Critique : La fille de Brest

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La fille de Brest

la-fille-de-brest-afficheFrance : 2016
Titre original : –
Réalisation : Emmanuelle Bercot
Scénario : Séverine Bosschem, Emmanuelle Bercot d’après « Mediator 150 mg : Combien de morts ? » d’Irène Frachon  
Acteurs : Sidse Babett Knudsen, Benoît Magimel, Charlotte Laemmel
Distribution : Haut et Court
Durée : 2h08
Genre : Drame, Thriller
Date de sortie : 23 novembre 2016

4/5

C’est l’histoire d’un combat acharné que raconte La fille de Brest, le nouveau film d’Emmanuelle Bercot. Ce combat, c’est celui qu’Irène Frachon, une pneumologue au CHU de Brest, a mené contre les laboratoires Servier, les fabricants du Mediator, lorsqu’elle a pris conscience des effets secondaires de ce médicament, effets secondaires pouvant aller jusqu’à la mort des patients. Mené tambour battant, ce film tourné comme un thriller ne peut que passionner les spectateurs du début jusqu’à la fin.

Synopsis : Dans son hôpital de Brest, une pneumologue découvre un lien direct entre des morts suspectes et la prise d’un médicament commercialisé depuis 30 ans, le Mediator. De l’isolement des débuts à l’explosion médiatique de l’affaire, l’histoire inspirée de la vie d’Irène Frachon est une bataille de David contre Goliath pour voir enfin triompher la vérité.

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Un combat mené avec les tripes

Qui n’a pas entendu parler du Médiator, ce médicament des laboratoires Servier, longtemps prescrit dans le traitement du diabète de type 2, ainsi qu’aux patients souhaitant perdre du poids ? Un médicament devenu interdit à la vente en novembre 2009 lorsqu’il a été prouvé qu’il avait été la cause directe de dizaines de milliers de valvulopathies, entrainant, de ce fait, la mort de plus de 500 personnes. Pour en arriver à cette interdiction, un long combat a été nécessaire, un long combat mettant en scène une femme d’une énergie et d’un courage extraordinaires, Irène Frachon, pneumologue au CHU de Brest. Dans La fille de Brest, on fait connaissance avec elle alors qu’elle nage dans une mer agitée puis on la retrouve dans son milieu professionnel, à l’hôpital. Nous sommes en 2009 et la pneumologue cherche à rassembler les preuves qu’il faudra présenter à l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé pour espérer arriver à faire retirer au Médiator l’autorisation de mise sur le marché. Prendre des photos lors d’une opération à cœur ouvert destinée à remplacer des valves abîmées suite à l’utilisation de ce médicament, c’est être capable d’apporter une preuve supplémentaire. En effet, il s’agit de démontrer que le Médiator, comme l’Isoméride, autre médicament des laboratoires Servier dont il est le cousin germain, peut entrainer chez les patients un risque très grave de valvulopathie. Sauf que l’Agence du médicament a suspendu l’autorisation de mise sur le marché de l’Isoméride en septembre 1997 alors qu’en 2009, le Médiator continue d’être prescrit par de nombreux médecins ! La fille de Brest plonge les spectateurs dans le combat d’Irène Frachon et du groupe de personnes du CHU de Brest réunies autour d’elle, elle montre le mépris affiché par le laboratoire Servier, deuxième groupe pharmaceutique français, envers cette petite équipe provinciale, en particulier lors des réunions de la commission de pharmacovigilance organisées à Paris par l’Afssaps. Un mépris partagé par de nombreux pontes médicaux de la capitale. Au contraire, Irène Frachon et son équipe brestoise vont recevoir l’appui d’un certain nombre de personnes dont le député PS et cardiologue de métier Gérard Bapt, Président de la mission parlementaire sur le Médiator, la journaliste du Figaro Anne Jouan et une taupe de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, surnommée Le Père Noël. Et puis il y a Antoine Le Bihan, un des seuls personnages pour qui le nom a été changé, un médecin épidémiologiste qui, après avoir collaboré avec Irène Frachon va finir par s’opposer à elle et se retirer du groupe. Il s’agit là de la plus importante différence entre la réalité des faits et la fiction qu’est le film, une différence due au fait que, d’un point de vue purement cinématographique, il était souhaitable qu’intervienne une telle opposition entre les deux principaux protagonistes. Dans la réalité, le Professeur Grégoire Le Gal, qui a inspiré le rôle d’Antoine Le Bihan, ne s’est jamais opposé à l’action d’Irène Frachon et il l’a d’ailleurs payé cher en se voyant retirer des financements de recherche, ce qui l’a amené à émigrer au Canada afin de continuer ses recherches.

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De nombreux choix

Bien qu’Emmanuelle Bercot soit la fille d’un cardiologue et qu’elle ait longtemps envisagé de faire des études de médecine, ce n’est pas elle qui a eu l’idée d’adapter pour le cinéma le livre d’Irène Frachon, ce sont Caroline Benjo et Carole Scotta, productrices de Haut et Court, qui lui ont proposé de le faire. Entre la première rencontre entre la réalisatrice et Irène Frachon et la sortie du film, 6 ans se sont écoulés ! Durant toute cette période, les brestois ont activement collaboré avec Emmanuelle Bercot et la coscénariste Séverine Bosschem, ce qui a permis de donner au film toute sa crédibilité médicale. Une crédibilité renforcée par le fait que de très nombreuses scènes du film ont été tournées au CHU de Brest. Par ailleurs, il y avait des choix importants à faire, comme celui consistant à montrer Irène Franchon en dehors de son cadre professionnel, au sein de sa famille, aimante et joyeuse. Comme celui, très important, de la place à donner aux malades : en montrer plusieurs ou choisir de se concentrer sur un seul cas, représentant une forme de synthèse de l’ensemble. C’est ce dernier choix qui a été fait, en la personne de Corinne, un choix qui permet au spectateur de s’attacher à un personnage plutôt que de papillonner entre plusieurs. Un autre choix important pour Emmanuelle Bercot : quelle forme donner à son film ? C’est une remarque d’Irène Frachon qui est à l’origine de la décision prise : lorsqu’elle a confié que, plusieurs fois, dans l’histoire de son combat, elle avait eu l’impression d’être plongée dans un véritable thriller. Avec sa mise en scène efficace et son rythme qui ne faiblit jamais grâce à un découpage très serré, La fille de Brest se déguste comme un véritable thriller, et il y a tout lieu de mettre ce film au même niveau que Erin Brockovich, seule contre tous de Steven Soderbergh. Coïncidence : Erin est l’anagramme de Iren ! Un thriller qui en dit beaucoup sur le comportement criminel de certains groupes pharmaceutiques et sur la faiblesse des autorités sanitaires françaises face à eux, tellement lourdes à la détente avant de comprendre que leur rôle était de protéger les patients et non les bénéfices d’un laboratoire pharmaceutique qu’on se demande s’il n’existe pas une forme de connivence !

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Une interprétation parfaite de Sidse Babett Knudsen

Après tous les choix évoqués précédemment, restait celui, capital, de la comédienne qui allait endosser le rôle d’Irène Frachon. Le temps passait et Emmanuelle Bercot n’arrivait pas à trouver l’interprète idéale. C’est Catherine Deneuve, avec qui elle a tourné Elle s’en va et La tête haute durant la préparation de La fille de Brest, qui lui a parlé de Sidse Babett Knudsen, cette actrice danoise que la France a découverte dans la série Borgen et qui, par chance, parle très bien le français. Il était important de montrer les différentes facettes du personnage d’Irène Frachon, une femme qui se bat avec ses tripes, à la fois courageuse, énergique et obstinée, tout en étant parfois émotive et fragile. Sidse Babett Knudsen n’a manifestement eu aucune peine à relever le challenge et même si, au tout début du film, on est un peu dérouté par son accent, on est très vite emporté par sa détermination et son franc-parlé. A côté d’elle, c’est Benoît Maginel, qui venait de tourner La tête haute sous la direction d’Emmanuelle Bercot, qui s’est glissé avec bonheur dans la peau d’Antoine, personnage beaucoup plus calme qu’Irène. On ne trouve aucune faille dans le reste de la distribution et on a même l’heureuse surprise d’une belle découverte, celle de Lara Neumann, l’interprète d’Anne Jouan, la journaliste du Figaro.

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Histoire vraie racontée de façon très efficace, plaidoyer vibrant en faveur des lanceurs d’alerte, thriller passionnant à suivre, La fille de Brest donne de l’espoir en montrant qu’aucune cause n’est perdue d’avance, que les « petits », à condition d’être obstinés et solidaires, peuvent arriver à terrasser les « gros », malgré le mépris et l’arrogance de ces derniers. La fille de Brest prouve que le cinéma français est capable d’égaler le cinéma américain dans ce qu’il a de meilleur.

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