Le Gorille vous salue bien
France : 1958
Titre original : –
Réalisation : Bernard Borderie
Scénario : Bernard Borderie, Jacques Robert
Acteurs : Lino Ventura, Charles Vanel, Yves Barsacq
Éditeur : Pathé
Durée : 1h46
Genre : Espionnage
Date de sortie cinéma : 3 septembre 1958
Date de sortie DVD/BR : 25 juin 2025
En 1957, Géo Paquet, dit « Le Gorille », est l’agent secret n°1 des renseignements français. Il est chargé par son patron, « Le Vieux », de démanteler un réseau d’espionnage et d’enquêter sur la disparition de plans secrets de l’aéronautique militaire…
La Valse du gorille
France : 1959
Titre original : –
Réalisation : Bernard Borderie
Scénario : Bernard Borderie, Jacques Robert
Acteurs : Roger Hanin, Charles Vanel, Jess Hahn
Éditeur : Pathé
Durée : 1h47
Genre : Espionnage
Date de sortie cinéma : 7 octobre 1959
Date de sortie DVD/BR : 25 juin 2025
Les services secrets russes, anglais, américains et allemands se disputent les plans d’un missile. Quand le « Gorille » apprend que son ancien chef, « le Vieux », est menacé dans cette affaire, il abandonne sa garnison de Bayonne pour entrer dans cette valse des espions…
Les films
[4/5]
Si elle fut extrêmement populaire chez nos voisins italiens, allemands et même espagnols, la glorieuse tradition du cinéma « bis » n’a jamais été extrêmement développée à l’intérieur des frontières françaises. Néanmoins, à la faveur de quelques productions internationales (franco-italiennes surtout), et dans l’insouciance pop des années 60, le cinéma français s’est tout de même volontiers laissé aller à quelques titres flirtant volontiers avec le cinéma de genre tendance populaire. Outre les films de cape et d’épée et les romances historiques qui faisaient la joie des cinémas de quartier, on a donc également vu naître en France pendant cette décennie une poignée de films d’espionnage très orientés « action et petites pépées », que l’on pourra greffer à une vague d’œuvrettes tout à fait charmantes que le temps a affectueusement renommé « Euro Spy ».
Sous l’influence couplée des premiers James Bond et des « fumetti » (bandes dessinées populaires italiennes) qui inondaient le marché du divertissement à l’époque, on a donc vu fleurir sur grand écran les aventures – entre autres – de Coplan, d’OSS 117, du Commissaire X, de l’Agent secret 777 ou de F.B.I. 505, des espions au sourire ravageur qui sauvaient le monde dans des films dont les titres développaient volontiers un impact catchy et second degré : Coup de gong à Hong-Kong, Baroud à Beyrouth pour F.B.I. 505, Karaté à Tanger pour agent Z7 ou encore le célèbre Banco à Bangkok pour OSS 117.
Si elle n’affiche pas encore forcément les atours les plus fantasques du genre Euro Spy tel qu’il se développera dans les années 60, la trilogie de films du « Gorille » est adaptée d’une série de romans d’espionnage français, publiés dans la fameuse collection Série noire. Entre 1954 et 1983, Dominique Ponchardier, inventeur du mot « barbouze » et barbouze lui-même, a donc écrit une soixantaine de romans mettant en scène le « Gorille », alias Geo Paquet, un cador des services secrets. Gros succès de librairie dans les années 50, la série s’est vu adaptée sur grand écran dès 1958 avec Le Gorille vous salue bien, qui mettait en scène Lino Ventura dans le rôle-titre. On peut partir du principe que le public de l’époque connaissait le personnage du Gorille, mais c’est un peu moins sûr en ce qui concerne les spectateurs contemporains, qui risquent bel et bien d’être surpris par le virage assez abrupt que prend la narration vers le milieu du film.
En effet, Le Gorille vous salue bien commence plutôt comme un polar. Un homme s’évade de prison en tordant les barreaux de sa cellule, les cadavres et les coups de pression entre truands s’accumulent, le Gorille défonce des portes verrouillées, et se bat contre des adversaires qui, face à sa force, font littéralement figure de poupées de chiffon. Tout cela est bien mené, et la qualité d’agent secret de Geo Paquet ne sera révélée qu’assez tardivement dans l’intrigue, le film de Bernard Borderie s’amusant jusque-là à brouiller les pistes sur les motivations de son personnage principal. Une fois le pot aux roses découvert en revanche, les codes du film d’espionnage reprendront leurs droits, avec toujours pas mal d’action et une petite dose de cruauté tout à fait bienvenue, le personnage incarné à l’écran par Jean-Pierre Mocky ayant des tendances sadiques bien difficiles à maîtriser.
Avec sa carrure imposante et son aisance dans les scènes physiques, Lino Ventura était parfait dans la rôle du super-espion imaginé par Dominique Ponchardier. Pour autant, de peur de s’enfermer dans un rôle, il refusa de réendosser les frusques du Gorille l’année suivante dans La Valse du Gorille, toujours réalisé par Bernard Borderie. Le rôle échoua donc à Roger Hanin. Un peu plus de soixante-cinq ans après la sortie du film, l’idée de choisir Roger Hanin pourra provoquer quelques sourires, tant l’imaginaire collectif a été marqué par son interprétation du Commissaire Navarro, mais en 1959, Roger Hanin était également une « belle bête ». Ancien joueur de basket, il mesurait 1m86 et avait une carrure assez massive, ce qui l’avait d’ailleurs à l’époque cantonné aux rôles de durs à cuire (gangsters, gardes du corps…).
Contrairement à son prédécesseur, La Valse du Gorille ne cachera pas du tout sa nature de film d’espionnage, une voix off évoquant les enjeux de l’espionnage international dès l’ouverture du métrage. En revanche, le personnage du « nouveau Gorille » (tel qu’il est annoncé dans le générique de début) mettra un peu plus de temps à débarquer, le début du récit se centrant davantage sur les personnages du colonel Berthomieu (Charles Vanel) et de Berthier (Yves Barsacq), et servant d’introduction à de nombreux personnages d’espions internationaux, tels que Ted the Hook (Jess Hahn), l’agent américain, Grishka (Michel Thomass), l’agent soviétique, et bien sûr Otto (Wolfgang Preiss), l’agent allemand.
Tout ce petit monde est à la recherche de la formule d’une invention secrète censée révolutionner la recherche spatiale. Solide et plutôt bien rythmé, La Valse du Gorille joue à nouveau la carte du mélange d’action et d’espionnage. Les dialogues sont toujours aussi savoureux, et Roger Hanin s’en tire plutôt bien dans la peau de Geo Paquet, apportant un peu de nuances au personnage du Gorille. Il faut d’ailleurs croire que ce fameux Gorille lui a plus, puisqu’il tournerait un troisième épisode en 1962, Le Gorille a mordu l’archevêque, devant la caméra de Maurice Labro, et cette fois non plus pour Pathé mais pour Gaumont.
Le coffret Blu-ray
[5/5]
Le Gorille vous salue bien et La Valse du Gorille viennent donc d’arriver en Blu-ray sous les couleurs de Pathé dans un joli coffret contenant les films sur deux galettes Haute Définition ; un coffret qui viendra grossir les rangs de la collection « Version restaurée par Pathé », déjà très riche en termes de grands classiques restaurés. Les deux films bénéficient de masters restaurés tout à fait solides, encodés en 1080p et au format respecté (Scope 2.35 pour le premier, 1.66 pour le second). L’ensemble est quasi-irréprochable : le piqué et les contrastes retrouvent une nouvelle jeunesse, tout en respectant scrupuleusement le grain argentique d’origine. Certains plans sont plus doux que d’autres, on dénote toujours par ci par là quelques inévitables petites baisses de définition en fin de bobines ou durant les plans à effet, mais l’ensemble est globalement très bien tenu. Côté son, les films nous sont proposées en DTS-HD Master Audio 2.0 mono d’origine, et l’ensemble nous est présenté dans des mixages clairs, nets et respectueux de l’acoustique d’origine.
Du côté des suppléments, on trouvera des entretiens croisés avec Jean Ollé-Laprune et Matthieu Letourneux (38 minutes). On y abordera tout d’abord la carrière de Bernard Borderie, le contexte de production et la genèse des deux films, le casting du film, etc. Aucun élément n’est oublié, et pour peu que vous laissiez porter par l’enthousiasme emphatique, sonore et théâtral de Matthieu Letourneux, vous passerez assurément un bon moment.