Critique : Arizona Junior

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arizona junior afficheArizona Junior

Etats-Unis, 1987
Titre original : Raising Arizona
Réalisateur : Joel et Ethan Coen
Scénario : Joel et Ethan Coen
Acteurs : Nicolas Cage, Holly Hunter, Trey Wilson
Distribution :
Durée : 1h34
Genre : Comédie
Date de sortie : 27 mai 1987

Note : 4/5

Il n’est guère farfelu d’affirmer que la bêtise a toujours été un élément primordial des réalisations des Frères Coen. En critiques avisés de leurs contemporains, le duo ne manque jamais une occasion de mettre en scène le vide sidéral qui trotte dans la tête de personnages pathétiques et délirants. C’est en liant cette ironie cruelle à une science implacable du film noir qu’ils ont construit leur légende. Pourtant, au cœur des années 1980, alors que leur carrière débutait juste, ce tourbillon délirant pris une forme bien plus sincère et tendre que ce qui marquera par la suite leurs œuvres diverses. Avec Arizona Junior, le délire est doublé d’une démonstration d’humanité apaisée et chaleureuse, bien loin des glaçants meurtres et complots de Fargo ou du déchaînement furieux de Burn After Reading.

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Synopsis : H.I McDunnough (Nicolas Cage) est un braqueur de supermarché multi-récidiviste qui semble comme piégé dans une boucle temporelle : éternellement lancé dans des hold-up qui virent au fiasco, il est sans cesse incarcéré dans le même centre pénitencier et en compagnie des mêmes détenus, avant d’arguer devant les mêmes personnes pour recouvrir sa liberté, puis recommencer. Au cours de ce cycle apparemment sans fin, le braqueur remarque la policière Edwina dite « Ed » (Holly Hunter) dont il finit par tomber amoureux. Après une énième sortie de prison de H.I, les deux êtres finissent par se marier et s’offrir une modeste résidence dotée d’une vue sans pareil sur les splendides couchés de soleil de l’Arizona… Plus qu’un gosse et le panorama sera parfaitement assemblé, mais Ed ne peut en avoir. Il se trouve que Nathan Arizona, truculent gérant d’un grand magasin de meuble, et sa femme Florence, femme au foyer à l’air un brin ahurie, viennent de donner naissance à des quintuplés. C’est plus qu’ils n’en faut pour ce couple aisé, pense Ed, et pourquoi ne pas en prendre un, se dit H.I. C’est ainsi qu’ils se lancent dans leur plus étrange entreprise, l’enlèvement d’un des cinq bébés…

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Absurde et bêtise jalonnent la route de ces parents en herbe

Bien, voilà qui résume les 11 minutes d’introduction, formidablement écrites et plutôt drôles. Jusqu’ici cependant, rien ne semble différer du postulat habituel des Frères Coen. En effet, absurde et bêtise jalonnent bien la route rocambolesque qu’empruntent les parents en herbe, tournés en ridicule de par leurs évidents défauts, que ce soit l’inconscience de H.I ou le tempérament plutôt changeant de son épouse. Tentant laborieusement de s’offrir une vie sociale « correcte », ceux-ci croisent par ailleurs, le temps d’une scène intéressante, une famille des plus irritantes marquée par l’imbécillité encore plus perceptible du père et de la mère. C’est d’ailleurs au contact de ces incarnations d’une crétinerie aux caractéristiques américanisées que ressortent violemment, jusqu’à la confrontation, les plus vilains défauts d’un couple pourtant uni jusque dans le rapt d’un nouveau-né. Cette illustration des ravages de la bêtise est cependant une variation beaucoup plus tendre par rapport à celle dont usent à leur habitude les Coen, car ici les plus demeurés ne sont pas les personnages clés du film (contrairement là encore à Burn After Reading). Certes modestes et simples d’esprit, ceux-ci font pourtant montre à la fois de tendresse et d’une certaine philosophie, primaire, de la vie, du moins lorsque l’éreintante société dans laquelle ils sont plongés les laissent en paix.

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Une réelle sensibilité

A côté de cet univers dépeint sous des jours plus sombres que ne laissent le présager l’esprit barré du film, demeure également une profonde sincérité dans l’écriture des personnages. Comme il l’explique tout au long du film, H.I en arrive souvent à fuir la réalité dans laquelle il est plongé (« avec ce con de Reagan à la Maison Blanche » comme il l’exprime ouvertement) pour penser à l’avenir, parfois bon, parfois mauvais. Et chose rare dans l’univers des Coen, où la dérision se teinte parfois de cynisme, une réelle sensibilité se niche dans le propos du film, vraie réflexion sur l’accession au bonheur. Oui, la famille, le travail, le couple sont des épreuves permanentes, surtout lorsqu’on est un braqueur de supermarchés peu compétent, mais comme le souligne parfaitement le thème musical final de Carter Burwell (absolument magnifique) tant que l’on peu se projeter dans l’avenir, on peut trouver des sources de sérénité. Et au fond, que ce soit le kidnapping d’un nourrisson, l’hébergement de deux frères truands inconvenants, le courroux d’un riche marchand de meuble, ou la confrontation avec un chasseurs d’hommes badass qui vous réunissent et forgent vos liens, cela importe peu si vous demeurez ensemble même au cœur du délire le plus complet.

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Conclusion

La sincérité et la tendresse n’étant donc pas les armes les plus reconnues des Frères Coen, on ne peut que s’intéresser à l’odyssée des McDunnough. Une histoire typique de leur monde et pourtant à la sonorité éloignée des jeux de massacre caustiques qu’ils affectionnent, Arizona Junior est également emmené avec une maîtrise sans pareil, que ce soit dans la direction d’acteur où dans le sens de l’image, bien aidé par le bon travail de Barry Sonnenfeld à la photographie. Arizona, a great place to raise your kids !

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