Critique : Elser Un héros ordinaire

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Elser Un héros ordinaire

Allemagne, 2015
Titre original : Elser
Réalisateur : Oliver Hirschbiegel
Scénario : Fred & Léonie-Claire Breinersdorfer
Acteurs : Christian Friedel, Katharina Schüttler, Burghart Klaussner, Johann von Bülow
Distribution : Sophie Dulac Distribution
Durée : 1h54
Genre : Drame historique
Date de sortie : 21 octobre 2015

Note : 3/5

Comment définir un terroriste ? Et surtout comment en devenir un, alors qu’aucun élément dans la biographie ne prédispose à franchir le pas ? Ce film poignant ne cherche pas tant à apporter une réponse sans équivoque à ces questions plus que jamais d’actualité, qu’à tendre la glace aux lâches en général et au peuple allemand de l’époque en particulier, à travers le cas guère ordinaire de Georg Elser. Puisque les faits historiques amplement connus ne laissent point de place au suspense, à la manière du film le plus connu du réalisateur Oliver Hirschbiegel La Chute sur les derniers jours de Hitler, le double enjeu du récit est à la fois d’étudier la frénésie aveugle avec laquelle les notables nazis ont mené l’enquête autour de l’attentat et les motivations humanistes qui avaient poussé Elser à passer à l’acte. La facture solide de Elser Un héros ordinaire s’avère alors trompeuse, parce que c’est justement le décalage entre l’envergure de l’événement et la banalité de son auteur qui en constitue tout l’intérêt.

Synopsis : Le 8 novembre 1939, le chancelier allemand Adolf Hitler échappe de justesse à un attentat à la bombe dans une brasserie munichoise. Le coupable est vite trouvé : l’horloger Georg Elser qui a été arrêté alors qu’il s’apprêtait à franchir la frontière suisse. Son interrogatoire est mené à Berlin sous la direction de Arthur Nebe, directeur de la police judiciaire du Reich. Bien que le prévenu refuse d’abord de collaborer, malgré la torture, il finit par livrer tous les secrets de son acte terroriste afin de protéger ses proches. Mais ses bourreaux ne peuvent pas admettre que cet attentat manqué ait été concocté par une seule personne sans affiliation politique. Ils s’acharnent par conséquent sur leur victime, qui ne serait qu’un pion dans un complot international contre le Führer.

Daigneriez-vous réagir ?

Le mythe des Allemands qui auraient aveuglement et presque sans exception suivi la folie totalitaire du Troisième Reich n’en est hélas pas un. Tandis qu’on célèbre en France jusqu’à ce jour l’esprit de la Résistance, ceux et celles qui avaient osé s’insurger en Allemagne contre les atrocités commises par les nazis se comptent pratiquement sur les doigts d’une main. Il en existait pourtant un héros méconnu dont l’action aurait pu servir assez tôt d’exemple à un mouvement d’opposition vigoureux. Que son attentat ait été un échec cuisant, qui n’avait coûté la vie qu’à quelques innocents, n’a alors que peu d’importance. Sa valeur intrinsèque réside davantage dans le caractère tout à fait ordinaire de cet homme. Si lui avait su trouver le courage pour élaborer un plan nullement machiavélique, pourquoi au moins certains de ses compatriotes ne lui ont-ils pas emboîté le pas ? Parmi la petite dizaine de tentatives sérieuses d’assassiner Hitler, celle de Georg Elser était en effet la seule planifiée par un civil, de surcroît sans un soutien logistique à la hauteur de ce projet hasardeux. Son véritable héroïsme résulte ainsi de sa capacité à mettre en pratique son indignation verbale, quitte à risquer sa propre vie pour le bien commun.

David contre Goliath

La narration de Elser Un héros ordinaire tend parfois à tourner en rond. La structure dramatique du calvaire de la détention, entrecoupé régulièrement de retours en arrière pour mieux comprendre le raisonnement du terroriste, ne relève en effet pas d’une quelconque ingéniosité scénaristique. Et pourtant, ce va-et-vient presque monotone entre les horreurs de la prison et la vie antérieure du protagoniste, marquée autant par les conquêtes féminines que par un lent éveil de la conscience, correspond parfaitement au propos du huitième film de Oliver Hirschbiegel. Contrairement à la démarche de la plupart des films, dont la tension monte crescendo jusqu’au final retentissant, celui-ci opte pour une démystification systématique de son héros. Après l’exploit initial qui aurait raisonnablement pu réussir, le regard sur le personnage principal enlève, séquence après séquence, l’aura extraordinaire de Elser pour ne laisser en fin de compte qu’un individu modeste, quasiment dépourvu de traits exceptionnels. L’interprétation de Christian Friedel dans le rôle principal se conforme sans peine à ce cahier de charges dédié à l’absence de prétention, tout comme celle de Burghart Klaussner dans celui de Arthur Nebe, à qui l’Histoire réservera un sort plutôt ironique.

Conclusion

A une époque où les terroristes de toutes sortes tiennent en haleine l’opinion publique à travers le monde, l’histoire de Georg Elser représente un drôle d’exemple. Comme la plupart de ces hommes et femmes qui préfèrent mourir pour leur cause au lieu d’accepter une situation perçue comme injuste, il espérait changer le cours de l’Histoire sans réclamer une gloire personnelle. D’ailleurs, la reconnaissance de son action en tant que leçon de résistance s’est faite attendre. Dans toute sa sobriété, ce film érige donc enfin un monument cinématographique en l’honneur de cet homme que rien ne prédestinait à devenir un héros, mais qui en est l’un des plus inspirants grâce à sa normalité pleinement assumée.

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