Test Blu-ray : Roubaix, une lumière

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Roubaix, une lumière

 
France : 2019
Titre original : –
Réalisation : Arnaud Desplechin
Scénario : Arnaud Desplechin, Léa Mysius
Acteurs : Roschdy Zem, Léa Seydoux, Sara Forestier
Éditeur : Le Pacte
Durée : 1h59
Genre : Policier
Date de sortie cinéma : 21 août 2019
Date de sortie DVD/BR : 3 janvier 2020

 

À Roubaix, un soir de Noël, Daoud le chef de la police locale et Louis, fraîchement diplômé, font face au meurtre d’une vieille femme. Les voisines de la victime, deux jeunes femmes, Claude et Marie, sont arrêtées. Elles sont toxicomanes, alcooliques, amantes…

 


 

Le film

[3,5/5]

Avant le film d’Arnaud Desplechin présenté à Cannes en 2019, il y a eu Roubaix, commissariat central : affaires courantes, un documentaire réalisé par Mosco Boucault et diffusé en 2008 sur France 3. A partir d’une sordide histoire de crime crapuleux (et de quelques autres délits), le cinéaste proposait au spectateur de découvrir le reflet d’une réalité sociale aussi noire que profondément humaine, qu’on le prenne du point de vue des policiers ou des criminels. Un documentaire « choc » à la Raymond Depardon, nous permettant de découvrir que même les actes les plus innommables sont parfois commis par des humains finalement pas si éloignés de vous et moi. Profondément marqué par le film de Mosco Boucault, Arnaud Desplechin prend le parti du naturalisme le plus extrême avec Roubaix, une lumière, qui lui permettra d’en livrer une variation sur le même thème.

Mais comment faire plus réel que le réel lui-même ? Si bien sûr on pourra toujours arguer que la présence d’une caméra, même dans le cas du film de Boucault, tend toujours à livrer une version « biaisée » de la réalité, on avait quand même ici le cas d’un documentaire profondément marquant, qui se suffisait à lui-même. C’est d’autant plus flagrant que Desplechin, d’avantage habitué à parler dans son œuvre de ce qu’il connait – déboires sentimentaux et autres affres de l’amour – semble ne pas forcément être des plus familiers avec le polar, ni même tout simplement avec la police, ou même avec la vie à Roubaix, même si le cinéaste y a vécu durant sa jeunesse. Aussi, si Desplechin recherche à tout prix la sécheresse naturaliste du documentaire, il s’en écarte cependant parfois sans s’en rendre compte. Mais de nombreuses erreurs de langage, approximations et autres détails peu crédibles ne cesseront finalement de « sortir » le spectateur du film. Les accents forcés. Les fonctionnaires de police en mode bobo chic, toujours tirés à quatre épingles et impeccablement rasés, se ressourçant en écoutant de la musique un cognac à la main dans le salon du « Grand Hôtel » Mercure de Roubaix. Les flics qui se présentent en annonçant « Police de Roubaix », comme s’ils appartenaient au N.Y.P.D ou au L.A.P.D. Des policiers au langage soutenu, articulant bien toutes leurs syllabes et écrivant de la poésie en prose le soir dans leur chambre d’hôtel. Et un commissaire philosophe qui non seulement connait tout le monde, mais couvre également toutes les enquêtes en cours, avant de les résoudre sans même ouvrir un dossier. Et qui visite tous les accusés en garde à vue en leur proposant une psychanalyse gratuite, le tout avec un calme imperturbable.

Mais à côté de tout cela, il y a aussi de très bonnes choses dans Roubaix, une lumière : une vision de Roubaix que certains trouveront misérabiliste, mais qui reflète bien une certaine réalité de la ville. L’idée de déterminisme social, plombante mais profondément réaliste elle aussi, qui plane au-dessus du récit. Une poignée d’acteurs excellents, qui compense largement les amateurs manquant de naturel ou ceux qui sont, à la manière d’Antoine Reinartz, complètement à côté de la plaque. Une volonté de retranscrire avec application les méthodes policières, notamment en termes d’interrogatoires, quitte à donner une impression de répétition. La belle photo d’Irina Lubtchansky, et la musique de Grégoire Hetzel. Le rythme bien tenu, sachant maintenir l’intérêt du spectateur en éveil jusqu’au dernier acte.

Roubaix, une lumière est donc à la croisée des chemins entre naturalisme et fantasme. Il s’agit probablement d’une œuvre importante dans la carrière d’Arnaud Desplechin, qui diversifie un peu son cinéma, mais y reste sans doute encore trop attaché par certains aspects. Une semi-réussite donc, qui pourra néanmoins constituer un tremplin pour la découverte du documentaire de Mosco Boucault. Notre rédacteur en chef Pascal Le Duff partage avec nous cet enthousiasme en demi-teinte. Vous trouverez ci-dessous un extrait de sa critique, écrite au moment de la sortie du film dans les salles françaises.

 

 

Pour sa sixième participation à la course à la Palme d’or à Cannes (un record chez les auteurs français), Arnaud Desplechin signe avec Roubaix, une lumière, son film le plus naturaliste, librement inspiré de faits réels…

Plusieurs faits divers sont abordés avant que l’un ne prenne le devant : l’assassinat de la vieille dame dans son appartement, pour un bien maigre larcin. Deux suspectes se détachent rapidement, Claude et Marie, deux marginales vivant dans la même cour que la défunte. Après avoir orienté les policiers vers des délinquants des quartiers, elles s’avèrent plus impliquées que ce qu’elles laissaient paraître. L’humanisme de Daoud, qui transparaît malgré son côté opaque, et une forme de sagesse détachée lui permettent de soutirer la vérité sordide en douceur. Il garde son calme en toutes circonstances, fait preuve de compassion lors des dépositions, invitant ceux dont il capte la parole à soulager leur conscience en leur faisant comprendre qu’ils n’ont guère d’échappatoires.

Roschdy Zem donne une belle épaisseur à cet homme discret qui comprend comme nul autre la complexité de l’âme humaine et sait démêler le vrai du faux. Son subordonné, joué par Antoine Reinartz (César du second rôle pour 120 battements par minute), est plus impétueux. Hanté par un lourd passé familial et son éducation religieuse, il est mal à l’aise d’être le témoin d’une lutte âpre entre le bien et le mal dans cette cité ouvrière en crise.

 

 

Un duo féminin peu crédible

Malgré la qualité de leur interprétation, Léa Seydoux et Sara Forestier sont peu crédibles en femmes de condition modeste vivant en couple. Elles détonnent par rapport aux seconds rôles plus amateurs mais dont les personnages sont plus légitimes. La scène de reconstitution, assez forte, suit leur interrogatoire qui s’éternise sans surprendre vraiment.

Arnaud Desplechin capte de grands moments de désespoir dans la plus pauvre des grandes villes françaises, qui l’a vu naître et grandir, saisie dans sa réalité la plus misérable. Il en a souvent fait le cadre de ses films semi-autobiographiques dont il délaisse la force romanesque pour une démarche plus documentaire, à la manière de Bertrand Tavernier avec L.627 ou de Maïwenn avec Polisse. Les crimes et délits cités, plus ou moins dérisoires, sont tirés de faits réels évoqués dans un documentaire qui l’a marqué.

Un film noir intelligent et bienveillant sur des marginaux qui ont dérapé, une œuvre noble qui manque hélas d’un peu de souffle cinématographique pour convaincre pleinement.

 

 

Le Blu-ray

[4/5]

Après avoir réuni 377.000 français dans les salles, Roubaix, une lumière débarque en Blu-ray sous les couleurs du Pacte : l’occasion idéale pour ceux qui l’auraient loupé en salles de découvrir le dernier Desplechin dans la chaleur douillette de son foyer. Rodé au format Haute Définition, Le Pacte nous offre ici un transfert de toute beauté : le piqué est d’une remarquable précision, les couleurs sont naturelles et impeccablement saturées (le bleu des yeux du duo Léa Seydoux / Sara Forestier renforce encore leur profonde humanité), et la définition ne présente pas le moindre problème. Le film est encodé en 1080p, tout juste regrettera-t-on un effet de « banding » horizontal, surtout visible si vous visionnez le film sur une dalle ou téléviseur de 120 à 150 centimètres de diagonale. Ce défaut sera en revanche complètement invisible en vidéoprojection sur un écran de grande taille. Côté son, l’éditeur nous propose un mixage DTS-HD Master Audio 5.1 dynamique et parfaitement immersif, même si la plupart des effets sont « atmosphériques » et peu spectaculaires. On notera également que Le Pacte n’oublie pas les cinéphiles qui visionnent leurs films à domicile sans utiliser de Home Cinema, puisque l’éditeur nous propose également un mixage DTS-HD Master Audio 2.0 plus cohérent si vous visionnez Roubaix, une lumière sur un « simple » téléviseur.

Côté suppléments, on trouvera outre la traditionnelle bande-annonce du film, une courte scène coupée (2 minutes) qui s’accompagnera d’un entretien avec Arnaud Desplechin (48 minutes) mené par Jean Christophe Ferrari, historien du cinéma et rédacteur en chef « Cinéma » de la revue Transfuge. Il commencera par aborder la question de « l’enfance » au cœur du film, qu’il avait loupé à la première vision, probablement parce qu’il s’était endormi si l’on considère avec quelle insistance proche du ridicule Desplechin l’amène sur le tapis en fin de métrage, par le biais de deux entretiens consécutifs avec les accusées. Il bifurquera ensuite sur différentes thématiques et s’éloignera de Roubaix, une lumière pour élargira à toute l’œuvre de Desplechin. Complet et intéressant.

 

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