Critique : Skunk

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Skunk

Belgique, Pays-Bas : 2024
Réalisateur: Koen Mortier
Scénario : Koen Mortier, d’après un roman de Geert Taghon
Acteurs : Thibaud Dooms, Natali Broods, Boris Van Severen
Distributeur : Reason8
Genre : Drame
Durée : 1h45
Date de sortie : à venir

4/5

Quel uppercut dans la mâchoire que le nouveau film de Koen Mortier ! Le réalisateur flamand, déjà dans la légende pour le culte “Ex-Drummer”, est décidément capable comme personne de déchaîner une fureur post-punk qu’on aurait cru éteinte.

Adapté du roman d’un travailleur social, très inspiré de son expérience dans un centre psychiatrique pour jeunes délinquants, Skunk déchaîne une violence à la limite du tolérable qui ne conviendra pas à tous les publics. Cela n’empêche pas le film de faire naître de magnifiques scènes de cinéma dans une envie de brusquer, d’emmerder le spectateur pour lui mettre au visage la crasse rugueuse de son personnage principal ; bousculant nos habitudes sans les ménager.

Que ce spectacle vous révulse, qu’il vous choque ou qu’il vous passionne, il est sans contradiction la naissance d’un acteur, Thibaud Dooms, dont le drame de milles histoires tient tout entier dans le regard.

Peut-être, il est un peu ridicule de chercher le véridique au cinéma, même de lui réclamer de la véracité ; tant il est toujours en fait question d’esthétique. Celle de Skunk nous a fait ressentir quelque chose, à la limite de la nausée, face à l’absurdité bien réelle de cette violence.

Synopsis : Liam, un adolescent négligé qui grandit dans une famille où la drogue et la violence jouent un rôle prépondérant. Son domicile destructeur est bientôt remplacé par une institution pour mineurs qui a ses propres règles et ses propres abus. Bien qu’il trouve du réconfort auprès de ses conseillers, le passé continue de le hanter….

Vous l’aurez compris (vous pourrez le lire également un peu partout sur le film), la réception en salles est teintée des perceptions différentes de cette violence, considérée iconoclaste pour certains et complaisante pour d’autres. Il faut dire que l’Europe en général, et la Belgique en particulier, entretient un rapport difficile avec l’héritage du “drame social”, sport national jusqu’aux années 2000, en fait à la forme bien plus diverse que l’on pourrait le penser, et qui a pu perdre de son essor ces dernières années, cherchant son identité entre baroque et classique, entre envies iconoclastes et poids de l’héritage.

Face à ce constat, le cinéma flamand a toujours pû jouir d’une certaine “distance” par rapport au poids du “registre” et assume souvent un ton plus libre et expérimental que ces voisins francophones, cultivant même un certain “mauvais goût” mâtiné d’humour, dans une radicalité provocante au premier regard, mais sans doute bien plus parodique qu’il n’y paraît.

N’hésitant pas à désacraliser le spectacle qu’il montre, Skunk s’amuse des propres codes du genre; comme quand Liam parle de l’amour qu’il porte à “SCALPS” un film qu’il se passe en boucle, où un indien scalpe tous les cowboys du coin par vengeance.

Nous décidons donc que le statut de cette violence n’est pas vraiment un enjeu ; en particulier dans un film qui laisse la place à des personnages forts, à la manière de cette assistante sociale, abîmée et digne, que Natali Broods vient hanter de son regard perdu dans le hors champ. Le film ainsi ne nous semble jamais se complaire dans un apitoiement de façade. Pas de pitié pour ces personnages, donc, mais surtout pas de misérabilisme. Pas de victimes ici, que des survivants.

Conclusion

Dans un scénario méchant, à travers un traitement méchant, Skunk fait ressentir la méchanceté de son cadre. Thibaud Dooms dans toute la pénombre agit comme un doigt d’honneur au spectateur, comme si le chemin des survivants n’attendait pas la moindre validation. Des idées de cinéma surtout éparpillées dans le film; comme cette scène de combat sans adversaire dans la forêt. Une maîtrise du rythme et une esthétique rigoureuse viennent ainsi habiller la colère qui sommeille. Vous étiez venus vous émouvoir ; pleurer un bon coup ? Méfiez-vous, Skunk risque de vous accrocher l’oreille à travers la grille, si vous vous approchez un peu trop….

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