Critique : Sieranevada

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Roumanie, 2016
Titre original : –
Réalisateur : Cristi Puiu
Scénario : Cristi Puiu
Acteurs : Mimi Branescu, Judith State, Bogdan Dumitrache
Distribution : Wild Bunch Distribution
Durée : 2h53
Genre : Drame
Date de sortie : 3 août 2016

Note : 2,5/5

Ce nouveau long-métrage fut le plus long de la compétition du dernier Festival de Cannes (où la quasi totalité des films semblait durer plus que de raison) avec une durée de 2h52, juste quelques minutes de plus que les plus consistantes 2h42 de Toni Erdmann, vainqueur par k.o. par sa profondeur subtile et son art de dire les choses même sans les dire frontalement. Ici, le réalisateur roumain Cristi Puiu (La Mort de Dante Lazarescu) peine à justifier la durée de son film, non pas parce qu’il générerait un quelconque ennui mais ces quelques 180 minutes passées quasiment dans leur intégralité dans un appartement manquent tout de même d’un peu de consistance et de précision dans la représentation d’un pays qui semble bien malade.

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Synopsis : À l’occasion de la commémoration du décès du patriarche quarante jours plus tôt, une famille se réunit et attend le pope, très en retard, chargé de la célébration. Ce petit monde partage un moment d’intimité forcé et va se disputer entre souvenirs magnifiés du communisme ou rejet absolu, théories du complot quelques jours après l’attentat contre Charlie Hebdo, réflexions politiques sur un monde en crise et secrets qui n’attendent qu’à être partagés.

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Pauvre Roumanie !

Un lieu que l’on ne quittera quasiment pas, un groupe de personnes symbolique d’une Roumanie déprimante, gangrenée par la corruption et le poids du passé, comme on pourra le voir encore, de façon plus accentuée et plus profonde dans Baccalauréat de Cristian Mungiu, prix de la mise en scène lors du même festival, attendu dans les salles pour le 7 décembre. Le propos sur la société roumaine est d’un grand cynisme et souligne, au sein des disputes intimes d’une famille «normale», un rejet assez glaçant de l’autre, gitans, juifs, croates étant la cible du racisme ordinaire de certains membres de cette communauté unie par les liens du sang et rien d’autre ou presque. Ils ne s’aiment pas vraiment, se supportent plus qu’ils ne s’apprécient. Ce qui n’empêche pas de former une famille ni pire ni meilleure qu’une autre. Quoique… ils sont tout de même bien gratinés.

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Caméra mobile, propos figés

La mise en scène est le principal intérêt de ce très long-métrage qui déçoit notamment dans sa difficulté à faire exister suffisamment concrètement les personnages, peu intéressants au final, alors que Cristi Piu a du temps pour le faire de façon plus satisfaisante. La caméra fixe dans le couloir au centre de l’appartement glisse d’une porte à une autre avec une réelle souplesse (le procédé relève du cinéma expérimental plus que d’un cinéma grand public), les dialogues se poursuivant derrière l’une d’elle fermée puis allant vers une autre ouverte. Des bribes des conversations nous échappent parfois même si elles semblent inachevées même lorsqu’elles ne sont pas réduites par le hasard des déplacements des protagonistes. Après un plan-séquence dans la rue où l’on entraperçoit la dispute d’un couple.

Lary, le fils du défunt, docteur en médecine, le candide, complice des interrogations du spectateur sur la portée des discussions s’engueule sans passion avec sa femme qui lui reproche de ne pas assez l’écouter et de ne pas avoir choisi la bonne tenue pour le spectacle dans lequel jouera leur fille. Après ces quelques minutes en plein air, là encore dans une suite de mouvements circulaires (on pourrait se croire dans La Région Centrale de Michael Snow (critique), direction le huis-clos et les habiles mouvements de cette caméra posée au sol et pourtant extrêmement mobile. D’abord admiratif du procédé qui éloigne tout ressenti de théâtre filmé, il devient envahissant et plus que visible, notamment à cause des contenus trop sibyllins des dialogues, trop opaques. Certes, ces échanges sont réalistes, les débats dans des réunions familiales pouvant passer du coq à l’âne façon brèves de comptoir mais l’on attend plus d’un long-métrage qui vise à ce point à interroger son époque. Trop de choses nous échappent, trop elliptiques, trop mystérieuses pour qui ne maîtrise pas la géopolitique roumaine.

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Conclusion

Le titre, nébuleux par rapport au contenu, n’a pas de signification réelle. Il a été choisi à dessein par le réalisateur (jusqu’à la faute d’orthographe) qui en appréciait l’universalité et ne voulait pas de variante d’un pays à un autre, lui permettant par ailleurs de susciter des interrogations supplémentaires qui resteront sans réponse. Une œuvre décevante dans l’absolu mais qui mérite le coup d’oeil pour ses multiples questionnements et ses tentatives de proposer un rythme différent du cinéma standard.

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