Critique : Paris of the North

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Paris of the North

Islande, 2014
Titre original : Paris nordursins
Réalisateur : Hafsteinn Gunnar Sigurdsson
Scénario : Huldar Breidfjörd
Acteurs : Björn Thors, Helgi Björnsson, Nanna Kristin Magnusdottir
Distribution : Arizona Distribution
Durée : 1h36
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : 25 mars 2015

Note : 3/5

L’Islande, cette île isolée au large de l’Europe, nous a toujours fascinés. D’abord, en tant que lieu de retraite rêvé, loin de tout et pourtant peut-être l’endroit le plus proche de la France qui vit encore au gré des influences naturelles : le froid, la neige et l’obscurité en hiver, ainsi que l’éruption éventuelle d’un volcan à tout moment. Et puis, grâce à son cinéma, modeste en quantité, mais d’une qualité à toute épreuve, qui tire profit des caractéristiques nationales sans jamais tomber dans la caricature folklorique. Paris of the North nous conforte largement dans notre appréciation. C’est un joli film doux-amer, avare en réponses, mais très adroit lorsqu’il s’agit de présenter les différents dilemmes existentiels des personnages sous un jour réaliste. Car contrairement à ce que pourrait laisser croire l’affiche française du film, l’état de flottement du protagoniste n’est pas principalement de l’ordre aquatique. Il relève davantage de cette délicate impasse due à l’indécision, qui accable tôt ou tard les hommes à partir de la trentaine.

Synopsis : Suite à la rupture avec sa copine, Hugi a quitté la ville et a élu domicile à la campagne. Il y travaille comme professeur dans l’école d’un petit village au fin fond des fjords du nord-ouest de l’Islande. Pour lutter contre la dépression, il a rejoint le groupe très restreint d’Alcooliques Anonymes de la région et il court régulièrement des dizaines de kilomètres dans le paysage sauvage des environs. Alors que les vacances d’été approchent, Hugi ne sait pas comment affronter cette période d’oisiveté forcée. En plus, son père Veigar, de retour d’un long séjour en Thaïlande, souhaite s’installer chez lui pendant un certain temps. Cette visite du vieil hédoniste ne correspond guère au style de vie terne de son fils.

Carpe diem

Le personnage principal du deuxième film de Hafsteinn Gunnar Sigurdsson n’a point l’âme d’un explorateur. Il a beau courir vigoureusement à travers les rues désertes du patelin dans lequel il s’est réfugié après un chagrin d’amour, cette activité sportive n’est qu’un palliatif contre le malaise affectif qui le ronge de l’intérieur. Comme la plupart de ses compatriotes, Hugi a un faible pour l’alcool, une réaction quasiment innée pour une population échouée sur un rocher volcanique au climat peu clément. Ce trentenaire désabusé a survécu plutôt indemne à l’hiver que l’on imagine impitoyable dans ce coin paumé, sans autres lieux de récréation que la piscine municipale et deux ou trois restaurants exotiques. C’est désormais l’été, la seule saison où l’on pourrait a priori se prélasser gaiement à l’extérieur. Sauf que les choses ne s’arrangent pas dans la vie privée de Hugi, bien au contraire. La vitesse avec laquelle il s’enferme dans la spirale du dépit a même tendance à s’accélérer, en raison de l’arrivée de son père. Celui-ci est à première vue tout le contraire de son fils : dépensier, bavard, sociable et optimiste. Il revient alors à la narration subtile de cette comédie dramatique de procéder non pas à un rapprochement familial sous le signe des bons sentiments, mais justement à l’exagération progressive des différences, jusqu’à ce que l’abcès soit crevé et qu’un départ vers de nouveaux horizons semble possible.

C’est ça être père

Le lien qui unit les personnages – parfois malgré eux – relève de la réflexion touchante sur le thème universel de la paternité. Tout un chacun y est confronté à un moment donné de l’intrigue. Les volontés d’assumer cette responsabilité choisie ou subie sont plus ou moins marquées. Entre le grand-père Svanur, qui pense devoir gérer seul tous les écarts de conduite des membres des Alcooliques Anonymes sur lesquels il veille, et Veigar, qui ne s’encombre aucunement de pareil altruisme au point de courir après des plaisirs de jeunesse qui ne sont plus de son âge, la génération des enfants adultes aurait l’embarras du choix entre les extrêmes. Qu’elle manque pourtant cruellement de repères, effacés aussi par l’abus ou par la peur de l’alcool, constitue indéniablement l’un des points forts du film. Hugi fait certes de son mieux pour être un bon prof et un bon père de substitution pour son élève préféré Albert, son équilibre existentiel est des plus précaires, comme une bombe à retardement qui attend seulement le moment opportun pour se vautrer dans l’aigreur. L’interprétation remarquable de Björn Thors confère une fragilité au personnage, qui sied parfaitement au ton ironique de cette histoire amusante, quoique pas dépourvue d’observations saisissantes sur les aléas moins agréables de la vie.

Conclusion

Alors que notre projet personnel d’une nouvelle patrie d’adoption islandaise appartient de plus en plus à l’utopie, notre appétit pour le cinéma nordique est parfaitement rassasié par ce film doucement jubilatoire. C’est surtout le regard précis de la mise en scène qui nous a conquis. Jamais empreint d’une compassion excessive envers ses personnages aux ambitions médiocres, il fait preuve d’une distance très juste à leur égard. Bien que ni Hugi, ni ses proches n’accomplissent grand-chose au fil du récit, leur drôle de façon de faire du surplace nous paraît hautement divertissante et profondément humaine !

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