Critique : Le livre des solutions

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Le livre des solutions 

France : 2023
Titre original : –
Réalisation : Michel Gondry
Scénario : Michel Gondry
Interprètes : Pierre Niney, Blanche Gardin, Françoise Lebrun
Distribution : The Jokers / Les Bookmakers
Durée : 1h42
Genre : Comédie, Drame
Date de sortie : 13 septembre 2023

3.5/5

Agé de 60 ans, Michel Gondry est un réalisateur français qui a fait la plus grosse partie de sa carrière cinématographique aux Etats-Unis. Egalement musicien et auteur de bandes dessinées, il a commencé par réaliser des clips et des spots publicitaires avant d’aborder le cinéma avec une poignée de court-métrages et un premier long métrage, Human nature, en 2001. C’est en 2004 qu’est sorti son plus grand succès, Eternal Sunshine of the Spotless Mind, Oscar du meilleur scénario original lors des Oscars 2005. Avant Le livre des solutions, film présenté à la Quinzaine des Cinéastes de Cannes 2023 et dont le réalisateur dit qu’il est autobiographique à 70 %, le dernier film tourné par Michel Gondry était Microbe et Gasoil et il datait de 2015.

Synopsis : Marc s’enfuit avec toute son équipe dans un petit village des Cévennes pour finir son film chez sa tante Denise. Sur place, sa créativité se manifeste par un million d’idées qui le plongent dans un drôle de chaos. Marc se lance alors dans l’écriture du Livre des Solutions, un guide de conseils pratiques qui pourrait bien être la solution à tous ses problèmes…

Un réalisateur en phase maniaque

Lâché par ses producteurs qui ne croient plus en son projet, Marc décide de mettre la main sur tout le matériel nécessaire, rushes compris, pour aller monter son film chez sa tante Denise, au pied du Mont Aigoual, dans les Cévennes. Bien entendu, Charlotte, sa monteuse, Sylvia, son assistante, et Gabrielle, la coloc de Charlotte vont l’accompagner. Libéré de la tutelle castratrice de la production et en pleine phase maniaque de sa bipolarité, Marc n’avance guère dans ce travail de montage mais fait preuve d’une extraordinaire inventivité totalement incontrôlée tout en se montrant particulièrement tyrannique, désagréable, voire odieux, avec son entourage avec qui il ne cesse de de se disputer.. C’est ainsi qu’il se met en tête que le montage du film se fasse en commençant par la fin. C’est ainsi qu’il invente ce qu’il appelle le « camiontage » qui, comme son nom l’indique, doit se passer dans un véhicule à l’arrêt dans lequel un film en cours de montage est diffusé sur un moniteur et dont le volant et le klaxon sont détournés de leur usage normal :  un coup de volant à gauche fait revenir le film en arrière, un coup de klaxon entraine une pause, etc.. C’est ainsi que, dans son cerveau, germe une illumination soudaine : s’attaquer en parallèle au montage de son film à l’écriture d’un « livre des solutions », un livre qui compilerait les solutions à tous les problèmes qu’on peut rencontrer, un livre qui permettrait de donner une réponse à tous les conflits. Face à un homme égocentré qui bouscule son entourage, qui n’hésite pas à clamer que Carlos, l’assistant de Charlotte, est le plus mauvais professionnel qu’il ait rencontré, nous, spectateurs, sommes un peu comme Sylvia, Charlotte et Gabrielle, partagé.e.s entre une forme de ressentiment et une tendre empathie tant on comprend combien, en fait, est grande la souffrance vécue par Marc. Quant à Denise, cette tante qui adore son neveu, elle fait tout pour arrondir les angles.

Un film très autobiographique 

Michel Gondry ne s’en cache pas, Le livre des solutions est un film à caractère très autobiographique. En voyant le film, on se demande ce qui est du domaine de la pure fiction et ce qui est une adaptation cinématographique de la réalité. En fait, Michel Gondry s’est beaucoup inspiré de vrais évènements qui se sont déroulés lors de la postproduction de L’écume des jours. Ce n’est sans doute pas un hasard si, au milieu de Le livre des solutions, intervient un court épisode de film d’animation : c’était déjà le cas dans L’écume des jours ! Quant à la scène la plus loufoque du film, celle qui voit Marc diriger un orchestre par les seuls mouvements de son corps, elle s’est vraiment passée dans la réalité : il suffit de demander « Michel Gondry et l’Orchestre des Cévennes » sur Youtube pour en être convaincu. En fait, sa bipolarité, c’est il y a 10 ans, durant le montage de L’écume des jours, son adaptation du roman de Boris Vian, que Michel Gondry  l’a « officiellement » découverte. Depuis longtemps sujet à des sautes d’humeur et à des obsessions, il prenait des médicaments qu’il a arrêté de prendre au début du montage de ce film. L’état dans lequel il s’est alors trouvé l’a conduit à consulter un psychiatre qui l’a diagnostiqué bipolaire.

Ce qu’on remarque avec plaisir dans Le livre des solutions, c’est l’autodérision dont le réalisateur sait faire preuve, arrivant à faire de son film un mélange savoureux de comédie et de drame, arrivant à faire de Marc un personnage insupportable auquel, malgré tout, on ne peut s’empêcher de s’attacher. Bien qu’il ait beaucoup tourné aux Etats-Unis, avec de grandes vedettes devant sa caméra, il est resté attaché à un cinéma artisanal ainsi qu’à ses attaches familiales dans le Gard. Lui qui, lorsqu’il était jeune, a passé beaucoup de temps lorsque venait l’été chez sa tante Suzette à Villemagne, un hameau de la commune de Saint-Sauveur-Camprieu, c’est dans ces lieux, dans la maison qui était la sienne, qu’il est allé tourner Le livre des solutions, Marc suivant la trace de Michel Gondry qui, il y a 10 ans, était venu dans ces mêmes lieux pour travailler à la post-production de L’écume des jours. Cette tante Suzette, cette ancienne institutrice si attachée à son neveu et à qui ce dernier a consacré le film L’épine dans le coeur en 2009, on la retrouve dans le personnage de Denise, interprété par la magnifique Françoise Lebrun. Pour incarner le personnage de Marc/Michel Gondry, le réalisateur a tapé juste en retenant Pierre Niney, son filleul de cinéma depuis sa nomination aux Césars de 2012  et qui démontre un grand potentiel comique dont le cinéma français ferait bien de se souvenir dans le futur.  Blanche Gardin, Frankie Wallach et Camille Rutherford interprètent avec justesse le trio féminin qui a suivi Marc dans les Cévennes, qui subit sa tyrannie tout en lui prodiguant, malgré tout, beaucoup de bienveillance. Dans un rôle à la fois mineur et important, celui de Max, le producteur qui a trahi Marc, on aperçoit Vincent Elbaz et Michel Gondry va même jusqu’à utiliser son carnet d’adresses dans le Show Business pour nous offrir une petite rencontre avec Sting.

Conclusion

On avait perdu la trace de Michel Gondry depuis pas mal de temps. C’était dommage tellement est grande sa créativité et son sens du cinéma. On le retrouve donc avec plaisir dans un film très autobiographique dans lequel il n’hésite pas à se moquer de lui-même tout en rendant hommage à tous les gens, famille, collaborateurs, qui arrivent à supporter le rythme trépidant qu’il leur impose.

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