Critique : Quand vient l’automne

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Quand vient l’automne

France : 2024
Titre original : –
Réalisation : François Ozon,
Scénario : François Ozon, Philippe Piazzo
Interprètes : Hélène Vincent, Josiane Balasko, Ludivine Sagnier, Pierre Lottin
Distribution : Diaphana Distribution
Durée : 1h42
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : 2 octobre 2024

3.5/5

Avec le prolifique Ozon, on ne sait jamais  à quel genre de film on va être confronté ! Un an après Mon crime, adaptation pleine d’ironie d’un vaudeville de 1934 dont la réalisation faisait penser à certains films de Woody Allen et aux téléfilms de la série Les petits meurtres d’Agatha Christie, Ozon nous emmène en Bourgogne pour un film d’atmosphère au dessus duquel plane l’ombre de Simenon.   

Synopsis : Michelle, une grand-mère bien sous tous rapports, vit sa retraite paisible dans un petit village de Bourgogne, pas loin de sa meilleure amie Marie-Claude. A la Toussaint, sa fille Valérie vient lui rendre visite et déposer son fils Lucas pour la semaine de vacances. Mais rien ne se passe comme prévu.

Un polar familial

Quand un réalisateur prend le plus grand soin à ne révéler que petit à petit le passé de ses personnages principaux et affiche avec force, en utilisant des ellipses, son refus de montrer certaines scènes importantes du polar familial qu’il raconte, il serait du plus mauvais goût de mettre les pieds dans le plat et de trop « divulgacher » ce qui, pour beaucoup, représente l’attrait principal de Quand vient l’automne. Toutefois, ce film est suffisamment riche pour permettre d’en dire beaucoup sans en dire trop ! Le début du film nous amène auprès de Michelle, une octogénaire qui mène une vie très calme à Donzy, une bourgade de la Nièvre. Dans le futur proche, l’évènement le plus important pour elle, c’est l’arrivée de Valérie, sa fille, et, surtout, de Lucas, son petit-fils adoré, qui viennent tous les deux passer chez elle les vacances de la Toussaint. En attendant, elle vit sa vie routinière : elle va à une messe d’enterrement, elle s’occupe de son jardin, elle lit, elle cuisine, elle rend service à son amie Marie-Claude en l’emmenant en voiture faire une visite à son fils Vincent, en prison pour une raison que l’on ne connaîtra jamais.

Comme c’est l’automne, Michelle et Marie-Claude vont cueillir des champignons dans la forêt voisine. Michelle n’y connaît rien en matière de champignon et, de temps en temps mais pas toujours, elle demande à Marie-Claude de la rassurer sur le côté comestible des champignons qu’elle ramasse. En rentrant, pourquoi ne pas préparer une bonne poêlée avec ces champignons afin de régaler Valérie et Lucas dès leur arrivée ? Eh bien voilà, nous arrivons au moment où le film prend une autre direction et oblige le chroniqueur à se montrer très prudent afin de ne pas gâcher le plaisir de la découverte progressive aux futurs spectateurs. Alors que dire ? Valérie et Michelle ? Pourquoi leur relation est-elle loin d’être sereine ? La poêlée de champignons ? Seule Valérie en mange et elle n’est pas loin d’y perdre la vie. Lucas et Michelle ? Cette dernière ne supporterait pas d’être privé de son petit-fils.  Lucas ? Pourquoi est-il victime de harcèlement scolaire ? Vincent ? Comme le dit sa mère, c’est un garçon qui veut faire le bien autour de lui mais qui rate toujours son coup ! Vincent et Valérie ? Y a-t-il des raisons objectives qui justifient l’animosité de Valérie envers Vincent ? Michelle et Marie-Claude ? Plus jeunes, avant de venir vivre leur retraite en Bourgogne, elles avaient une activité professionnelle, mais laquelle ?

L’art de la dissimulation

Avec le temps, François Ozon s’est assagi mais cela ne l’empêche pas de se montrer gentiment amoral dans Quand vient l’automne. Toutefois, ce qu’on retient surtout dans ce film c’est l’art de la dissimulation dont son réalisateur fait preuve. Il y a des faits qu’il dissimule pendant tout le film, comme le motif de l’incarcération de Vincent. D’autres qu’il va cesser de dissimuler au moment qui lui parait le plus opportun dans la conduite de son récit, comme le métier qu’exerçaient Michelle et Marie-Claude et qui est à l’origine de leur très grande et très solide amitié. En fait, François Ozon aime beaucoup laisser au spectateur la liberté de se faire son propre film et, de ce point de vue, une des ellipses qu’il utilise (vous comprendrez très bien de laquelle il s’agit lorsque vous verrez le film et ce, d’autant plus si vous savez que la scène se déroule sur le balcon d’un appartement parisien) s’avère très riche en questionnements. Par ailleurs, chacun est libre d’estimer que des conversations importantes ne nous sont pas racontées, des conversations qui, si elles ont existé, peuvent changer complètement la perception qu’on a des personnages. Il est probable que, pour certains, Ozon est allé trop loin dans son choix de laisser au spectateur la possibilité d’écrire son propre scénario à partir de ce qui lui est proposé. Pour les autres, sans doute les plus nombreux, le fait de ne pas être cantonné au rôle passif habituellement dévolu aux spectateurs contribuera au plaisir rencontré à la vision de ce film.

Un carnet d’adresses fort utile

Avec la quarantaine de films qu’il a réalisée, François Ozon possède un carnet d’adresses très rempli en matière de comédiens et de comédiennes ayant déjà tourné avec lui. C’est dans ce carnet d’adresses qu’il est allé puiser pour l’interprétation de la plupart des rôles de Quand vient l’automne. C’est avec un immense plaisir qu’on retrouve en tête d’affiche une grande dame du cinéma français, Hélène Vincent, l’interprète de Michelle. Elle a très exactement l’âge de son rôle et elle n’a pas besoin de charger son jeu pour apporter la part de mystère que ce rôle nécessite. Son amie Marie-Claude est interprétée par une Josiane Balasko d’une très grande justesse. Toutes deux étaient présentes il y a 5 ans dans Grâce à dieu, dans des rôles plus secondaires. C’est également dans Grâce à dieu que Pierre Lottin avait déjà travaillé avec François Ozon. Il est parfait dans le rôle ambigu de Vincent. Ozon n’avait plus travaillé avec Ludivine Sagnier depuis Swimming pool , il y a 21 ans. Sa beauté faussement fragile et son jeu plein d’aplomb donnent beaucoup de force au rôle peu sympathique de Valérie. Ludivine Sagnier partageait l’affiche avec Malik Zidi dans Gouttes d’eau sur Pierres brûlantes. Elle le retrouve ici interprétant le rôle de Laurent, son mari avec qui elle est en cours de divorce. Nouvelle dans l’univers de François Ozon, Sophie Guillemin se montre à son avantage dans l’interprétation d’une capitaine de gendarmerie très compréhensive. Quant aux interprètes de Lucas, ils sont deux et ils sont excellents tous les 2 :  Garlan Erlos qui débute au cinéma dans le rôle de Lucas jeune ; Paul Beaurepaire, plus expérimenté, dans le rôle de Lucas à 18 ans. Il était déjà présent dans Mon crime, le film précédent de François Ozon, et il interprétait un rôle important dans Le temps d’aimer de Katell Quillévéré. 

Conclusion

Film après film, au rythme assez régulier d’un film par an, François Ozon continue d’être une figure importante du cinéma hexagonal. Remarquablement interprété, plein de non-dits et de « non montrés », Quand vient l’automne fait partie des œuvres les plus réussies de son réalisateur.

 

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