Critique : Assaut

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Assaut

kazakhstan, Russie : 2022
Titre original : Shturm
Réalisation : Adilkhan Yerzhanov
Scénario : Adilkhan Yerzhanov
Interprètes : Nurbek Mukushev, Azamat Nigmanov, Aleksandra Revenko
Distribution : Destiny Films
Durée : 1h30
Genre : Drame, thriller
Date de sortie : 12 juillet 2023

3.5/5

Quand bien même son film Ukkili kamshat avait été projeté en séance spéciale au Festival de Cannes 2014, ce n’est qu’en 2018 que le réalisateur kazakhstanais Adilkhan Yerzhanov, fils d’un mathématicien devenu inspecteur des finances et d’une professeur de littérature russe, a gagné une (trop petite, malheureusement !) réputation internationale avec son 5ème long métrage, La tendre indifférence du monde, présenté cette année là dans la sélection Un Certain Regard. Agé de seulement 40 ans, Adilkhan Yerzhanov est un réalisateur très prolifique, Assaut étant déjà son 14ème long métrage et, qui plus est, le 8ème en 4 ans. Assaut s’est vu décerner le Grand Prix et le Prix de la Critique au Festival international du film policier de Reims 2022 et Adilkhan Yerzhanov a fait l’objet d’un hommage au Festival de La Rochelle 2023.

Synopsis : Les élèves d’un lycée sont pris en otage par des inconnus armés et masqués. Apprenant que l’armée n’arrivera que dans deux jours car une tempête de neige fait rage, Tazshi, le professeur de mathématiques, prend la décision de partir à l’assaut avec son ex-femme, un policier du village, un vétéran d’Afghanistan, un alcoolique, un professeur d’EPS et le directeur de l’école…

Est-ce vraiment un thriller ?

L’envahissement d’une école par un groupe d’hommes armés et masqués : on se montre surpris, au début du film, de voir Adilkhan Yerzhanov s’attaquer à un tel sujet ! Certes, l’action se déroule comme d’habitude dans le village fictif de Karatas, certes le réalisateur kazakhtanais s’était déjà frotté au film policier avec A dark-dark man, mais on en est à se demander si, cette fois ci, il n’aurait pas décidé de franchir une étape supplémentaire en nous proposant un thriller haletant, ou sanglant, ou les deux à la fois, inspiré, peut-être, par la prise d’otages de Beslan qui avait vu, en septembre 2004, des séparatistes tchétchènes armés prendre en otage un millier d’enfants et d’adultes dans une école de Beslan, en Ossétie du Nord, opération qui s’était traduite par 334 civils tués, dont 186 enfants.

Dans Assaut, on est en hiver, la steppe est couverte de neige, le village est très difficile d’accès et, appelées à l’aide, les autorités ont répondu qu’il faudra au moins deux jours pour que le RAID local arrive sur place. Heureusement, les professeurs et la plupart des élèves ont pu s’enfuir lors de l’arrivée des terroristes, mais il reste quand même des élèves à la merci de ces derniers, Tajchy, leur prof de maths, les ayant enfermés à clé dans leur classe pour aller fumer une cigarette dans le couloir, juste avant l’envahissement de l’école. Très gêné aux entournures, d’autant plus que Danial, son propre fils, fait partie des élèves enfermés, Tajchy décide de prendre les choses en main et d’aller préparer un assaut contre les terroristes à plusieurs kilomètres de l’école en compagnie de son ex-femme et de personnages divers, un policier, un vétéran d’Afghanistan, le directeur de l’école, l’intendant de l’école, un professeur de sport, un professeur de musique et un factotum alcoolique.

Eh bien non, pas vraiment !

Ne s’intéressant presque pas à ce qui se passe dès lors dans l’école, avec les terroristes d’un côté, la classe prisonnière de l’autre, Adilkhan Yerzhanov choisit de déplacer sa caméra au cœur de la steppe enneigée, un lieu où l’équipe menée par Tajchy va essayer de se transformer en une section d’assaut efficace : reconstitution dans la neige, « au centimètre près », de la « géographie » de l’école, minutage précis des actions, maniement des armes, etc. . Alors que, avant l’envahissement de l’école, ce que l’on voyait et entendait avait déjà le côté décalé, loufoque et corrosif qui fait le charme du cinéma d’Adilkhan Yerzhanov, ne serait ce qu’avec ces scènes qui voyaient les terroristes masqués passer devant des membres du personnel de l’école sans que cela éveille en eux la moindre inquiétude, on comprend vite que le réalisateur n’a aucunement l’intention de nous proposer un thriller pur et dur, même si, depuis le début du film un compte à rebours s’égrène grâce à des plans fixes venant indiquer de façon plus ou moins régulière le nombre d’heures restant avant l’assaut. Non, il préfère insister avec humour sur le côté « Pieds nickelés » de celle et, surtout, de ceux qui préparent cette assaut, les hommes, par exemple, se montrant d’une grande médiocrité dans l’exercice du tir sur cible fixe, l’un d’entre eux s’écroulant de trouille à un moment critique, sans parler de ce choix de revêtir des peaux de moutons pour faire croire aux terroristes que c’est un troupeau de moutons qui s’introduit dans l’école. Comme toujours, Adilkhan Yerzhanov ne manque pas l’occasion de fustiger la corruption qui règne dans son pays ainsi que le caractère ubuesque de son administration, la scène la plus corrosive prenant place à la toute fin du film. A vous de la découvrir en vous rendant dans votre cinéma préféré ! A côté de comédiens dont certains sont des habitués des films de Adilkhan Yerzhanov, on remarque la comédienne russe Aleksandra Revenko qu’on avait déjà vue dans deux films de Kirill Serebrennikov, Le disciple et La fièvre de Petrov.

Conclusion

Tout en s’amusant à faire croire qu’il réalise un thriller, Adilkhan Yerzhanov reste fidèle à son cinéma décalé, loufoque et corrosif.

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