Vu sur OCS : Campus

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© 1970 The Organization / Columbia Pictures / Sony Pictures Releasing France Tous droits réservés

A quel moment, précisément, ça a dérapé pour la comédie universitaire ? A partir de quand, le reflet cinématographique de la vie à la fac a abandonné quelque militantisme que ce soit pour devenir exclusivement un prétexte aux beuveries et à d’autres manifestations d’un hédonisme encore beaucoup moins studieux ? Ce sous-genre de la comédie de jeunes ne se comporte certes pas d’une manière foncièrement différente d’autres catégories de films. Comme elles, il suit l’évolution des goûts et des mœurs, en fonction de son année de production. Néanmoins, on dirait que ça fait une éternité qu’on n’a pas vu une incursion aussi incisive sur le campus que … Campus, le neuvième long-métrage de Richard Rush, encore disponible sur le replay d’OCS jusqu’à demain soir.

Il s’agit d’un film qui s’approprie fidèlement les enjeux du soulèvement générationnel, à l’œuvre dans le sillage de mai ’68. A travers les couloirs et les escaliers d’une université californienne bondés d’étudiants qui n’ont pas vraiment l’air de savoir où ils vont, une frénésie de la quête de sens se manifeste très tôt dans le film. Harry Bailey, l’anti-héros emblématique du récit, sait très bien, lui, où toute cette cohue est censée le mener : vers un poste d’enseignant, en mesure d’ancrer tardivement son existence. Par conséquent, il n’a pas le temps de participer aux innombrables réunions d’étudiants engagés, ni même d’arriver à l’heure à ses rendez-vous pris au piège d’un chevauchement inextricable d’engagements contradictoires. Car ce personnage, plutôt atypique parmi ses camarades de classe, plus jeunes et plus idéalistes, a le cul entre deux chaises.

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Après son service militaire au Vietnam, il n’a plus le temps de rêvasser, plus le loisir de se laisser porter passivement par le vent de revendications édentées. Sa situation matérielle est des plus instables, comme le symbolisent sa voiture épave, ainsi que ses galères incessantes d’argent, qui sont hélas toujours d’actualité pour la plupart des étudiants aujourd’hui. Pourtant, il se sent un peu l’âme sinon d’un révolutionnaire radical, au moins d’un contestataire diplomate. Juste assez pour se positionner en opposition, aussi équitable qu’intenable, entre les deux fronts – l’administration universitaire en gardien du statu quo d’un côté et les étudiants remontés contre leurs aînés de l’autre – , qui se durcissent au fur et à mesure que le ton du film perd son aspect enjoué.

Les échéances d’une prise de décision fatidique se rapprochent en effet inexorablement, comme le sait chaque étudiant qui a déjà été pris de court par les dates des partiels ou de rendu des dossiers. Fini le jeu des expérimentations et des hypothèses nobles, car abstraites, il est désormais temps de prendre ses responsabilités. Richard Rush, un réalisateur que l’on ne connaissait jusqu’à présent que pour l’aussi habilement désinvolte Le Diable en boîte, réussit à y garder les apparences, grâce à quelques pirouettes virtuoses. Ou bien, non, appelons un chat un chat. Il y parvient en épousant intimement la folie ambiante de l’époque, par le biais d’un dernier acte à l’excès de vérité et de lucidité hautement inhabituel pour le cinéma hollywoodien.

Il fut un temps, en fin de compte relativement bref, où Elliott Gould personnifiait à la perfection l’état d’esprit de son époque. Il le prouve une fois de plus dans Campus. Ni tout à fait adulte, mais pas non plus un adolescent attardé, ni intello, ni coco, son personnage est une formidable contradiction ambulante. L’acteur ose un impressionnant tour de force ici, une mise à nu de tout ce qui clochait dans le cœur et dans la mentalité américains, à ce moment-là et toujours indiscutablement un demi-siècle plus tard. Dans ses égarements existentiels, il est accompagné avec la même habileté et la même ingénuité par Candice Bergen, en blonde aux affinités bourgeoises à contester et à l’intelligence affective à célébrer.

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