The Newsroom, saison 1, épisode 4

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On connaissait le principe des montagnes russes appliqué à la science pour défier la pesanteur ; on découvre aujourd’hui ses effets sur la série TV, et une certaine accentuation de la lourdeur. En haut, en bas, en haut, en bas, en bas… The Newsroom crée la déception chez le téléspectateur, une vague innarrêtable de critiques négatives chez les professionnels. Mais qui pèche alors ? Les attentes démesurées des uns ou le travail médiocre des autres ? Arrêtez le wagon, on se penche sur la question.


Routine ou source d’espoir, Sorkin renouvellera l’entièreté de son équipe de scénaristes (moins un) pour la prochaine saison de The Newsroom, déjà commandée par HBO. Un remède aussi efficace que l’amputation d’un bras pour un mal de jambe, selon plusieurs critiques américains, nombreux à espérer la démission du principal responsable.

Il faut dire que ce quatrième épisode – le dernier que les rédactions américaines aient reçu avant le lancement de la série – n’a pas aidé. The Newsroom continue de s’imposer en ersatz de Grey’s Anatomy, si pauvre qu’elle mettrait la série médicale en valeur.

Le schéma du pilote se répète et c’est au bout de cinquante minutes de bavardages puérils/insipides/mièvres/condescendants/etc. que le segment informatif sauve la mise.

Love 101

HBO marcherait-elle sur les plates-bandes de la CW ? Il ne fait plus aucun doute, maintenant, que la dernière série d’Aaron Sorkin met en scène la rédaction du journal officiel d’un lycée, fourmillant d’adolescents attardés aux préoccupations et réactions prépubères, se posant – éventuellement – quelques questions rhétoriques sur la manière de traiter l’information, sans jamais rencontrer d’obstacle plus important que l’ombre de la Principale les menaçants d’exclusion.

Ou, du moins, c’est l’honnête manière par laquelle The Newsroom aurait du être présentée.

N’est-ce pas la marque de fabrique des « teen shows » d’aujourd’hui, que de tirer sur la corde d’intrigues amoureuses, jouant des traits exacerbés de ses personnages (susceptibilité, maladresse, rancoeur, manque d’honnêteté envers les autres, envers soi-même, jalousie, franchise, intolérance, etc.) et d’éléments extérieurs invraisemblables (accidents, événements improbables, etc.) afin que rien ne s’arrange aussi vite que dans la réalité. Des « teen shows » qui peuvent bien être « fun » et appréciés, mais manquent cruellement d’ambition et de qualité, et peuvent aussi facilement sembler coupables de fénéantise.

Comment peut-on encore en être, dans une série a priori destinée aux « grandes personnes », au point où chaque protagoniste refuse l’évidence ? Et piétine à l’idée de dépasser ce qui ressemble en tout point à une crise d’adolescence tant ces longueurs – convenues au possible – passeraient loin au-dessus de la tête de n’importe quel adulte normalement constitué. Particulièrement du côté des femmes, des fillesMac et Maggie, condamnées à sortir avec le mauvais homme, à deux pas du bon ; nous imposant leurs amourettes désastreuses dans plus d’une scène sur deux. Sans que jamais l’originalité, l’humour ou l’émotion ne fasse surface, puisque – quiconque aura regardé la télévision entre 12 et 16 ans – aura connu ce genre d’intrigue et de développement.

Que de clichés, que d’ennui.

De justesse

Comme à l’occasion d’un Big Block of Cheese Day, la légende du Bigfoot assure le running-gag. Dans un élan purement Sorkinien de s’intéresser à ce dont on ne parle pas, Neil veut convaincre ses collègues de l’existence du primate. La blague en fera rire certains jusqu’à ce qu’elle forcera, par un coup du sort poussif, à réunir le staff au moment précis de l’attentat de Tucson dont la représentante Gabrielle Giffords sera victime, un samedi de congé. Facile.

Plus dérangeante encore, cette critique gratuite et sans fondements de la télé réalité comme divertissement. L’occasion d’observer que, contrairement à l’habitude qu’avait pris The West Wing de donner des arguments contraires pour laisser soin au téléspectateur de se forger son propre raisonnement, The Newsroom se contente d’ériger le point de vue de son présentateur vedette comme vérité absolue, sans contre-poids.

On appréciera seulement, pendant les 50 premières minutes de l’épisode, la croisade qu’entreprend la rédaction afin de réhabiliter certaines vérités de 2010, écrasées par des mensonges injustement et globalement médiatisés.

Puis la conclusion démarre. Sur un air de Coldplay, les journalistes se mettent au travail alors qu’ils doivent annoncer, en urgence, qu’une représentante du Congrès est entre la vie et la mort. D’un seul coup, surprenante, la tension monte et la dynamique fonctionne comme au premier jour. L’équipe de News Night se contente de téléphoner, d’avoir de la chance et de « l’instinct » pour réussir leur émission ; mais l’émotion est là. Dans le regard d’acteurs irréprochables d’abord, mais plus encore dans l’élan de solidarité familial qui envahit la rédaction comme elle envahissait le bureau ovale.

Et, pendant 10 minutes, la série marche.

L’ascension a repris, vous êtes en haut des montagnes russes, toujours dans le wagon, parce qu’on ne le quitte pas dans un moment pareil.