Venise 2022 : Julianne Moore présidente et son jury

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Le Festival de Cannes avait en quelque sorte ouvert le bal à la fin du mois d’avril. Celui de Venise vient de lui emboîter le pas dans une curieuse forme de mimétisme. C’est évidemment du choix très tardif de la présidence du jury qu’on veut parler ici. Tandis que, dans le monde d’avant la crise sanitaire, ce genre d’annonce se faisait bien en amont des festivités, en 2022 seules quelques semaines séparent la composition du jury et la désignation de la présidente ou du président de leur prise de fonction respectivement sur la Croisette et du côté du Lido vénitien. A Cannes, l’intervalle n’était que de trois semaines, alors qu’à Venise, la soi-disant trêve estivale est d’un peu moins de sept semaines.

La direction du Festival de Venise et son directeur Alberto Barbera ont donc annoncé vendredi dernier, le 15 juillet, qui succèdera au réalisateur sud-coréen Bong Joon-ho au prestigieux poste de président du jury. Il s’agit de l’actrice américaine Julianne Moore, qui aura le privilège de choisir en accord avec les six membres de son jury le digne successeur au drame sur l’avortement L’Événement de Audrey Diwan qui avait remporté le Lion d’or en 2021. La 79ème édition du Festival de Venise se tiendra du mercredi 31 août au samedi 10 septembre prochains.


Loin du paradis © 2002 David Lee / Killer Films / Section Eight / USA Films / Focus Features / ARP Sélection
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Julianne Moore (*1960), présidente

Enfin, c’est à nouveau une femme qui présidera le jury de l’un des trois festivals de cinéma les plus prestigieux d’Europe ! En effet, il faudra remonter deux ans en arrière pour trouver la présidente précédente, l’actrice australienne Cate Blanchett, qui avait profité d’un court moment de répit entre deux confinements pour adouber Nomadland de Chloé Zhao au Festival de Venise en 2020. Depuis, seuls des hommes ont été invités à occuper ce type de poste : le réalisateur américain M. Night Shyamalan ainsi qu’un jury collégial d’anciens lauréats de l’Ours d’or à Berlin / l’acteur français Vincent Lindon et le réalisateur américain Spike Lee à Cannes. Or, c’est avant tout la carrière exemplaire de Julianne Moore qui la prédestinait tôt ou tard à accéder à la présidence d’un jury de festival majeur.

Depuis le début des années 1990, l’actrice américaine s’est bâtie une filmographie des plus impressionnantes. Après des débuts plutôt discrets dans des films commerciaux comme La Main sur le berceau de Curtis Hanson et Le Fugitif de Andrew Davis, elle s’était rapidement imposée comme l’une des actrices les plus prometteuses du cinéma américain indépendant. Ses collaborations avec Robert Altman (Short Cuts – Lion d’or au Festival de Venise en 1993), Louis Malle (Vanya 42ème rue) et Todd Haynes (Safe) sont là pour en témoigner.

Par la suite, elle avait fait des rencontres artistiques décisives entre autres avec Paul Thomas Anderson (Boogie Nights et Magnolia), les frères Coen (The Big Lebowski), Gus Van Sant (Psycho), Neil Jordan (La Fin d’une liaison), Todd Haynes (Loin du paradis, I’m not there et Le Musée des merveilles), Stephen Daldry (The Hours), Alfonso Cuaron (Les Fils de l’homme), Fernando Meirelles (Blindness), Tom Ford (A Single Man – Coupe Volpi du Meilleur acteur à Colin Firth au Festival de Venise en 2009), Lisa Cholodenko (Tout va bien The Kids are all right), David Cronenberg (Maps to the Stars), Richard Glatzer et Wash Westmoreland (Still Alice), Sebastian Lelio (Gloria Bell) et Julie Taymor (The Glorias).

Lauréate de l’Oscar de la Meilleure actrice en 2015 pour Still Alice, Julianne Moore a également accompli une sorte de grand chelem des prix d’interprétation des trois grands festivals européens. A titre individuel, elle avait gagné à Venise en 2002 pour Loin du paradis et à Cannes en 2014 pour Maps to the Stars. Et à titre plus collectif, elle avait reçu une Coupe Volpi spéciale à Venise en 1993 pour Short Cuts remise à l’ensemble des acteurs du film choral de Robert Altman, puis dix ans plus tard un Ours d’argent à Berlin aux côtés de Nicole Kidman et Meryl Streep pour The Hours.

Depuis la reprise continue de la compétition au Festival de Venise en 1980, Julianne Moore est la neuvième présidente du jury. Elle n’est que la deuxième actrice américaine à y être sélectionnée, après Annette Bening en 2017 dont le jury avait sollicité La Forme de l’eau de Guillermo Del Toro. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les comédiennes américaines ne sont guère plus présentes à la tête du jury des deux autres festivals principaux du vieux continent, puisqu’il n’y a eu que Olivia De Havilland en 1965 à Cannes et Joan Fontaine en 1982, Frances McDormand en 2004 et Meryl Streep en 2016 à Berlin.


Compétition officielle © 2021 Manolo Pavon / The MediaPro Studio / Wild Bunch Distribution Tous droits réservés

Mariano Cohn (*1975)

Depuis une dizaine d’années, le réalisateur argentin Mariano Cohn est un habitué des festivals du monde entier. Les films qu’il réalise en tandem avec son compatriote Gaston Duprat ont été présentés un peu partout, notamment dans les festivals spécialisés dans le cinéma latino-américain. Deux d’entre eux ont été en compétition au Festival de Venise : Citoyen d’honneur en 2016 – Coupe Volpi du Meilleur acteur à Oscar Martinez – et Compétition officielle l’année dernière.

Deux autres films des co-réalisateurs ont été distribués en France en 2011 : L’Artiste et L’Homme d’à côté.


Ariaferma © 2021 Tempesta / Amka Films Productions / Vision Distribution / Survivance Distribution Tous droits réservés

Leonardo Di Costanzo (*1958)

Cela n’a rien d’une règle officielle, mais chaque année, il faut quand même un représentant italien au jury du Festival de Venise. Histoire de défendre tant que possible les couleurs du cinéma national. A la fin du mois d’août, cette lourde responsabilité reviendra au réalisateur italien Leonardo Di Costanzo. Rien de plus facile pour ce cinéaste venu du documentaire, qui avait en fait déjà siégé au jury de la section parallèle Orizzonti en 2013. A l’époque, sous la présidence du réalisateur et scénariste américain Paul Schrader – Lion d’or honorifique cette année-ci –, c’est le film français Eastern Boys de Robin Campillo qui avait remporté le prix Orizzonti.

Quant aux films du réalisateur, c’est L’Intervallo qui avait à son tour été présenté dans la section parallèle l’année précédente. En 2013, il avait valu à Leonardo Di Costanzo le David di Donatello, l’équivalent transalpin des César français, du Meilleur Premier film. Son documentaire Un cas d’école avait d’ores et déjà été nommé neuf ans plus tôt dans la catégorie du Meilleur Documentaire. En 2017, L’Intrusa a été sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs au Festival de Cannes. Cependant, la cause principale de l’invitation du réalisateur à rejoindre le jury cette année est sans doute le succès de son dernier film Ariaferma. Avant de gagner les David du Meilleur acteur à Silvio Orlando et du Meilleur scénario original début mai, il avait été présenté hors compétition au dernier Festival de Venise. Sa sortie française est prévue au mois de novembre.



L’Événement © 2021 Rectangle Productions / SRAB Films / France 3 Cinéma / Wild Bunch Distribution Tous droits réservés

Audrey Diwan (*1980)

Son Lion d’or de l’année 2021 aura servi de ticket d’entrée au jury ’22 à la scénariste et réalisatrice française Audrey Diwan. Même si son sacre à Venise ne s’était guère répété ultérieurement – le César du Meilleur espoir féminin à Anamaria Vartolomei mis à part –, L’Événement aura au moins permis à sa réalisatrice de récidiver en Italie à la fin de l’été. Au sein du jury, elle défendra par conséquent les éventuels intérêts français ou en tout cas un point de vue féminin fâcheusement en minorité parmi les six membres.

Avant d’impressionner le jury de Bong Joon-ho, Audrey Diwan avait réalisé un premier long-métrage, Mais vous êtes fous avec Pio Marmaï et Céline Sallette, sorti en salles en France en avril 2019. Jusque-là, elle était principalement connue comme scénariste des films de Cédric Jimenez, depuis Aux yeux de tous en 2012 jusqu’à Bac Nord l’année dernière, en passant par La French et HhhH. Elle avait également participé à l’écriture de la comédie Ami-ami de Victor Saint Macary en 2017.


Tasavor © 2022 Celluloid Dreams Tous droits réservés

Leila Hatami (*1972)

Est-ce que les chemins de l’actrice iranienne Leila Hatami et de son pygmalion, le réalisateur Asghar Farhadi, se sont croisés au dernier Festival de Cannes ? Nous n’en savons rien, d’autant moins que si Farhadi était bien présent en tant que membre du jury de Vincent Lindon, la présentation de Tasavor de Ali Behrad, sélectionné à la Semaine de la Critique, s’était a priori faite en la seule présence de son réalisateur. Toujours est-il que sans le succès planétaire d’Une séparation – Ours d’or au Festival de Berlin en 2011, puis César et Oscar du Meilleur Film étranger l’année suivante –, la reconnaissance internationale de Leila Hatami se serait sans doute faite attendre.

Ce qui ne veut hélas nullement dire que l’actrice serait à présent une valeur sûre du cinéma iranien ou étranger. Depuis le coup d’éclat d’Une séparation, seuls deux de ses films ont trouvé leur chemin jusque sur les écrans des salles obscures françaises. D’abord fin 2017, en inédit, le film du milieu des années ’90 Leïla de Dariush Mehrjui. Puis, quelques mois après sa présentation en compétition au Festival de Berlin en 2018 Pig de Mani Haghighi.

En 2014, Leila Hatami avait fait partie du jury sous la présidence de la réalisatrice néo-zélandaise Jane Campion au Festival de Cannes. Le palmarès de cette 67ème édition avait récompensé entre autres Winter Sleep de Nuri Bilge Ceylan de la Palme d’or et une certaine Julianne Moore du prix d’interprétation féminine pour Maps to the Stars de David Cronenberg !


Les Vestiges du jour © 1993 Derrick Santini / Merchant Ivory Productions / Columbia Pictures /
Sony Pictures Releasing France Tous droits réservés

Kazuo Ishiguro (*1954)

Cela arrive parfois que des artistes ayant un lien détendu avec le cinéma se retrouvent inclus dans les jurys des principaux festivals européens. Par contre, c’est déjà beaucoup plus rare qu’on y rencontre des écrivains aussi prestigieux que le Japonais Kazuo Ishiguro. Le prix Nobel de littérature en 2017 n’a que très ponctuellement travaillé pour le cinéma. A noter que, en dépit de ses origines asiatiques, il a écrit les huit romans qui constituent jusqu’à présent son œuvre en langue anglaise.

La première adaptation cinématographique de ses écrits s’était faite en 1993 à travers le chef-d’œuvre de James Ivory Les Vestiges du jour avec Anthony Hopkins et Emma Thompson. Au début des années 2000, Kazuo Ishiguro avait rédigé deux scénarios originaux : The Saddest Music in the World de Guy Maddin et La Comtesse blanche, l’avant-dernier film de James Ivory, avec Natasha Richardson et Ralph Fiennes. Un autre de ses romans a été transposé au cinéma en 2010 par Mark Romanek, Auprès de moi toujours avec Carey Mulligan et Andrew Garfield.


As bestas © 2022 Lucia Faraig / Arcadia Motion Pictures / Caballo Films / Le Pacte Tous droits réservés

Rodrigo Sorogoyen (*1981)

Les spectateurs français ne devront pas attendre jusqu’à la fin de l’été pour avoir des nouvelles du réalisateur espagnol Rodrigo Sorogoyen. Car c’est dès cette semaine que son nouveau film As bestas, présenté au dernier Festival de Cannes dans la section Cannes Premières, sera distribué en salles. De quoi confirmer le talent de ce cinéaste, qui a fait forte impression avec ses trois longs-métrages antérieurs depuis cinq ans. En effet, l’intensité y était toujours au rendez-vous, peu importe qu’il s’agisse de Que dios nos perdone, El reino ou Madre.

Sélectionné au Festival de Venise dans la section Orizzonti avec Madre en 2019, Rodrigo Sorogoyen est surtout régulièrement nommé dans son pays natal aux Goyas. Ainsi, il en a déjà gagné trois, pour le Meilleur court-métrage de fiction avec Madre en 2018 et l’année suivante pour le Meilleur scénario original et la Meilleure réalisation grâce à El reino. Il avait obtenu sa septième nomination en 2020 pour le scénario adapté de Madre. L’Académie du cinéma américain l’avait de même nommé en 2019 à l’Oscar du Meilleur court-métrage en 2019 pour Madre.

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