Critique : Cent mille dollars au soleil

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Cent mille dollars au soleil

France, Italie, 1964
Titre original : –
Réalisateur : Henri Verneuil
Scénario : Michel Audiard, Marcel Jullian et Henri Verneuil, d’après un roman de Claude Veillot
Acteurs : Jean-Paul Belmondo, Lino Ventura, Reginald Kernan, Bernard Blier
Distribution : Gaumont Distribution
Durée : 2h05
Genre : Aventure
Date de sortie : 12 novembre 2009 (Reprise)

Note : 3/5

Ah, les films du tandem Michel Audiard / Henri Verneuil, l’un au scénario, l’autre à la mise en scène, c’est toute une époque ! C’est également tout un état d’esprit, qui se caractérise par des écarts du politiquement correct comme le sexisme, le racisme et l’homophobie, qui ne passeraient plus aussi impunément aujourd’hui. Discréditer d’office un film comme Cent mille dollars au soleil, parce qu’il exprime un point de vue machiste et franchouillard, ce serait toutefois donner trop d’importance au contexte social des années 1960, au risque de passer à côté d’un divertissement populaire des plus solides. La gouaille qui sort sans cesse de la plume d’Audiard et à laquelle la réalisation de Verneuil aménage un support filmique particulièrement efficace, elle a besoin de ces brutes aussi promptes à la colère qu’à l’autodérision qui se définissent avant tout par des valeurs a priori universelles comme la camaraderie entre hommes. Car aussi tendancieux certains éléments du propos de ce film d’aventure paraissent-ils, le projet global fait preuve d’un recul salutaire, en mesure de relativiser tous les coups bas à travers lesquels les antagonistes se martyrisent mutuellement.

Synopsis : Castagliano dit « La betterave », le patron d’une entreprise de transport de marchandises en Afrique du Nord, a acheté un nouveau camion que tous ses chauffeurs expérimentés convoitent. La première course dans ce véhicule flambant neuf sera pourtant assurée par Steiner, qui vient d’être embauché. Contre toute attente, ce n’est pas lui qui se trouve derrière le volant, lorsque le camion s’engage sur les routes poussiéreuses aux premières heures du matin. Rocco, l’un des employés les plus fiables, a fait en sorte que Steiner arrive en retard, afin de pouvoir prendre les commandes du transport à haut risque. En effet, la cargaison est si précieuse que le patron n’a pas voulu la confier à ses chauffeurs habitués, susceptibles de détournement. Alors que Rocco et son camion volé sont déjà loin, son collègue Marec dit « le plouc » le prend en chasse en échange d’une prime exceptionnelle.

Le camion comme confessionnel

Qu’est-ce qui se trouve dans les caisses qui valent cette somme rondelette que tout le monde veut s’adjuger ? Nous ne le saurons jamais, puisque le véritable enjeu du récit ne se trouve pas du tout là. Ce n’est qu’un prétexte quelconque pour faire démarrer l’intrigue, qui finit par tourner à plein régime sans autre carburant que la rivalité virile entre des personnages qui se retrouvent en fait tous dans la même galère. L’histoire de Cent mille dollars au soleil est moins une lutte pour la survie que l’affrontement presque amical entre de vieilles connaissances, qui ont déjà traversé d’autres impasses existentielles ensemble et qui pratiquent par conséquent le jeu éprouvé du chat et de la souris avec une certaine désinvolture. Il n’y a ni bons, ni méchants ici, juste des individus bourrus qui courent éperdument après un pactole illusoire. Toute cette agitation – pauvre en suspense mais riche en retournements rocambolesques – se met alors au service de la conception du monde selon Michel Audiard, c’est-à-dire une belle embrouille où seule la loyauté entre potes et une prédilection pour l’hédonisme sans complexes vous sauveront de l’insignifiance. Cela n’a rien de révolutionnaire et encore moins de particulièrement éclairé, mais la recette fonctionne une fois de plus à merveille, dans la limite de cet état d’esprit plus faussement borné qu’ouvert sur le monde.

Du cinéma de papa, pour le meilleur et pour le pire

Le mythe de l’Afrique terre d’aventure est conjugué sans retenue par la narration, alors que les « événements » en Algérie à peu près à la même époque auraient pu, voire auraient dû préparer le terrain à une approche moins sommairement archaïque. Pour faire bref, la population autochtone ne sert que de figuration assez pitoyable, les femmes n’existent qu’en tant qu’objets du désir des hommes et l’homosexualité, si tant est qu’elle a voix au chapitre, est la cible de railleries plutôt immondes, à l’origine d’une séquence qui idéalise de surcroît un vandalisme complètement gratuit. Non, cet aspect-là du film n’est vraiment pas fait pour nous plaire ! Contrairement à une qualité de l’exécution générale, qui se manifeste à la fois du côté de la musique sublime de Georges Delerue – juste deux thèmes au fond, mais deux thèmes d’anthologie – et d’une interprétation jouissive qui a participé grandement à asseoir la réputation de classique de ce film. Jean-Paul Belmondo, Lino Ventura, Bernard Blier et Gert Fröbe y restent tous fidèles à leurs emplois habituels, à savoir respectivement celui du jeune bon vivant, du vieux râleur, du compère maladroit et de la crapule grandiloquente. Mais ils le font ici avec une aisance jubilatoire qui ne peut être que divertissante.

Conclusion

Quelques réalisateurs de renom se sont essayés au film de camions : Henri-Georges Clouzot et William Friedkin, Steven Spielberg et donc Henri Verneuil. Même si ce dernier n’a pas créé un chef-d’œuvre d’intensité à l’image du Salaire de la peur, Cent mille dollars au soleil reste une formidable preuve de la vigueur du cinéma français au milieu des années ’60 !

https://youtu.be/xHNKIxCGfWU

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