Test Blu-ray : Virus cannibale

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Virus cannibale

Italie, Espagne : 1980
Titre original : Virus
Réalisation : Bruno Mattei
Scénario : Claudio Fragasso, José María Cunillés
Acteurs : Margit Evelyn Newton, Franco Garofalo, Selan Karay
Éditeur : Rimini Éditions
Durée : 1h39
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 10 novembre 1982
Date de sortie DVD/BR : 12 décembre 2020

Nouvelle-Guinée. Un accident à l’intérieur de ce qui ressemble à une centrale nucléaire, transforme les employés et les habitants de la région en monstres cannibales. Contaminés par un virus fabriqué en laboratoire dans le but de régler le problème de surpopulation de la planète, les morts-vivants se jettent sur les soldats du commando d’élite envoyé par le gouvernement. Rapidement, la situation devient incontrôlable et l’horrible contagion se répand dangereusement…

Le film

[3,5/5]

« Bande de salauds ! On n’a pas le droit de tuer les autres… Et c’est pour ça que j’vous tuerai ! »

Quasi-unanimement considéré comme l’un des plus mauvais réalisateurs de l’histoire du cinéma, Bruno Mattei fait partie du club très fermé de ces losers flamboyants, de ces esthètes incompris, de ces artisans du nanar dont il semble être de bon ton de se gausser sous cape. A l’image de l’œuvre d’Ed Wood Jr. ou d’Uwe Boll, le cinéma de Bruno Mattei semble certes repousser les limites de l’amateurisme. Cependant, il semble également bien que leurs films soient le fruit d’une vraie sincérité, d’artisans qui littéralement mettaient leur cœur et leurs tripes sur la table afin de livrer au public l’ébauche foutraque de leur vision artistique.

Aurait-on l’idée d’aller reprocher aux nombreux artistes évoluant dans l’Art primitif, l’Art naïf ou l’Art brut de ne pas se conformer aux codes du Quattrocento, ou de ne pas faire du Pop Art ? On vous aide – la réponse est non. Le fait de comparer l’incomparable – à savoir le cinéma de George A. Romero et celui de Bruno Mattei – n’a aucun sens, même si bien sûr, Virus cannibale est évidemment un dérivé de Zombie, dans le sens où c’est le succès international du film de Romero qui a lancé la production de toute une série de films d’exploitation italiens ayant pour thème les zombies.

« Qui sont ces gens ? Ils marchent comme des ivrognes ! »

Virus cannibale n’en est pas pour autant comparable avec le cinéma de Romero, non. Il s’agit au contraire d’un film dénué de budget, évoluant comme un fourre-tout, décousu au possible, sautant du coq à l’âne en direction d’un grand n’importe quoi généralisé qui ne tardera pas à arriver. Pour faire illusion, et puisque le film est censé prendre place en Nouvelle-Guinée, Mattei utilisera de nombreux « stock-shots » tirés d’autres films et/ou de documentaires animaliers. Ainsi, le fait de voir rouler nos héros sur un sentier de jungle, et voir leurs propos entrecoupés d’images de toucans, d’une gerboise, de singes ou encore d’indigènes traversant une rivière, a clairement quelque-chose de surréaliste, de poétique, comme si Mattei pratiquait le cinéma par petites touches impressionnistes, ne voulant rien dire prises individuellement, mais s’intégrant dans un « tout », une « impression » générale.

Ce qui compte, c’est le tout, alors pourquoi ne pas proposer quelques digressions, en direction du film de cannibales par exemple ? Pour ce faire, et si l’on en croit le site de référence IMDb, Mattei serait allé se servir d’images documentaires ou semi-documentaires tirées des films La vallée (Barbet Schroeder, 1972) et Nouvelle Guinée : L’île des cannibales (Akira Ide, 1974). Il y ajoutera bien sûr sa petite touche personnelle, avec une séquence hilarante durant laquelle la journaliste prendra la décision de se désaper et de se peinturlurer le corps afin de faire couleur locale et d’être acceptée parmi les indigènes.

« I’m singing in the rain »

Côté digressions venues de l’espace, on ne peut également s’empêcher de penser à cet hommage tordu à Orange mécanique durant lequel un militaire enfile un tutu et un chapeau claque avant d’aller dézinguer des zombies en chantant « Singing in the rain ». Pareil pour la séquence du chat sortant du ventre de la mémé zombie. Pour autant, et malgré les outrances de ses acteurs ou de certaines séquences, Bruno Mattei semble vouloir maintenir Virus cannibale sur les rails d’un premier degré forcené, maintenant son cap sans la plus petite ironie, avec la détermination jusqu’au-boutiste d’un kamikaze.

Bruno Mattei est donc un poète de l’image, mais évoluant le couteau entre les dents, et Virus cannibale est sans doute un de ses plus grands gestes artistiques. Ne disposant pas de budget pour se payer un compositeur, il décide également d’utiliser des musiques pré-existantes, et s’en ira piocher dans les bandes originales de plusieurs films, dont Zombie, Blue holocaust et Contamination – toutes signées par les Goblin entre 1978 et 1980. Mais la grande force de Mattei est sans doute de ne jamais se démonter, d’assumer tout, jusqu’au bout.

« Avec tes histoires à la con, tu m’donnes envie de pisser ! »

Ainsi, au final, on ne pourra que rendre les armes devant Virus cannibale qui, s’il est incontestablement un « mauvais » film en termes de jeu, de direction d’acteurs, de mise en scène et même plus largement de grammaire cinématographique, provoquera tout de même chez le spectateur un vrai plaisir immédiat : celui du rire et de la franche rigolade. Car à ce niveau-là, Virus cannibale s’impose vraiment comme un concentré de plaisir brut. Ce qui lui ouvre finalement les portes d’une pérennité inespérée !

Le Blu-ray

[4/5]

On ne peut que saluer bien bas l’initiative inattendue et courageuse ainsi que l’effort éditorial de Rimini Editions, qui nous permet d’enfin revoir Virus cannibale dans des conditions de visionnage que l’on pourra sans trop de peine qualifier d’optimales vu son âge. Si le master n’est peut-être pas de première jeunesse, le piqué est précis et les couleurs sont vives et naturelles. Côté son, les deux mixages (VF / VO) sont proposés en DTS-HD Master Audio 2.0, et affichent une clarté et une propreté remarquables, préservant une belle homogénéité entre ambiances et dialogues. On notera bien sûr que la VF ajoute encore au côté surréaliste et outrancier du film de Bruno Mattei : on ne saurait donc trop vous conseiller de le visionner en français…

Côté suppléments, Rimini Editions nous propose un riche entretien avec Christophe Lemaire (28 minutes), présenté sur la jaquette comme un « journaliste cinéma et cannibalophile ». Membre fondateur de la revue Starfix, collaborateur régulier à Ciné-News et Mad Movies, Christophe Lemaire a, au fil de sa carrière, toujours défendu le cinéma populaire et le « nanar », défendant par exemple régulièrement le cinéma de Philippe Clair. De fait, les éditeurs vidéo ont souvent fait appel à lui quand il s’agissait de défendre des œuvres populaires tirant vers le nanar des familles. Il a donc défendu la série de « comédies polissonnes italiennes » distribuées par Bac Vidéo il y a quelques années, s’est essayé à défendre Halloween 4 – Le retour de Michael Myers pour ESC Editions, et aujourd’hui, prend la défense de Bruno Mattei pour Rimini. Son intervention est à la fois drôle et instructive. Il y multiplie par ailleurs les anecdotes liées au film et à sa carrière : de sa découverte du film avec une partie de l’équipe de Starfix – qui vaudra à Virus cannibale de devenir un running-gag dans les pages de la revue – à la conférence de presse d’Assassin(s) lors du festival de Cannes en 1997, lors de laquelle il demanda à Matthieu Kassovitz si son film n’était pas un hommage à Bruno Mattei. Très complet et amusant !

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