Vu sur OCS : The Lost Soldier

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© 2017 Roc Pictures / M6 Vidéo Tous droits réservés

C’est une fin de carrière assez triste que vit ces dernières années le réalisateur danois Bille August. Membre atypique du club prestigieux des cinéastes doublement palmés, il n’a en effet vu aucun de ses films sortir au cinéma en France depuis treize ans. Depuis le drame insipide sur l’apartheid Goodbye Bafana, il n’a certes pas chômé, mais ses films ont dans le meilleur des cas eu l’honneur douteux d’être édités directement en vidéo. A l’image de The Lost Soldier, un film de guerre que l’on peut qualifier sans hésitation de support de propagande, en hommage à l’effort national consenti par le peuple chinois pendant la Deuxième Guerre mondiale contre le vilain occupant japonais. Le genre de film, en somme, auquel on peut s’attendre désormais de la part de Zhang Yimou, sans trop d’exagération le réalisateur officiel du régime chinois. Le cheminement qui a conduit Bille August jusqu’à un tel pamphlet tendancieux nous laisse passablement perplexe, presque autant que son film, une illustration sans traits particuliers d’un chapitre historique douloureux, à la fois pour les Chinois et les Américains.

Le discernement pour contourner les poncifs les plus indigestes au sujet d’une aventure de captivité potentielle derrière les lignes ennemies ne fait en effet pas partie du vocabulaire filmique de Bille August. En plus d’un premier récit-cadre hautement ennuyeux, grâce auquel le vaillant héros peut nous conter son exploit et nous ôter en même temps toute inquiétude quant à sa survie à l’issue de cette épreuve, l’histoire se voit affublée d’un bref épilogue encore plus pénible, où l’on ne voit que les mains âgées du protagoniste écrire une ultime lettre de souvenirs. Cette soumission aux conventions narratives les plus basiques se poursuit au cours de l’attaque initiale de Tokyo, après laquelle les courageux aviateurs américains sont censés trouver refuge auprès de leurs alliés chinois. Ce ne sont pourtant pas seulement les effets spéciaux numériques d’une laideur consternante qui ne réussissent pas à créer l’illusion. Toute la première partie du film ressemble en effet à une production commerciale chinoise ordinaire, c’est-à-dire dépourvue de quelque goût esthétique que ce soit et en échange très généreuse en termes d’un discours manichéen sans la moindre nuance.

© 2017 Roc Pictures / M6 Vidéo Tous droits réservés

Les choses ne s’arrangent pas tellement, une fois que l’intrigue bascule du côté d’un confinement en cachette, qui nous laisserait presque considérer comme luxueux le nôtre depuis trois semaines, à cause de l’épidémie du coronavirus. Aucun écart formel majeur n’y est à signaler, soit. Mais on a du mal à désigner comme sobre ce type de narration, qui ne fait qu’enchaîner les séquences dans un ordre hautement prévisible. Ce qui doit arriver y arrive ainsi avec une indifférence narrative et un regard filmique superficiel, qui ont depuis toujours été la marque de fabrique du cinéma de Bille August. Sans surprise, les méchants y restent foncièrement méchants. In extremis, ils reçoivent cependant leur juste punition. Tout comme la bonté des autres personnages ne fait de doute à aucun moment. Avec insistance, le spectateur est incité à s’identifier à eux, surtout quand ils se sacrifient à l’apogée de l’épopée héroïque.

Rien de très sophistiqué et encore moins de moderne dans ce discours lourd et appuyé, mais au moins pas tiré inutilement en longueur. La brièveté relative du film, d’une durée d’à peine une heure et demie, l’empêche en même temps d’acquérir une quelconque personnalité. Une lacune irrattrapable par laquelle sont également atteintes les interprétations des deux personnages principaux : Emile Hirsch en troufion américain passe-partout et Liu Yifei en veuve et mère-courage exemplaire d’une manière fâcheusement ostentatoire.

On ne s’attendait pas du tout à un chef-d’œuvre en optant pour The Lost Soldier sur notre menu virtuel de films qui vivent leurs dernières minutes de présence sur le serveur replay d’OCS. Le plus décevant est toutefois que Bille August y reste conforme à lui-même, pris au piège d’une médiocrité presque sublime dans son refus catégorique de faire preuve de la moindre singularité. Les commanditaires chinois ont dû apprécier cette leçon d’histoire profondément partiale. Or, pour un public occidental qui chercherait autre chose qu’une pièce de propagande fade, ce film est entièrement dispensable !

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