Critique : Split

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Split

Etats-Unis, 2016
Titre original : –
Réalisateur : M. Night Shyamalan
Scénario : M. Night Shyamalan
Acteurs : James McAvoy, Anya Taylor-Joy, Betty Buckley
Distribution : Universal Pictures International France
Durée : 1h57
Genre : Thriller, Epouvante-horreur
Date de sortie : 22 février 2017

Note : 4/5

Aller voir un nouveau film de M. Night Shyamalan est toujours une expérience entre l’excitation et l’appréhension. Car s’il n’a plus grand-chose à prouver en matière d’efficacité de narration et de mise en scène, il est encore difficile de se retirer de l’esprit ses tristes expériences dans le blockbuster américain (Le Dernier Maître de l’air et le catastrophique After Earth qui laissait véritablement penser que le cinéaste était mort artistiquement). Pourtant, avec , un espoir était permis, tant le résultat, aussi imparfait soit-il – notamment à cause de l’utilisation du found footage, toujours un procédé boulet pour tout bon metteur en scène qui se respecte – respirait une joie de filmer et de raconter son histoire communicative. Le succès critique et public du film a naturellement remis son nom sur le devant de la scène, et c’est donc rapidement que le film présent a été mis en chantier, toujours sous l’égide du producteur star Jason Blum, qui, quoi que l’on puisse penser de lui, laisse toujours carte blanche à ses poulains, du moment que le budget alloué est respecté. Et lorsqu’il tombe sur des cinéastes chevronnés comme c’est le cas ici, le résultat peut souvent s’avérer plus que concluant d’un strict point de vue artistique.

Synopsis : Kevin a déjà révélé 23 personnalités, avec des attributs physiques différents pour chacune, à sa psychiatre dévouée, la docteure Fletcher, mais l’une d’elles reste enfouie au plus profond de lui. Elle va bientôt se manifester et prendre le pas sur toutes les autres. Poussé à kidnapper trois adolescentes, dont la jeune Casey, aussi déterminée que perspicace, Kevin devient dans son âme et sa chair, le foyer d’une guerre que se livrent ses multiples personnalités, alors que les divisions qui régnaient jusqu’alors dans son subconscient volent en éclats.

Un récit sans précipitation mais avec tension

Le point de départ nous ramène au temps glorieux de Sixième sens, non pas que les histoires aient le moindre rapport, mais dans ce talent à nous happer avec un pitch efficace et intrigant, pouvant tout autant se transformer en purge entre les mains d’un tâcheron, qu’en petite bombe de tension, lorsqu’il s’agit d’un cinéaste malin. Et dès la séquence d’ouverture, on se rend bien compte que celui qui a stupéfait la planète entière avec ses twists mémorables, n’a pas vu son talent s’évaporer, et est encore capable de provoquer une véritable jubilation chez le spectateur. En 5 minutes, durant lesquelles les enjeux sont parfaitement exposés, avec un art du montage et de la dramaturgie admirables, on est captivé et prêt pour un tour de grand huit comme le cinéaste en a le secret. Déroulant tranquillement son récit, sans précipitation, en laissant le temps aux personnages d’exister et à la tension de s’installer, il prouve qu’avec une véritable assurance dans la mise en scène, et une totale croyance en ce qu’il raconte, il n’y a nul besoin de grands effets pour scotcher le spectateur à son siège, et ce jusqu’à l’ultime minute. La maîtrise, qui transpire ici à chaque instant, peut être rapprochée de Hitchcock, dans cette facilité à utiliser le moindre élément de son décor en huis clos, et à engendrer du suspense, voire du pur stress, simplement avec ses cadrages anxiogènes et son art du montage.

La pression monte donc progressivement, sans qu’il n’y ait besoin d’ajouter d’effets grand guignol, du moins pendant la majeure partie du film, le climax étant quant à lui un sommet de terreur durant lequel Shyamalan se permet quelques écarts de conduite, lorsqu’on prend en compte le classement PG-13, poussé ici dans ses derniers retranchements. Mais avant d’en arriver là, on aura été baladé avec plaisir, sans excès de manipulation, alors même que l’on s’attend à un twist inévitable. Et pourtant, là encore, on est surpris par la tournure des événements. Il est évidemment difficile d’aller plus loin dans la description du scénario, sans risquer de gâcher les surprises qu’il nous réserve, mais on peut tout de même affirmer que le cinéaste a su ne pas se reposer sur les acquis de ses précédents succès, en ne proposant pas un twist dans le sens où on l’entend, à savoir qu’il n’y a pas de grosse révélation à proprement parler, remettant en question tout ce que l’on nous a montré précédemment. Par contre, le crescendo horrifique et la folie totale de ses idées rendent le résultat particulièrement ludique, tout à la fois stressant et amusant.

Des acteurs et un cinéaste en état de grâce

Il faut dire qu’en matière de folie furieuse, James McAvoy s’est fait plaisir. On savait déjà le comédien à l’aise dans les rôles limites, où l’on ne sait jamais vraiment ce qu’il nous proposera la seconde suivante, dans une espèce de fébrilité que l’on pourrait rapprocher du jeu du Nicolas Cage des meilleurs jours. Il nous l’avait démontré avec flamboyance dans l’adaptation trash de Irvine Welsh, Ordure (Filth), voire chez Danny Boyle (Transe) ou dans son rôle de Professeur Xavier, qu’il avait emmené dans des zones surprenantes. Mais ici, il se surpasse littéralement, dans une interprétation à plusieurs facettes, particulièrement casse gueule, propice à tous les débordements grotesques. Et pourtant, miracle, il réussit à éviter le jeu trop extraverti qui nous aurait sorti du film, et à restituer parfaitement chacune des personnalités du personnage. Nous faisant croire tout à tour qu’il est un gamin innocent, ou une personnalité beaucoup plus dangereuse, il ne tombe jamais dans l’excès, et réussit donc à être continuellement inquiétant, dégageant une présence dangereuse et malsaine à chaque instant. La révélation de The Witch, Anya Taylor-Joy, est quand à elle, toujours aussi troublante, donnant à son personnage un mystère qui s’avère très stimulant, nous changeant des habituelles victimes interchangeables de ce type de film.

Comme dit plus haut, la mise en scène est en état de grâce, chaque cadrage ou mouvement de caméra étant parfaitement à sa place. Passant de scènes intimistes à des morceaux de bravoure durant lesquels on sent toute la jubilation du maître à filmer, le film est continuellement dynamique et, par son art accompli de la narration, renouvelle sans cesse l’intérêt du spectateur par un montage intelligent évitant la moindre répétition. Sur 1h56, pas un temps mort, pas un moment où l’on commence à trouver le temps long, on est sans cesse sur nos gardes, prêts à une nouvelle scène d’anthologie.

Conclusion

Une chose est sûre, le maître est bel et bien de retour, et l’on espère de tout cœur qu’il persistera dans cette voie-là, loin des gros studios muselant sa créativité. On retrouve ce plaisir par si courant de se laisser happer par une histoire simple sur le papier, mais transcendée par la maîtrise formelle et la sincérité totale de son scénariste et metteur en scène surdoué.

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