La Cinémathèque Française à l’automne 2018

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La Cinémathèque Française a rouvert ses portes depuis une semaine. Il est donc grand temps de faire un point sur son programme automnal, une fois de plus si riche en rétrospectives, cycles thématiques et autres expositions que même les cinéphiles les plus assidus ne pourront pas tout voir. La pièce maîtresse de la rentrée cinématographique du côté de la rue de Bercy est évidemment l’exposition Sergio Leone, visible dès la mi-octobre jusqu’en janvier 2019. Mais les amateurs de films français, américains, suédois, japonais, égyptiens et portugais y trouveront de même largement leur compte.


La programmation de la Cinémathèque Française est si dense qu’il aura suffi de quelques jours pour qu’on passe d’ores et déjà à côté du premier cycle de la saison 2018/2019. Dans un souci d’exhaustivité, il sera donc noté que le réalisateur coréen Lee Chang-dong (*1954) a fait escale dans l’American Center le week-end dernier afin d’y donner une leçon de cinéma. Son passage en France coïncidait avec la sortie de son dernier film Burning, acclamé au dernier Festival de Cannes, et présenté en avant-première aux fidèles abonnés Libre Pass de la Cinémathèque. Depuis, les cinq autres films qui composent sa filmographie parcimonieuse ont été projetés, y compris Peppermint Candy dans une version restaurée dont la séance avait été rajoutée à la dernière minute, ainsi que deux films produits par Lee, Une vie toute neuve de Ounie Lecomte et A Girl at my door de July Jung.


L’artiste majeur de l’âge d’or hollywoodien Leo McCarey (1896-1969) a, quant à lui, droit à un mois de projections, en guise de réplique de la rétrospective que le Festival de Locarno lui a consacrée au mois d’août. L’inventeur du tandem Laurel et Hardy et le réalisateur de classiques de la comédie à l’américaine tels que La Soupe au canard avec les Marx Brothers, L’Admirable Mister Ruggles avec Charles Laughton, Cette sacrée véritée avec Irene Dunne et Cary Grant et Elle et lui avec Deborah Kerr et Cary Grant a bénéficié en plus d’un ciné-concert de Serge Bromberg pour l’ouverture du cycle mercredi dernier, ainsi que d’une conférence de Murielle Joudet demain soir à 19h00 intitulée « Leo McCarey L’amour par terre ». Une place importante du cycle est par ailleurs dédiée aux nombreux courts-métrages muets supervisés par McCarey et regroupés en pas moins de 21 programmes à l’honneur de Charley Chase, Laurel & Hardy et Max Davidson.


Contrairement à ce qui avait été annoncé lors de la présentation de la programmation annuelle de la Cinémathèque Française début juillet, l’actrice et chanteuse française Charlotte Gainsbourg n’y sera pas ce mois-ci. Sans doute pour meubler de façon intelligente, les programmateurs de l’illustre institution ont comblé le vide par un cycle thématique sous le titre « Quand le cinéma va au musée ». Aucun encadrement pédagogique pour ce cycle rassemblé à la va-vite, qui s’ouvre ce soir avec la projection de Bean de Mel Smith, mais néanmoins un choix éclectique d’une vingtaine de films, déambulant dans les allées d’expositions américaines (Sueurs froides de Alfred Hitchcock, Shadows de John Cassavetes et Pulsions de Brian De Palma), anglaises (Match Point de Woody Allen et National Gallery de Frederick Wiseman), françaises (Gervaise de René Clément et Bande à part de Jean-Luc Godard), italiennes (Violence et passion de Luchino Visconti et Le Syndrome de Stendahl de Dario Argento), russe (L’Arche russe de Alexandre Sokurov), hong-kongaise (Les Associés de John Woo) et suédoise (The Square de Ruben Östlund).


En partenariat avec le Festival du cinéma américain de Deauville, la Cinémathèque Française célèbre le travail du réalisateur américain M. Night Shyamalan (* 1970) lors d’une rétrospective express la semaine prochaine. Tandis que vous y chercheriez en vain les deux premiers longs-métrages du réalisateur, vous pourrez revoir tous ceux qui ont marqué sa fortune (Sixième sens, Incassable, Signes et Le Village) et son déclin à Hollywood (La Jeune fille de l’eau, Phénomènes, Le Dernier maître de l’air et After Earth), ainsi que les indicateurs prometteurs d’un retour en forme (The Visit et Split) et deux films pour lesquels il a uniquement écrit le scénario (Stuart Little de Rob Minkoff et Devil de John Erick Dowdle).


Le principal centenaire du monde du cinéma est fêté comme il se doit à la Cinémathèque, à travers une grande rétrospective pendant deux mois, de la mi-septembre à la mi-novembre, des films du réalisateur suédois Ingmar Bergman (1918-2007). Tous les organismes compétents et autres partenaires de prestige ont donc contribué à ce cycle incontournable, depuis la Fondation Ingmar Bergman, l’Institut suédois et le Svenska Filminstitutet, jusqu’au distributeur Carlotta Films et au Festival de La Rochelle. En plus des conférences animées par trois habitués de la Cinémathèque, Jacques Aumont, Alain Bergala et Jean Narboni, tous les films d’Ingmar Bergman seront projetés à deux reprises, comme par exemple Le Septième sceau, Les Fraises sauvages, Persona, Cris et chuchotements, Scènes de la vie conjugale, Sonate d’automne et Fanny et Alexandre. En parallèle des activités à Bercy, Carlotta sortira une rétrospective en 21 films à partir du 26 septembre et L’Institut suédois à Paris accueillera l’exposition « Ingmar Bergman la suite » jusqu’au mois de janvier 2018.


Le Japon appartient indubitablement à la sainte trinité étrangère des programmateurs de la Cinémathèque Française, aux côtés de l’Italie et des États-Unis. Deux ans après l’exposition et le cycle « L’Écran japonais », voici la preuve par trois, puisque les cent ans du cinéma japonais seront célébrés en trois volets : le premier se penchera dès fin septembre et pendant un mois sur la naissance de cette cinématographie nationale, de la fin des années 1920 au début des années ’40, puis en janvier 2019, ce sera le tour aux films des années 1950 jusqu’aux années 2000, pour terminer en février sur des œuvres récentes, voire des avant-premières. Chaque cycle comprend entre quinze et trente films respectivement. Également dans le cadre de la manifestation « Japonismes 2018 », les Éditions de la Martinière sortiront le livre « 100 ans de cinéma japonais » fin septembre. La soirée d’ouverture du premier cycle le mercredi 26 septembre sera accompagnée d’un spectacle de Benshi et la conférence de Fabrice Arduini le lendemain évoquera le cinéma japonais d’avant 1945 sous l’aspect de la naissance simultanée d’une industrie et d’une modernité.


La sortie de son nouveau film Le Cahier noir le 3 octobre a suffi comme prétexte à la Cinémathèque Française pour dédier un bref cycle d’une semaine à la réalisatrice chilienne Valeria Sarmiento (*1948). La veuve du réalisateur Raoul Ruiz avait d’abord été la monteuse attitrée de son mari, avant de passer elle-même à la réalisation à travers des films tels que L’Inconnu de Strasbourg avec Ornella Muti, Rosa la Chine et Les Lignes de Wellington avec John Malkovich. Elle sera présente pour un dialogue autour de son premier film Notre mariage le samedi 6 octobre, animé par la chargée de l’action culturelle à la Cinémathèque Française Gabriela Trujillo et en présence du compositeur Jorge Arriagada.


« Il était une fois Sergio Leone », c’est ainsi que les responsables de la Cinémathèque, toujours aussi inventifs, ont appelé la première grande exposition de la saison, qui se penchera – surprise, surprise – sur l’œuvre du réalisateur italien (1929-89), qui a influencé quasiment toutes les générations de cinéastes l’ayant suivi, de Martin Scorsese à Quentin Tarantino. Du 10 octobre 2018 au 27 janvier 2019, les spectateurs pourront découvrir le côté intime et hanté, fétichiste et iconoclaste d’un metteur en scène qui est tout sauf un inconnu dans les salles Langlois et Franju, puisque une rétrospective lui y a déjà été consacrée exactement quatre ans plus tôt. Les films cultes de Leone, de Pour une poignée de dollars à Il était une fois en Amérique, en passant par Il était une fois dans l’ouest, seront donc une fois de plus à l’affiche, présentés entre autres par son biographe Christopher Frayling, Jean-François Rauger et l’actrice Claudia Cardinale. Seront également projetés sept films produits par Leone dont Mon nom est personne de Tonino Valerii et Qui a tué le chat ? de Luigi Comencini. Enfin, un somptueux catalogue, « La Révolution Sergio Leone » sous la direction du commissaire de l’exposition Gian Luca Farinelli et de Christopher Frayling sera édité en parallèle aux Éditions de la Table ronde.


Lauréate du 10ème prix Lumière au Festival de Lyon en octobre prochain, l’actrice américaine Jane Fonda (* 1937) sera ensuite à Paris afin de donner le lundi 22 octobre une master class à la Cinémathèque Française, animée par son directeur général Frédéric Bonnaud et son président Costa-Gavras, qui se porte toujours très bien, en dépit du canular sur sa mort diffusé brièvement la semaine passée. Pendant deux semaines, vingt-quatre films avec la comédienne mythique et toujours active seront projetés, depuis son premier film La Tête à l’envers de Joshua Logan jusqu’à l’un de ses derniers Et si on vivait tous ensemble ? de Stéphane Robelin, en passant par ses sept interprétations nommées aux Oscars On achève bien les chevaux de Sydney Pollack, Klute de Alan J. Pakula, Julia de Fred Zinnemann, Le Retour de Hal Ashby, Le Syndrome chinois de James Bridges, La Maison du lac de Mark Rydell et Le Lendemain du crime de Sidney Lumet, ainsi que des films légendaires comme Les Félins de René Clément, La Poursuite impitoyable de Arthur Penn et Barbarella de Roger Vadim. Face à une telle rétrospective quasiment intégrale, on peut cependant regretter que deux œuvres majeures de sa filmographie en soient absentes – Comment se débarrasser de son patron de Colin Higgins et Stanley & Iris de Martin Ritt – et qu’un seul de ses rôles depuis son retour en 2005 y soit inclus.


La filmographie du réalisateur français Jean-Paul Rappeneau (*1932) est inversement moins fournie, puisque elle ne comprend que huit films. Parmi eux, on compte toutefois de nombreuses perles du cinéma national, comme La Vie de château avec Catherine Deneuve et Philippe Noiret, Les Mariés de l’an deux avec Jean-Paul Belmondo et Marlène Jobert, Le Sauvage avec Yves Montand et Catherine Deneuve, Cyrano de Bergerac avec Gérard Depardieu et Le Hussard sur le toit avec Juliette Binoche et Olivier Martinez. Vous pourrez revoir tout ce beau monde fin octobre à la Cinémathèque, à l’écran bien entendu, mais parfois aussi en chair et en os, puisque quelques acteurs se prêteront à une visite de complicité, comme par exemple Juliette Binoche et Catherine Deneuve. Jean-Paul Rappeneau en personne sera présent pour une leçon de cinéma le samedi 27 octobre et pour un dialogue autour de la musique de ses films le samedi 3 novembre. La rétrospective s’ouvrira le mercredi 24 octobre avec la projection de Cyrano de Bergerac en version restaurée et en présence de l’équipe du film, avant sa ressortie en salles une semaine plus tard. A partir du 14 novembre, Carlotta Films ressortira également les autres films du réalisateur au cinéma.


Le Musée d’Orsay accueillera du 6 novembre 2018 au 27 janvier ’19 l’exposition « Renoir père et fils Peinture et cinéma ». La Cinémathèque Française s’y associe, pendant le mois de novembre, avec une rétrospective des films de Jean Renoir (1894-1979). Elle rafraîchit ainsi en quelque sorte la mémoire des spectateurs ayant visité l’exposition « Renoir / Renoir » dans ses murs à la rentrée 2005, la première à être présentée dans les locaux de la rue de Bercy. Trois conférences par Bernard Benoliel, Frédéric Bas et Jean-François Rauger approfondiront ce cycle au cours duquel on pourra donc revoir, entre autres, Boudu sauvé des eaux, La Grande illusion, La Bête humaine, La Règle du jeu, Le Fleuve, Le Carrosse d’or et French Cancan.


Présentée du 14 novembre 2018 au 28 juillet 2019 à la Galerie des Donateurs du musée de la Cinémathèque, la deuxième exposition de la saison est dédiée au réalisateur égyptien Youssef Chahine (1926-2008). Elle a été élaborée à partir du patrimoine de ce cinéaste à la croisée des cultures orientale et occidentale, confié en collection à la Cinémathèque Française. Dans un premier temps, dix-sept films essentiels de Youssef Chahine seront projetés pendant quinze jours au mois de novembre, pour la plupart en version restaurée et hélas majoritairement dans la petite salle Jean Epstein, dont Le Destin, présenté cette année à Cannes Classics, et Adieu Bonaparte, présenté dans le même contexte deux ans plus tôt. Ce dernier a déjà fait l’objet d’une édition en DVD et Blu-ray fin août par TF1 Studio. Enfin, Tamasa Distribution ressortira en salles un programme de douze films en version restaurée du réalisateur à partir du 14 novembre et éditera également un coffret en dix films. Le cycle sera complété le mercredi 21 novembre par la conférence de la musicologue Amal Guermazi sous le titre « Youssef Chahine Un processus musical de création ».


Le cinéma américain indépendant, voire marginal, sera de retour à la Cinémathèque Française à partir du 16 novembre, par le biais de la troisième édition du festival American Fringe. Au cours d’un week-end, sept programmes de travaux récents seront projetés en présence du programmateur Richard Peña et des réalisateurs, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris.


Enfin, ce programme trimestriel excessivement riche se terminera fin novembre avec un hommage au mythique compositeur italien Ennio Morricone (*1928). La présence du maestro n’est pas confirmée pour l’instant, apparemment pas forcément pour des raisons de santé de ce futur nonagénaire, puisqu’il devrait donner un concert juste à côté de la Cinémathèque Française, à l’AccorHotels Arena, le vendredi 23 novembre. De surcroît, ce mini-cycle de six jours se veut volontairement modeste, puisqu’il ne comprend que dix titres dans l’œuvre démesuré de Morricone, qui compte plusieurs centaines de compositions, histoire de célébrer avec un léger retard son anniversaire début novembre. Vous pourrez néanmoins écouter et regarder le résultat de ses collaborations avec des réalisateurs célèbres tels que Elio Petri (Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon), Gillo Pontecorvo (La Bataille d’Alger et Queimada), Dario Argento (Quatre mouches de velours gris), John Carpenter (La Chose) et Roland Joffé (Mission).

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