Vu sur le Vidéo Club Carlotta : L’Homme aux cent visages

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© 1960 CEI Incom / Maxima Film Compagnia Cinematografica / Carlotta Films Tous droits réservés

Comme on dit dans le milieu des acteurs, rien n’est plus difficile que la comédie. Et quel exploit plus ardu encore que d’interpréter un mauvais comique ! C’est pourtant dans cet exercice hautement acrobatique que Vittorio Gassman excelle dans L’Homme aux cent visages. Actuellement disponible sur le Vidéo Club Carlotta, cette comédie de Dino Risi compte en effet parmi les perles injustement oubliées de l’humour à l’italienne des années 1960. Car en dessous de ses multiples déguisements, Gassman y reste irrémédiablement lui-même : un grand enfant, qui préfère courir l’aventure et subvenir à ses besoins grâce à de petites combines, plutôt que de mener une vie bien rangée. Le fantasme de tout mâle latin qui se respect, en somme.

Le point de départ de cette farce délicieuse est le petit confort citadin de l’Italie, désormais matériellement remise de l’épreuve de la guerre. Le personnage principal, Gerardo, habite dans une maison toute neuve. Il y est assez bien entouré, de voisins qui l’invitent à cette curieuse forme de convivialité qui consiste à regarder la télé ensemble et de son épouse, qui fait des miracles dans la cuisine avec le peu de moyens financiers à sa disposition. Tout baigne donc dans le conformisme le plus rassurant. Ce qui n’empêche pas Gerardo de s’emmerder ou, plus précisément, de cultiver une nostalgie truffée de regrets de l’époque, où il claquait en une soirée de fête le multiple de la somme qu’il doit à présent hésiter longuement d’investir dans le cadeau pour la fille de son patron.

© 1960 CEI Incom / Maxima Film Compagnia Cinematografica / Carlotta Films Tous droits réservés

Pourtant, il n’a pas encore tout à fait perdu les reflexes du vieux roublard, toujours à l’affût d’une arnaque et, par conséquent, toujours attentif à ne pas se faire avoir lui-même. Cette vigilance instinctive lui fournira le prétexte pour passer en revue ses exploits d’antan, tel le récit d’une gloire révolue à jamais. On le doit alors à la finesse exquise du scénario, co-écrit par Ettore Scola, que ce long retour en arrière ne devient ni le conte édifiant d’un voleur repenti, ni un enchaînement décousu d’épisodes qui n’auraient pour point commun que l’inventivité de l’esprit d’escroc du protagoniste. Or, ce dernier n’est justement pas sans reproche, puisque le côté calamiteux de sa vie d’artiste sur scène et de ses ébats amoureux est au mieux en partie compensé par le succès avec lequel il s’adonne au dépouillement des pigeons les plus crédules.

A ce sujet, la mise en scène des différentes missions fait preuve d’une grande adresse, à la fois pour ménager quelques éléments de surprise au spectateur face à ces opérations préparées hors champ de main de maître et afin de toujours rester subtilement à distance d’une apologie du crime plus explicite. Sans être un Robin des Bois transalpin, Gerardo s’en prend en effet principalement aux riches, hommes d’affaires, bijoutiers et autres notables, et ne perd jamais tout à fait de vue les communautés auxquelles il pense appartenir. Tandis que l’art dramatique lui aura surtout appris le cabotinage – quitte à nous répéter, une bouffonnerie de haut vol comme seuls des acteurs de la trempe de Vittorio Gassman savent la maîtriser – , le monde de la pègre l’intègre dans une forme de code d’honneur et de solidarité qui a tendance à porter des fruits joliment saugrenus.

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