Critique : Dope

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Dope

Etats-Unis, 2015
Titre original : Dope
Réalisateur : Rick Famuyiwa
Scénario : Rick Famuyiwa
Acteurs : Shameik Moore, Tony Revolori, Kiersey Clemons, Kimberly Elise
Distribution : Happiness Distribution
Durée : 1h43
Genre : Comédie dramatique
Date de sortie : 4 novembre 2015

Note : 3/5

Il est souvent question de musique des années 1990 dans ce film plébiscité au fil d’un parcours de festival sans faute, de Sundance à Deauville, en passant par Cannes. Or, pour l’ignare que nous sommes à regret en termes de musique, l’influence principale de Dope provient du cinéma de cette même époque, quoique pas nécessairement animé par les mêmes motivations artistiques et commerciales que le hip-hop. L’ombre de Spike Lee plane en effet avec insistance sur ce film percutant, ainsi que celui d’une autre œuvre marquante dans le domaine de la représentation de la communauté afro-américaine au cinéma, Boyz n the hood de John Singleton. Le quatrième film de Rick Famuyiwa est hanté par la même fièvre que ces brûlots contre la ségrégation raciale qui persiste aux Etats-Unis, malgré toutes les bonnes intentions réunies et quelques cas alibi de réussite au-delà du fossé social. Il l’exprime cependant d’une façon plus détournée, voire enjouée, ne se laissant aller qu’in extremis à une revendication en guise de mise en perspective des aventures improbables d’un geek atypique.

Synopsis : Elevé seul par sa mère dans un quartier pauvre de Los Angeles, le jeune Malcolm Adekambi cultive l’ambition d’intégrer la prestigieuse université de Harvard. En tant que geek et fan inconditionnel des standards hip-hop des années ’90, il n’est certes pas l’élève le plus populaire de son lycée, mais il forme un trio d’amis inséparables avec Diggy et Jibs. Alors que le jour de l’entretien décisif approche, Malcolm se rend à la fête d’anniversaire de Dom, le chef respecté d’une bande de dealers. Il espère y croiser Nakia, la petite amie du caïd. Quand la fête tourne à la fusillade entre gangsters et policiers, Malcolm arrive à s’échapper à la dernière minute en compagnie de Nakia. Ce qu’il ignore : avant d’être arrêté, Dom a caché plusieurs kilos de la nouvelle drogue à la mode dans le sac à dos du lycéen.

La pente glissante

Peu importe qu’il s’agisse de Inglewood ou de South Central, la banlieue où le producteur et narrateur Forest Whitaker a grandi, la topographie urbaine des métropoles américaines ne laisse qu’une infime chance aux jeunes défavorisés de s’en sortir. Pour ceux et celles qui ne tombent pas victimes de la violence omniprésente, l’éventail des options est en effet tout sauf large, avec la criminalité comme seule voie pour devenir riche, au risque de disparaître prématurément. Dope tient amplement compte de cette fatalité pesante, sans pour autant s’en laisser décourager. Ainsi, les objectifs de Malcolm sont plutôt réalistes, puisqu’il ne rêve par exemple pas de faire carrière dans la musique grâce à son groupe punk. C’est en fait un adolescent très ordinaire : complexé par sa sexualité en plein essor, sans défense contre les réprimandes de brutes intimidantes et surtout soucieux de préserver la seule et unique porte de sortie qui lui évitera de stagner dans son milieu gangrené par l’absence d’opportunités viables. L’enchaînement d’événements rocambolesques qui ponctuent le récit mettra son désir d’ascension sociale à rude épreuve. Mais le propos moral du film est suffisamment nuancé pour lui aménager des zones de flou par l’intermédiaire desquelles il sera tiré d’affaire.

C’est mon tour maintenant

La construction d’un véritable esprit d’entrepreneur sous-tend cette période charnière dans la vie du protagoniste. Au début à peine plus qu’un gamin mal dans sa peau et balbutiant, il devient le maître de son destin au fur et à mesure que de nouvelles responsabilités agrandissent sa carrure d’homme d’action. Le trait le plus séduisant dans cette accession précoce à l’âge adulte est sans doute la prise de conscience de la part de Malcolm que des choses bien plus formidables l’attendent que l’existence prévisible et rangée à laquelle il s’attendait depuis son point de vue de marginal intelligent. La mise en scène de Rick Famuyiwa encadre cet élargissement de horizon avec des dispositifs formels peut-être un peu trop encombrants. Le seul aspect moderne du film est ainsi l’intégration de gadgets du commerce virtuel, alors que le déroulement de l’intrigue suit assez docilement le principe de l’étau qui se resserre, avant le dénouement forcément en faveur du protagoniste. De même, les personnages secondaires auraient pu être plus charnus, notamment du côté des deux acolytes de Malcolm. Enfin, ce dernier nous paraît un brin trop idéalisé pour convaincre totalement en tant que geek en panne de reconnaissance. Ce ne sont pourtant là que des réserves mineures, face à une œuvre filmique qui sait admirablement transformer son fond sérieux en un divertissement cool et stylisé.

Conclusion

Nerveux et agressif, Dope est aussi une formidable opération de séduction en faveur de l’abandon de préjugés surannés. Porté à bras le corps par l’interprétation prometteuse du jeune Shameik Moore, cette histoire vigoureuse établit un lien entre le cinéma engagé des années ’90 et une conception des médias moins sectaire et moins enragée dont Rick Famuyiwa est un ambassadeur intriguant.

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