mal dans sa peau. La narration nous paraît toutefois mettre un point d’honneur à illustrer la misère affective, à la fois de Nahuel et de ses proches, sans pour autant se vautrer dedans de manière outrancière.

Dans la ligne de mire

Car Nahuel n’est pas le seul à souffrir de cette situation tendue, loin s’en faut. Son pendant, beaucoup moins expressif quoique au moins autant écorché vif à l’intérieur, est principalement son père Ernesto, interprété de façon magistrale, tout en frustrations intériorisées, par German Palacios. Au début du film, il n’y a rien entre ces deux hommes, si ce n’est une forme de haine sourde, née d’une incompréhension profonde entre eux. L’exploit de la narration consiste alors à faire en sorte que la glace se brise petit à petit, certes, mais sans tomber non plus dans la mécanique trop consensuelle et parfaite des retrouvailles chaleureuses au bout de maintes épreuves traversées ensemble. Nous prenons ainsi connaissance, par bribes successives, du passé familial de ces deux personnages principaux, du pourquoi du comment de la friction entre eux qui met tant de temps avant de s’adoucir. Mais là encore, le récit refuse de céder rapidement à la facilité, grâce à la réserve avec laquelle Nahuel s’implique dans l’activité de garde-chasse de son père. On ne comprend que plus tardivement d’où lui vient, entre autres raisons, cette retenue, le fruit du dilemme – accru à cet âge-là – de choisir son camp entre deux options de vie diamétralement opposées. Le fait de retrouver ponctuellement son père adoptif, lui aussi perdu dans cet état de suspension de la garde d’un enfant qui s’affirme de plus en plus en tant qu’adulte à part entière, permet alors au protagoniste de faire un point et, surtout, à la réalisation de reprendre son souffle.

Conclusion

Temporada de caza est certainement un film solide. Il explore son sujet, conventionnel mais traité avec une sensibilité notable, selon les règles de l’art de ce type de drame familial, qui se terminera invariablement plutôt bien. La réalisatrice Natalia Garagiola y fait d’ores et déjà preuve d’une maîtrise appréciable du vocabulaire cinématographique, même si nous avons été moins enchantés – à la fois individuellement et en tant que jury du prix Découverte du Syndicat Français de la Critique de Cinéma – par cette œuvre très honnête que d’autres …

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