Critique : Un peu beaucoup aveuglément

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Un peu beaucoup aveuglément

France, 2015
Titre original : –
Réalisateur : Clovis Cornillac
Scénario : Lilou Fogli, Clovis Cornillac et Tristan Schulmann
Acteurs : Clovis Cornillac, Mélanie Bernier, Lilou Fogli, Philippe Duquesne
Distribution : Paramount Pictures France
Durée : 1h32
Genre : Comédie romantique
Date de sortie : 6 mai 2015

Note : 3/5

Des films d’acteurs qui passent pour la première fois derrière la caméra, il y en a presque un par semaine ces temps-ci. Après les sorties des débuts de réalisateur de Ryan Gosling et de Russell Crowe au mois d’avril, voici la tentative initiale de Clovis Cornillac, un comédien qui ressemble décidément plus à l’équivalent français du bonhomme bougon Crowe qu’à celui de l’éternel jeune premier Gosling. Ces changements de casquette se soldent très rarement par de nouvelles vocations durables. Dans le cas présent, nous nous mettons toutefois à espérer que ce coup d’essai fort prometteur sera transformé en une belle et riche carrière de créateur de comédies légères et inspirées. Celles-ci sont hélas plutôt une denrée rare en France, où la vanne facile et fatiguée paraît rapporter plus, en termes commerciaux, qu’un humour un peu plus recherché.

Synopsis : Elle est une pianiste accomplie, qui cherche à voler pour la première fois de ses propres ailes, grâce à son déménagement dans un petit studio où elle espère pouvoir se préparer tranquillement à son prochain concours. Lui, un inventeur misanthrope de casse-tête, est son voisin de l’immeuble d’à côté, dont l’atelier n’est séparé que par une fine cloison de l’appartement de la musicienne timide. Ainsi, ni l’un, ni l’autre ne peut se consacrer à son travail, sans être dérangé par les bruits émanant de l’autre côté du mur. Elle propose un emploi du temps commun, en guise d’arrangement à l’amiable. Lui ne veut rien savoir et invente toutes les nuisances sonores imaginables pour retrouver son calme et faire fuir la nouvelle voisine. Contre toute attente, à la guéguerre suit une accalmie, qui aurait tout d’une histoire d’amour, si les voisins osaient se rencontrer au lieu de communiquer à travers le mur.

Un supplément d’âme

En dehors de la prémisse – deux individus solitaires qui restent séparés par un mur qu’ils n’osent pas abattre –, il n’y a rien de terriblement original dans Un peu beaucoup aveuglément. Et pourtant, il s’agit d’un film qui contourne tous les pièges du théâtre de boulevard avec une élégance et un charme proprement bluffants. L’assurance du ton compte en effet parmi les premières qualités de cette comédie entièrement divertissante. A travers les hauts et les bas d’une relation a priori incongrue, la réalisation de Clovis Cornillac y réussit à susciter chez nous un réel attachement à des personnages, qui auraient très facilement pu stagner au stade du cliché ambulant. Le couple au cœur de l’intrigue accède ainsi à un niveau brillant d’universalité bien plus poignant que la simple omission volontaire d’attribution de noms, autres que Machin et Machine. Leur aventure romantique plaide la cause des laissés-pour-compte, des moches, des tristes et des peureux, sans jamais avoir recours au moindre sarcasme ou à l’ironie condescendante. Les maladresses répétitives des personnages contribuent au contraire à leur conférer une aura franchement sympathique.

La subtilité du rot

Du sentiment de gêne constant par lequel se définissent principalement l’inventeur et la pianiste naît en fait une désinvolture hilare, qui emporte avec elle tout le film dans un tourbillon de malentendus savoureux. La glace est au plus tard brisée à la fin d’une soirée bien arrosée dans un bar au début du film, pendant laquelle le personnage féminin – entraîné là par sa sœur sensiblement plus libidineuse – ne se sent pas du tout dans son élément. Par chance, elle croit avoir trouvé un prétendant aussi mal à l’aise dans ce contexte hédoniste qu’elle, avec lequel elle s’apprête à partager son désarroi social, quand ses gaz d’estomac s’échappent à un moment particulièrement inopportun. Normalement, ce genre de chute bassement physique relèverait d’une vulgarité sans intérêt. Mais entre les mains étonnamment délicates de Clovis Cornillac, elle s’inscrit sans difficulté dans le cadre d’un hommage drôle et touchant aux hommes et aux femmes trop naïfs et innocents pour ce bas monde. A l’image d’autres moments forts de ce film dépourvu de fausses notes : ces deux repas hautement délicieux au cours desquels l’amour imaginé entre les voisins est confronté à une réalité moins complaisante, à savoir la tentation raisonnable de dévoiler coûte que coûte l’identité de l’amant mystérieux ou bien le regard de leurs compères d’une loyauté infaillible.

Conclusion

Nous ne nous sommes pas autant sentis gâtés par une comédie française depuis le début de l’année que par cette histoire très mignonne et de surcroît contée par un réalisateur d’ores et déjà avisé. Le jeu vif et naturel des comédiens – outre Cornillac, il y a également les irrésistibles Mélanie Bernier, Lilou Fogli et Philippe Duquesne – parfait alors le tour de force d’une comédie romantique sans la moindre mièvrerie, quoique capable de nous faire rêver du grand amour, qui attendrait juste de l’autre côté du mur des appartements parisiens entassés les uns sur les autres.

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