Le Tueur à l’orchidée
Italie, Allemagne de l’Ouest : 1972
Titre original : Sette orchidee macchiate di rosso
Réalisation : Umberto Lenzi
Scénario : Roberto Gianviti, Paul Hengge
Acteurs : Antonio Sabàto, Uschi Glas, Pier Paolo Capponi
Éditeur : Le Chat qui fume
Durée : 1h32
Genre : Horreur, Giallo
Date de sortie cinéma : 13 septembre 1973
Date de sortie DVD/BR : 5 avril 2025
Un mystérieux tueur s’en prend à des femmes, laissant auprès de leur corps un médaillon en forme de croissant de lune. Sa troisième victime, Giulia Torresi, réchappe à la mort dans le train de nuit Paris-Rome. Pour la garder en sécurité, l’inspecteur Vismara, chargé de l’enquête, la fait passer pour morte. Mais un lien entre les meurtres apparaît à Giulia et, aidée de son mari, Mario Gerosa, couturier, la jeune femme décide de mener sa propre enquête. Il s’avère, en effet, que les femmes assassinées avaient toutes séjourné, deux ans auparavant, dans le même hôtel, que fréquentait un Américain dont le trousseau de clés s’ornait justement d’un croissant de lune…
Le film
[4/5]
Pour ceux qui l’ignoreraient encore, Umberto Lenzi fut un des cinéastes les plus prolifiques du « Bis » et du cinéma d’exploitation des années 60/70. A l’image de cinéastes tels que Lucio Fulci, Antonio Margheriti ou encore Joe D’Amato, il travaillait vite et s’avérait un excellent technicien : du haut de ses 66 longs-métrages répertoriés sur IMDb, réalisés sur un période de 34 ans (1958-1992), Umberto Lenzi a massivement contribué à donner ses lettres de noblesse au cinéma Bis de l’époque : film de pirates, aventures exotiques, Giallo, Euro Spy, film de guerre, western spaghetti, poliziottesco, film de cannibales, horreur… Lenzi a œuvré dans tous les genres, et livré au public une flopée de films devenus de véritables petits classiques du cinéma d’exploitation transalpin. Ses incursions dans le petit monde du Giallo sont peut-être un peu moins connues que ses titres de gloire, mais avec Le Tueur à l’orchidée, il nous livrait à coup sûr l’un de ses films les plus réussis.
Le premier sentiment nous étant venu à l’esprit à la revoyure de ce Tueur à l’orchidée réside dans le sérieux avec lequel Umberto Lenzi y avait fait le choix d’aborder le genre. Si le Giallo est souvent connu pour ses excès formels, quitte à parfois verser dans le délire érotico-psychédélique, le moins que l’on puisse dire, c’est que le cinéaste prend ici très au sérieux l’enquête concernant l’identité du tueur, nous livrant un long-métrage atmosphérique et régulièrement inspiré, mais étonnamment « bavard » pour un giallo. Pour autant, en se montrant aussi attentif aux différents enjeux dramatiques soulevés par le récit, le réalisateur de Cannibal Ferox atténue certes un peu l’ambiance de chaos et/ou de joyeux bordel qui baignait souvent les films du même genre, mais on ne peut que saluer sa rigueur, et le fait qu’il ne laisse jamais la folie et l’exubérance de ses scènes de meurtres contaminer le reste de son récit.
Si Le Tueur à l’orchidée s’ouvre certes sur une impressionnante scène de meurtre durant laquelle une prostituée est sauvagement battue à mort avec un objet contondant, l’intrigue du film tourne donc principalement autour de l’enquête menée par Mario (Antonio Sabàto), dont la femme Giulia (Uschi Glas) a été agressée et laissée pour morte, afin de retrouver le tueur en série. Et pour cause : le film d’Umberto Lenzi est une coproduction entre l’Italie et l’Allemagne, et s’avère en réalité une adaptation « non officielle » d’un récit de Cornell Woolrich, mais que le distributeur attribuera à Edgar Wallace (1875–1932) pour la sortie du film sur le marché allemand. L’attachement du récit à se baser sur l’enquête policière tend à placer le film à mi-chemin entre le Giallo et le « Krimi », ce fameux genre policier teinté de mystère dont les allemands s’étaient fait une spécialité dans les années 60. De ce fait, une large partie se voit dévolue aux interrogatoires, même si le spectateur devinera probablement qui est le coupable.
Cependant, si on se laisse prendre par l’enquête, l’ensemble est très correctement rythmé, Le Tueur à l’orchidée entremêlant les mouvements de Giulia et Mario et ceux du tueur, filmé en vue subjective et dont le spectateur ne verra à l’écran que les classiques gants noirs, typiques du Giallo. Evoluant dans des scènes nimbées de la photo et des éclairages stylisés signés Angelo Lotti, le tueur traque ses victimes, toutes à moitié nues, et utilisant des méthodes de plus en plus imaginatives et macabres pour les assassiner. Durant les scènes de meurtres, on sent que Lenzi s’amuse, et se lâche même par moments sur la violence, comme à l’occasion de ce fameux meurtre à la perceuse composant un des passages les plus barrés et les plus mémorables du Tueur à l’orchidée.
Du côté des acteurs, les amateurs de poliziotteschi des années 70 seront heureux de retrouver Antonio Sabàto (Les Contrebandiers de Santa Lucia). Dans le rôle de son épouse, Uschi Glas impose une vraie présence à l’écran, même si on n’aurait que peu l’occasion de la revoir au cinéma, sa carrière s’étant par la suite quasi-intégralement tournée vers la télévision. La plupart des autres actrices et seconds-rôles sont en revanche des têtes connues des amateurs de gialli et de cinéma de genre en général. On pense notamment à Rossella Falk (La Tarentule au ventre noir, Journée noire pour un bélier), Marina Malfatti (L’Appel de la chair, La dame rouge tua sept fois), Marisa Mell (Perversion Story, Ben & Charlie, Ultime violence, L’emmurée vivante), Gabriella Giorgelli (vue dans Le Voyou de Claude Lelouch) ou encore Linda Sini (Le Diabolique Docteur Mabuse).
Le Blu-ray
[4,5/5]
Petit à petit, les films jadis sortis en DVD sous la bannière de l’éditeur-culte Neo Publishing entre 2002 et 2010 finissent par voir le jour au format Blu-ray, tantôt sous les couleurs d’Artus Films, tantôt sous celles du Chat qui fume. Et lors de la dernière salve de Blu-ray édités par Le Chat, ce sont carrément trois films qui appartenaient anciennement au catalogue de Neo que l’on a vu débarquer au format Blu-ray – aujourd’hui, on aborde Le Tueur à l’orchidée, qui est arrivé il y a quelques semaines sur les linéaires de vos meilleurs dealers de culture. Côté packaging, le giallo d’Umberto Lenzi nous est proposé dans un boîtier Scanavo surmonté d’un fourreau cartonné. Comme d’habitude, c’est l’excellent Frédéric Domont qui s’est chargé de la conception graphique de ce bel objet de collection, qui s’intégrera parfaitement sur vos étagères au reste de vos sorties du Chat qui fume. Du beau boulot !
Côté master, le rendu Haute Définition proposé par ce Blu-ray du Tueur à l’orchidée est excellent, doté d’une parfaite stabilité et d’une propreté surprenante, le tout nous offrant un niveau de détail que nous n’attendions pas pour une production aussi rare et méconnue. Le piqué est précis, les couleurs ravivées, les noirs denses et les contrastes fermes, et seuls plans à effets seront logiquement toujours marqués par un grain un peu plus accentué. Puisqu’on en parle, la granulation d’origine semble avoir été préservée avec un soin maniaque, et sied par ailleurs parfaitement au côté forcément old school de l’ensemble. Côté son, le film est proposé en VO italienne ainsi qu’en VF, et DTS-HD Master Audio 2.0. Le rendu acoustique est irréprochable : net, clair, précis dans ses effets, relativement riche, et proposant un équilibre quasi-parfait entre la musique, les voix et les effets sonores. La musique de Riz Ortolani est par ailleurs parfaitement mise en valeur.
Dans la section suppléments, Le Chat qui fume nous a compilé une poignée de bonus tout à fait passionnant. On commencera par un entretien avec Umberto Lenzi (24 minutes), qui permettra au réalisateur de revenir sur le contexte de production et la genèse de son film, tout en abordant le casting et certains aspects techniques du tournage (il louera le travail effectué par ses cameramen). Le cinéaste niera avec véhémence les inévitables passerelles faites avec le cinéma de Dario Argento, et avouera en revanche fort humblement s’être inspiré de John Ford, et en particulier de La Poursuite infernale, concernant son rebondissement final. A la fin de l’entretien, il évoquera certains de ces autres films : ceux tournés avec Carroll Baker, Chats rouges dans un labyrinthe de verre et Spasmo.
On continuera ensuite avec un entretien avec Gabriella Giorgelli (19 minutes), qui joue une des premières victimes du tueur. Une petite coquille présente sur la jaquette du Blu-ray l’a renommée Gabriella Giogelli (sans « r »), et cette erreur s’est répercutée sur d’innombrables sites Internet. L’actrice, aujourd’hui âgée de 84 ans, reviendra sur son parcours, des concours de beauté à la figuration, puis aux petits rôles, jusqu’à sa rencontre avec Umberto Lenzi ainsi que sur son apparition dénudée dans le film. Elle parlera également de ses autres rôles et du deuxième film qu’elle a tourné avec Lenzi. Les quelques anecdotes qu’elle partage dénotent vraiment d’une autre époque, où le monde du cinéma tout autant que les relations hommes/femmes étaient très différents d’aujourd’hui. Dans un monde où un baiser dans le cou ou une main posée sur un jean au milieu d’une boîte de nuit peut mener à un an de prison dont six mois avec sursis et obligation de soins, si des réalisateurs se comportaient de nos jours comme Alberto Sordi ou Umberto Lenzi, ils seraient envoyés en prison, sans passer par la case départ ! On terminera enfin avec la traditionnelle bande-annonce.
On notera par ailleurs que le documentaire « Le Giallo : une radiographie de l’Italie d’après-guerre » tiré de la chaîne YouTube « Cinéma et politique », annoncé sur la jaquette et sur le site de l’éditeur, n’est pas présent sur le Blu-ray. Le plus étonnant ne réside pas dans l’oubli de l’éditeur (que celui qui ne s’est jamais trompé lui jette la première pierre), mais dans le fait que ce sujet a été chroniqué, et même commenté par certains sites ayant abordé la sortie de cette édition Blu-ray. Pour vous procurer cette édition, rendez-vous sur le site du Chat qui fume !