Test Blu-ray : Scalps

0
2964

Scalps

Italie, Espagne : 1987
Titre original : –
Réalisation : Bruno Mattei, Claudio Fragasso
Scénario : Roberto Di Girolamo, Bruno Mattei, José María Cunillés
Acteurs : Vassili Karis, Mapi Galán, Charly Bravo
Éditeur : Le chat qui fume
Durée : 1h42
Genre : Western
Date de sortie cinéma : 14 octobre 1987
Date de sortie Blu-ray : 15 avril 2021

1865 – La résistance des Confédérés s’est effondrée avec la reddition du général Lee. Cependant, le colonel Connor refuse de capituler et ordonne le massacre d’une tribu apache afin de kidnapper Yarin, la fille du chef indien, qu’il convoite. Mais celle-ci, malgré ses blessures, parvient à s’échapper et trouve refuge dans la ferme de Matt Brown, un ex-soldat inconsolable depuis la mort de sa bien-aimée. Le fermier soigne l’Indienne et promet de l’aider dans sa quête de vengeance. Après un assaut des hommes de Connor, Brown et Yarin fuient dans le désert. Commence alors une longue traque…

Le film

[4/5]

Bruno Mattei et Claudio Fragasso sont surtout connus pour le film Virus cannibale, qui a eu vite fait de cataloguer le duo comme les faiseurs de nanars les plus décomplexés et les plus WTF de tout le cinéma Bis. Grâce à une sélection de trois films judicieusement sélectionnés, Le chat qui fume permet au cinéphile de rompre avec cette idée reçue. Après Novices libertines et en attendant Bianco Apache – dont le test sera en ligne d’ici quelques jours – on s’attaque donc aujourd’hui à Scalps.

Scalps est un western spaghetti sorti sur les écrans français à l’automne 1987. A l’époque, le western italien a rendu les armes depuis très longtemps – cela fait au bas mot cinq à six ans que plus aucun représentant du genre ne s’est plus aventuré dans les salles en France : Mannaja, l’homme à la hache est sorti en 1980, On m’appelle Malabar au printemps 1981. Mais Bruno Mattei et Claudio Fragasso sont des adeptes du décalage : on se souvient qu’ils avaient mis en boite une poignée de péplums au début des années 80 (Caligula et Messaline en 1981, Les sept gladiateurs en 1983), et que même Novices libertines était arrivé un peu tard par rapport au gros « boom » de la nunsploitation, qui datait de cinq à six ans avant sa réalisation.

Avec Scalps, c’est donc quasiment une résurrection du genre qu’ils entreprennent, et on ne pourra que saluer l’entêtement des deux gaillards, qui ont de la suite dans les idées et le prouvent en réalisant coup sur coup – ou peut-être en même temps – deux westerns – Scalps et Bianco Apache donc. Ce décalage dans le temps permet également à Bruno Mattei et Claudio Fragasso d’aborder le genre avec un œil « neuf », plus moderne. Ainsi, s’ils abordent le genre avec déférence, respectant par exemple ses aspects baroques, son penchant pour la caricature et sa violence beaucoup accentuée que dans le western américain, ils mettent de côté l’aspect plus politisé que le spagh’ pouvait occasionnellement revêtir.

Il n’est point question non plus d’aborder le genre sous l’angle de la comédie ou du pastiche, comme l’avaient fait Bud Spencer et Terence Hill quelques années auparavant. Scalps conserve en effet tout au long de son intrigue une tonalité très sérieuse et dramatique. Pour autant, Mattei et Fragasso restent des adeptes du mélange des genres, et le film ira occasionnellement du côté de l’horreur graphique : la dernière partie du film enchaine ainsi les « scalps » bien gore. Impossible également de ne pas citer cette scène assez gratinée mettant en scène le héros trainé au sol par un cheval – un grand classique du western, sauf que chez Mattei, ce dernier est attaché au cheval par des hameçons fixés à ses tétons !

On retrouve également la modernité de Scalps dans ses dialogues, volontiers vulgaires, et rompant avec le langage habituellement utilisé par les cowboys ritals du western spaghetti. Le film s’ouvre d’ailleurs sur un monologue du colonel Connor (Alberto Farnese), motivant ses troupes par des mots pour le moins grossiers :

« Soldats ! Certaines gens nous considèrent comme des déserteurs ; certains vont même jusqu’à dire que nous sommes des bandits, des bouchers… Quant à ces salauds de Yankees, ces fils de putes ! Ces enculés de première s’imaginent être les Phénix de ce pays parce qu’ils ont gagné la guerre ! Ils pensent que nous sommes foutus. Que nous ayons perdu le Sud, que la confédération soit ruinée, passe encore. Mais nous avons encore des couilles au cul ! Regardez-vous : avez-vous l’impression d’être morts ? Je vous vois pourtant boire, bouffer et baiser, c’est pas le propre des cadavres ! Vous êtes encore capables de bousiller ces grandes gueules, pour votre pays ! J’vais vous dire une bonne chose, les gars : les Yankees n’ont pas fini de danser, mais pour ça… Faut croire en son colonel, qui défendra votre honneur jusqu’au bout ! Vous et moi devrons poireauter encore quelques années dans ce trou de merde, mais qu’est-ce que ça peut foutre ? La victoire n’en sera que plus grande ! »

Une autre particularité de Scalps est son recours à une certaine imagerie « Heroic Fantasy ». Cette dernière se remarquera d’entrée de jeu via l’affiche du film, qui fut reprise sur la jaquette de l’édition VHS de chez René Chateau ainsi que, aujourd’hui, sur le Blu-ray édité par Le chat qui fume. On y découvrait le personnage de Yarin, incarné par Mapi Galán, dans une pose iconique « à la Frank Frazetta », qui ne permettait finalement qu’assez peu de deviner que le film de Bruno Mattei et Claudio Fragasso était un western. D’ailleurs, l’influence de films tels que Conan le barbare (John Milius, 1980) et surtout Kalidor : La légende du talisman (Richard Fleischer, 1985) se fera largement sentir dans le dernier tiers de Scalps, avec son héroïne se transformant en super guerrière, scalpant les soldats renégats ou les dessoudant à l’arc.

Et le western, dans tout ça, me demanderez-vous ? Hé bien, le moins que l’on puisse dire, c’est que le pari du Chat qui fume de nous faire changer d’idée sur Bruno Mattei et Claudio Fragasso est tout à fait réussi, car ce Scalps est un putain de bon petit western, violent, cruel, rythmé comme une bande dessinée. Les décors naturels sont assez grandioses, et le spectateur ne déplorera à aucun moment un éventuel côté « cheap ». La mise en scène tient parfaitement bien la route, et les acteurs sont bons. On notera un petit bémol cela dit pour le héros, incarné par Vassili Karis, qui manque un peu du charisme animal qui lui aurait été nécessaire pour tenir réellement la distance face à Mapi Galán, qui le bouffe littéralement à l’écran.

Du côté du scénario, il s’agit d’un film de vengeance somme toute assez classique, évoquant en partie Les collines de la terreur de Michael Winner, avec une femme indienne remplaçant Charles Bronson, et s’avérant tout aussi silencieuse et impitoyable que son modèle. Si le récit tourne essentiellement autour d’une vengeance personnelle, Scalps développe également en filigrane un sympathique petit discours pro-indien qui sera d’ailleurs élargi dans sa dernière partie en un discours plus largement « humaniste », prônant la paix dans le monde et l’amour de son prochain. Une morale dont la tonalité est à l’image du film tout entier : naïf et premier degré. Ce qui, dans le domaine du western, est plutôt un beau compliment !

Le Blu-ray

[5/5]

Comme on l’a déjà indiqué un peu plus haut, Scalps fait partie d’une vague de trois films de Buno Mattei à voir le jour en Blu-ray ce mois-ci : vous avez à coup sûr déjà lu notre test de Novices libertines, mais surveillez les colonnes de critique-film.fr pour découvrir d’ici quelques jours la critique et le test de Bianco Apache, un autre western mis en boite en 1987 par Bruno Mattei et Claudio Fragasso. Comme d’habitude avec Le chat qui fume, ce Blu-ray de Scalps s’offrira la forme d’un élégant Digipack trois volets, dont la conception graphique est à nouveau signée par le talentueux Frédéric Domont. L’ensemble est surmonté d’un joli fourreau cartonné aux couleurs du film, et il s’agit d’une édition limitée à 1000 exemplaires.

Côté Blu-ray, l’éditeur français nous propose de découvrir ou redécouvrir ce western méconnu qu’est Scalps dans un master Haute-Définition assez resplendissant, affichant une définition et un niveau de détail bluffant, tout en respectant scrupuleusement la fine granulation d’origine de la pellicule, qui donne un vrai cachet à la plupart des images du film. L’image étonne même plutôt globalement par sa propreté et sa stabilité. Le rendu des couleurs et des contrastes semble avoir également bénéficié d’un soin tout particulier, et on redécouvre littéralement le film de Bruno Mattei et Claudio Fragasso. Du côté des pistes audio, le film sera proposé en DTS-HD Master Audio 2.0 en VO et en VF d’origine. Les deux pistes sont claires et ouvertes, les dialogues se détachent bien des bruits d’ambiance et de la musique, bref, c’est du beau travail, net et sans bavure.

Ce quasi sans faute technique qui nous incite – à nouveau – à applaudir Le chat qui fume, autant pour le tour de force technique que pour le choix éditorial relativement gonflé ; en effet, il fallait avoir une sacrée paire de balloches pour assumer de sortir en Blu-ray trois films de Bruno Mattei, assez souvent considéré comme le dernier des tâcherons.

Du côté des suppléments, outre la traditionnelle bande-annonce, on se ruera littéralement sur la deuxième partie d’un long entretien-carrière avec Claudio Fragasso (41 minutes), qui couvrira ici une période allant de 1983 à 1990. La première partie de ce passionnant entretien-fleuve est disponible sur le Blu-ray de Novices libertines. Le gros morceau de cet entretien – du moins celui que les amateurs attendaient le plus ! – est bien sûr l’évocation par le scénariste / réalisateur du tournage des Rats de Manhattan. Mais Claudio Fragasso évoquera également d’autres films, tournés en solo (le fameux Monster dog avec Alice Cooper, l’inénarrable Troll 2) ou en duo avec Bruno Mattei. Il reviendra donc également sur Les sept gladiateurs (le cinéaste garde un mauvais souvenir de son expérience aux côtés de Lou Ferrigno) et, bien entendu, sur Scalps et Bianco Apache, dont il garde visiblement un excellent souvenir. Zombi 3, Zombi 4 ou encore Au-delà des ténèbres seront également évoqués. Peu connu en France, Au-delà des ténèbres est pourtant, selon Claudio Fragasso, son film ayant le mieux marché en Italie. Le film est intitulé La Casa 5 : Beyond darkness ; il fait suite à La Casa 4, alias Démoniaque présence, réalisé par Fabrizio Laurenti. Pour les amateurs et ceux qui voudraient remonter aux origines de cette saga, La Casa 3, signé Umberto Lenzi, avait été distribué chez nous sous le titre La maison du cauchemar. Quant à La Casa et La Casa 2, il s’agit en fait des titres italiens de Evil Dead et Evil Dead II de Sam Raimi. On peut donc affirmer que Claudio Fragasso a réalisé un épisode de la saga Evil Dead

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici