Revu sur Disney+ : Rasta Rockett

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© 1993 Rob McEwan / The Walt Disney Company Tous droits réservés

De l’évasion, du rire et des larmes : toute production Disney qui se respecte devrait aspirer à ces trois choses-là. Elles sont inscrites en quelque sorte dans la matrice génétique du studio. D’où l’intérêt pas si discutable de sonder cette filmographie multiforme, disponible en France depuis un peu plus d’un mois sur la plateforme Disney+, selon sa grille de valeurs commune. Le hic, c’est que la plupart de ces divertissements familiaux, sans aucune prétention esthétique, échouent assez misérablement à satisfaire l’un ou l’autre de ces points essentiels. Parmi les exceptions extrêmement rares à réussir le grand chelem compte Rasta Rockett. Il s’agit là de la tempête parfaite entre un sujet certes toujours aussi édifiant, un pathos héroïque administré sans modération et, l’aspect le plus important, beaucoup de dérision. Car c’est son humour naturel et débridé qui propulse le meilleur film de Jon Turteltaub avec panache sur la ligne d’arrivée.

On n’a jamais mis les pieds en Jamaïque. Et par les temps de confinement international qui courent, on ne risque hélas pas trop d’y aller de sitôt. Il nous paraît cependant certain que la vie sur l’île caribéenne ne ressemble en rien à l’image aussi folklorique qu’idyllique que Rasta Rockett en donne. Mieux vaut donc supposer les raisons avant tout économiques, qui ont poussé les valeureux sportifs à vouloir en partir ou au moins à redorer le blason d’un pays dépourvu de repères inspirants, vingt ans avant l’avènement de l’ère Usain Bolt. De même, dès leur arrivée dans les contrées givrées du Canada, le scénario ne manque pas une occasion pour souligner leur flagrant manque d’adaptation, au climat et à la compétition de haut niveau. Et puisqu’il faut obligatoirement un minimum de manichéisme dans un film Disney, les hauts fonctionnaires et les équipes d’adversaires surentraînés sont des cibles tout désignées pour mettre des bâtons dans les lames de nos valeureux héros.

© 1993 Rob McEwan / The Walt Disney Company Tous droits réservés

Qu’à cela ne tienne, le récit trouve l’équilibre prodigieusement juste entre le prêche et la farce décontractée. Il ne vise point à redresser tous les torts subis depuis des siècles par les habitants de l’ancienne colonie britannique. Et il ne formule pas non plus un discours racial susceptible de changer de fond en comble notre conception du monde. Tout ce qu’il fait, c’est de s’appuyer sur une efficacité narrative jamais démentie. Chaque bobeur improvisé dispose ainsi d’un trait de caractère dominant, voire exclusif. De cette complémentarité plus simple que simpliste naît une symbiose des luttes et des tempéraments, qui est sans doute ce que l’on trouvera de plus authentique en termes d’esprit d’équipe dans une production Disney. Il est alors tout à fait logique que la mise en scène ne cherche pas non plus à accorder à chacun son moment décisif de vérité. La grande histoire prévaut sur celle des individus, sans pour autant disputer à ces derniers leur noblesse, malgré tout un brin enfantine.

Même si l’excellence de cette intrigue ébouriffante relève plus d’un tout que d’une partie distinctive, il serait injuste de passer sous silence les interprétations. Par leur authenticité et leur docilité adroite à ne pas tirer artificiellement la couverture à eux, ces acteurs se mettent entièrement au service d’un film lui aussi dépourvu de vanité … et de personnages féminins dignes de ce nom. Bien qu’ils soient les têtes d’affiche officielles, Leon, beau comme un lion ou carrément sublime, et John Candy, sur qui personne n’a jamais dit une chose pareille mais qui reste fort crédible dans l’un de ses derniers rôles, s’intègrent habilement dans un ensemble de confrères dévalant sans retenue sur la piste du rire franc et des larmes chaudes d’émotion.

© 1993 Rob McEwan / The Walt Disney Company Tous droits réservés

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