Test DVD : Un Fils du Sud

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Un Fils du Sud

États-Unis : 2020
Titre original : Son of the South
Réalisation : Barry Alexander Brown
Scénario : Barry Alexander Brown
Acteurs : Lucas Till, Lex Scott Davis, Lucy Hale
Éditeur : Blaq Out
Durée : 1h46
Genre : Biographie, Histoire
Date de sortie cinéma : 16 mars 2022
Date de sortie DVD : 23 août 2022

En 1961, Bob Zellner, petit-fils d’un membre du Ku Klux Klan originaire de Montgomery dans l’Alabama, est confronté au racisme endémique de sa propre culture. Influencé par la pensée du révérend Martin Luther King Jr. et de Rosa Parks, il défie sa famille et les normes sudistes pour se lancer dans le combat pour les droits civiques aux États-Unis…

Le film

[3,5/5]

Si sa carrière de réalisateur a commencé en 1979 avec le documentaire The War at home, Barry Alexander Brown s’est surtout fait connaître au fil des années dans le domaine du montage : il est en effet un collaborateur de longue date de Spike Lee, avec qui il a travaillé pendant une trentaine d’années, depuis Nola Darling n’en fait qu’à sa tête en 1986, jusqu’à BlacKkKlansman : J’ai infiltré le Ku Klux Klan en 2018. Le célèbre cinéaste New-yorkais lui rendrait d’ailleurs la politesse en assurant le poste de producteur exécutif sur le sixième long-métrage de Barry Alexander Brown, Un fils du Sud.

Produit et tourné dans le contexte du mouvement Black Lives Matter, Un fils du Sud s’intéresse à la trajectoire improbable de Bob Zellner (Lucas Till), petit-fils d’un membre du Ku Klux Klan ayant évolué vers la défense des droits civiques aux États-Unis, au début des années 1960. Le parallèle entre les deux mouvements est inévitable, et on retrouvera au cœur du mouvement Black Lives Matter le prolongement presque logique de celui des droits civiques, par son caractère multiracial et la jeunesse de ses militants. Black Lives Matter illustre en effet l’émergence d’une nouvelle génération, qui insiste sur des enjeux neufs, notamment dans la façon dont la problématique du racisme soulève aussi souvent des questions liées à la classe, au genre, à l’orientation sexuelle, à la nationalité…

Basé sur les mémoires de Bob Zellner, sorties en 2009 et à ce jour toujours inédites en France, Un fils du Sud s’impose comme biopic plutôt bien conçu et convaincant, nous proposant une reconstitution solide et sans angélisme de l’époque tout en trouvant un bon équilibre dramatique entre l’éveil moral de son personnage principal et ses relations parfois houleuses avec les leaders noirs du mouvement de défense des droits civiques. Le film de Barry Alexander Brown renverse également quelques idées préconçues, notamment sur la façon dont les événements ont été relatés par les livres d’Histoire : dans le film, Rosa Parks (Sharonne Lanier) explique ainsi qu’elle n’a pas refusé de se lever dans le bus simplement parce qu’elle était « fatiguée » de sa journée de travail, mais que son geste était celui d’une militante chevronnée prenant part à une stratégie collective d’attaque frontale contre la ségrégation raciale. Elle n’est ainsi pas l’héroïne « accidentelle » que son mythe pourrait suggérer : « Il y a des moments », dit-elle à Bob, « où il faut faire des calculs pragmatiques tout en gardant un œil sur le prix à payer. »

Un fils du Sud remet donc un certain nombre de points sur les « i » concernant le mouvement pour les droits civiques et son héritage. De nos jours, bien entendu, le mouvement est considéré comme l’un des grands moments de l’histoire nationale des États-Unis, quelles que soient les sensibilités politiques, à droite comme à gauche. Pour autant, on tendrait avec le recul à présenter le mouvement pour les droits civiques comme un moment extraordinaire d’union nationale – le film nous montre au contraire à quel point il fut l’objet d’une division profonde au sein du peuple américain. Dès ses premières minutes, Un fils du Sud montre ainsi bien à quel point il pouvait être dangereux pour un blanc du Sud d’être considéré comme un « traître à la race » à l’époque de la ségrégation, et cette menace nimbera finalement tout le film d’une aura trouble, où la violence peut finalement exploser à chaque coin de rue. Cette violence larvée se retrouve même au cœur de la propre famille de Zellner, puisque le grand-père du héros, incarné par le regretté Brian Dennehy, voit d’un très mauvais œil que son petit-fils « fricote avec des nègres » : la scène dans laquelle son personnage avertit froidement Bob que s’il le voit dans une manifestation pour les droits civiques, il le tuera lui-même d’une balle dans la tête, est littéralement glaçante.

Grâce à ses longues années d’expérience dans le montage, il n’y a rien d’étonnant à ce que Barry Alexander Brown, qui tient ici à la fois les casquettes de co-scénariste et de réalisateur, soit si habile à entrelacer de manière fluide et convaincante les images d’archives avec son récit au cœur d’Un fils du Sud, qui s’avère parfaitement rythmé et ne présente pas la moindre petite longueur. On saluera également la façon vivante et réaliste dont il évoque le Sud profond des années 60. Bien sûr, on imagine bien que la vie de Bob Zellner a été pour l’occasion quelque peu romancée, mais on suppose que la découverte d’Un fils du Sud pourra probablement inciter une poignée de cinéphiles à entamer quelques recherches sur les événements décrits dans film, par exemple en se plongeant dans le passionnant documentaire Freedom Riders (Stanley Nelson Jr, 2010).

Le DVD

[4/5]

Le DVD d’Un fils du Sud édité par Blaq Out permettra aux curieux de découvrir le film de Barry Alexander Brown dans des conditions optimales. La carrière du film en salles ne permettra malheureusement pas au film de sortir au format Blu-ray ; c’est très dommage, car le film et la photo de John Rosario l’auraient bien mérité. Côté galette cependant, la compression est solide, la définition et le piqué sont d’une belle précision, et les couleurs sont très correctes. L’éditeur est rodé au format DVD, et compose parfaitement avec ses limites, et nous propose une nouvelle fois un master sans faille. Côté son, VF et VO nous sont proposées en Dolby Digital 5.1, et dans les deux cas, bénéficient d’un mixage plutôt dynamique et bien spatialisé – les surrounds sont parfois surprenants, l’immersion au cœur du film est parfaite : du très beau travail. Un mixage Dolby Digital 2.0 est également disponible dans les deux langues, et s’avérera sans doute plus cohérent si vous visionnez Un Fils du Sud sans barre de son ou système de Home Cinema.

Du côté des suppléments, on trouvera un intéressant entretien avec le réalisateur Barry Alexander Brown (15 minutes), qui reviendra brièvement sur son parcours dans le cinéma avant d’aborder le film à proprement parler : son admiration pour Bob Zellner, sa volonté de recréer le Sud de son enfance, etc.

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