Test Blu-ray : Nue pour l’assassin

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Nue pour l’assassin

Italie : 1975
Titre original : Nude per l’assassino
Réalisation : Andrea Bianchi
Scénario : Massimo Felisatti
Acteurs : Edwige Fenech, Nino Castelnuovo, Femi Benussi
Éditeur : Le Chat qui fume
Durée : 1h38
Genre : Thriller, Giallo
Date de sortie Blu-ray : 1 août 2022

À Milan, au milieu des années 1970, un mystérieux tueur, vêtu d’une combinaison noire, le visage dissimulé sous un casque de moto, s’est mis en tête d’occire le personnel du Studio Albatros, une agence de mannequins. Deux photographes, Magda Cortis et Carlo Gunter, mènent l’enquête, ignorant que cette vague de meurtres sauvages est liée à la mort récente d’une jeune femme, suite à un avortement clandestin…

Le film

[3,5/5]

La sortie en Blu-ray de Nue pour l’assassin sous les couleurs du Chat qui fume constitue un double-événement. Premièrement, il s’agit de la première édition Haute-Définition du film d’Andrea Bianchi ; comme dans le cas de Mais… Qu’avez-vous fait à Solange ? dont on vous a longuement parlé il y a quelques jours (lire notre article), il s’agit d’un Giallo très connu dans l’hexagone, non pas réellement en raison de ses qualités, mais tout simplement parce qu’il a fait partie des films de la collection « Giallo » de Neo Publishing il y a un peu plus de quinze ans – collection qui avait contribué à remettre le genre sur le devant de la scène cinéphile.

Deuxièmement, il faut avouer que la redécouverte en Haute-Définition des films mettant en scène l’actrice française naturalisée italienne Edwige Fenech s’accompagne toujours chez nous de beaucoup d’émotion. Si on ne se trompe pas, Nue pour l’assassin n’est que le quatrième film d’Edwige Fenech à sortir en Blu-ray, après Hostel II (dans lequel elle faisait une courte apparition), Les Rendez-vous de Satan (déjà chez Le Chat qui fume) et L’île de l’épouvante, sorti cette année chez Sidonis Calysta. Pourtant, ses faux cils – qui en ont rendu plus d’un marteau ! – comptent probablement parmi les plus célèbres du cinéma italien des années 70…

La carrière d’Edwige Fenech au cinéma, particulièrement riche entre 1967 et 1982 (72 films en l’espace de quinze ans !), n’est donc pas spécialement bien représentée en DVD en France, et encore moins en Blu-ray. Entre 2000 et 2010, une petite dizaine de ses films ont vu le jour dans des éditions DVD pas forcément toujours très folichonnes, et sous les couleurs d’éditeurs ayant souvent disparu depuis. La sortie des Nue pour l’assassin en Blu-ray chez Le Chat qui fume constitue donc un grand événement pour les admirateurs de l’actrice.

Edwige Fenech pour les Nuls (2ème édition)

Il existe peut-être parmi nos lecteurs quelques irréductibles qui ne seraient pas familiers avec le cinéma bis. Il se peut également qu’il y ait parmi eux une poignée de bisseux n’étant pas tombés fous amoureux d’Edwige Fenech durant leur adolescence ; même si cela pourra paraitre étonnant, c’est tout de même humainement possible : tous les goûts sont dans la nature et quelques-uns pourront se montrer insensibles à la puissance hypnotique de son regard félin. C’est très possible si, par exemple, vous ne pouvez pas saquer les chats – idem d’ailleurs si vous êtes allergique aux poils de chat(te)s. Il conviendra donc ici de revenir brièvement sur la carrière d’Edwige Fenech, qui s’impose sans la moindre peine comme une figure incontournable de la culture populaire, et comme « LA » plus grande dame du cinéma d’exploitation rital des années 60/70.

Née en Algérie le 24 décembre 1948 sous le nom d’Edwige Sfenek (ce qui coupera définitivement court à toutes les hésitations concernant la prononciation de la fin de son nom de famille), Edwige Fenech emménage quelques années plus tard avec sa mère, divorcée, à Nice. Attirée par les paillettes, elle commence à participer à des concours de beauté, et à 16 ans, remporte le prix « Miss Mannequin de la Côte d’Azur » ; en mai 1967, pendant le festival de Cannes, elle sera nommée « Lady France », titre lui donnant l’opportunité de concourir au titre de « Lady Europe ». C’est donc ainsi qu’à seulement 19 ans, repérée par je ne sais quel obsédé sexuel découvreur de talents, elle commence sa carrière au cinéma avec le formidable Samoa, reine de la jungle (Guido Malatesta, 1968). Après ce tournage, qui sera rapidement suivi d’un deuxième film aux côtés de Guido Malatesta (Le fils de l’aigle noir), elle emménage en Italie avec sa mère, et commence tout naturellement à enchainer les rôles, le plus souvent dans de petites productions simili-érotiques à tout petit budget, mais la consécration finira par arriver, au début des années 70, grâce au cinéma dit « de genre ».

Elle tourne donc pour Mario Bava dans L’île de l’épouvante (1970), à trois reprises aux côtés de Sergio Martino pour L’étrange vice de madame Wardh (1971), Toutes les couleurs du vice (1972) et Ton vice est une chambre close dont moi seul ai la clé (1972), puis s’impose dans Les rendez-vous de Satan (1972) de Giuliano Carnimeo. Sa dernière participation à un giallo se fera devant la caméra d’Andrea Bianchi pour Nue pour l’assassin (1975), qui n’était certes pas le plus glorieux moyen de tourner le dos au genre qui avait fait sa gloire, mais qui possédait tout de même quelques qualités bien déviantes sur lesquelles nous allons revenir.

A partir de 1975, elle trouve en effet un filon juteux et encore inexploité au sein de la comédie érotique italienne: celui des corps de métier, divers et variés. A partir de ce moment et jusqu’à sa retraite anticipée au début des années 80, elle deviendra donc la reine incontestée du genre, en expérimentant toutes sortes de métiers : prof (La prof donne des leçons particulières, La prof et les cancres, La prof connaît la musique), médecin (La toubib du régiment, La toubib aux grandes manœuvres, La toubib prend du galon) policière (La flic chez les poulets, La flic à la police des mœurs, Reste avec nous on s’tire) ou encore taxi (La toubib se recycle). Bien sûr, ces comédies très populaires au cœur desquelles Edwige Fenech dévoilait largement sa plastique n’ont pas eu la même pérennité que ses contributions au cinéma de genre, qui en ont fait une véritable icône du giallo.

Son succès auprès du public, essentiellement masculin, ne s’est jamais démenti au fil des années. Ainsi, plus de trente ans après qu’elle ait délaissé le cinéma pour se concentrer sur sa carrière d’animatrice télé, elle fait finalement une apparition dans Hostel II en 2007. La légende raconte qu’Eli Roth est parvenu à la persuader avec l’appui de son ami cinéaste Quentin Tarantino, également fan inconditionnel de l’actrice.

Tous à poil pour le tueur

Quand Nue pour l’assassin sort sur les écrans en 1975, l’époque est au relâchement pour le Giallo. Cinq ans après L’Oiseau au plumage de cristal, le public commence à se lasser des whodunits à base de tueurs gantés de cuir, et l’idée afin de continuer à attirer les spectateurs dans les salles est de miser sur les excès en tous genres. Bref, le Giallo racole, comme sur les trottoirs de Pigalle, et Nue pour l’assassin est un des plus flagrants exemples du basculement du genre vers l’érotisme le plus décomplexé. Bien sûr, on ne va pas se voiler la face, en raison des nombreux fétichismes formels qu’il mettait en scène, le giallo était de toute façon un terreau fertile pour l’érotisme. Si beaucoup de cinéastes avaient, dans les premiers temps du genre, plutôt joué la carte du « symbolique », avec des plans de lames étincelantes pénétrant le corps de jeunes femmes, en 1975, l’ère n’est plus à la suggestion : le Gorge profonde de Gerard Damiano est passé par là trois ans auparavant, et le symbole a laissé la place à une représentation plus explicite de la nudité.

Ainsi, et comme le laisse supposer son titre, Nue pour l’assassin n’a pas peur de la nudité féminine, et le film d’Andrea Bianchi développe un sous-texte clairement salace tout au long de son récit, qui commence avec la mort d’une jeune femme lors d’un avortement raté. En l’espace de quelques minutes, le réalisateur donnera donc clairement le ton – volontiers provocateur – de ce giallo érotique, même si par ailleurs Andrea Bianchi reprendra grosso modo les rouages traditionnels du genre, avec un tueur masqué tuant une série de personnages liés à une maison de mode – référence explicite au giallo fondateur de Mario Bava 6 femmes pour l’assassin, dont le cinéaste livre ici une version particulièrement branque et déviante.

Passée cette séquence d’ouverture choc, Nue pour l’assassin prendra le temps de nous présenter un certain nombre de personnages / suspects potentiels ayant travaillé avec la victime. Il y a donc Carlo (Nino Castelnuovo), un photographe ambitieux qui sait trouver les mots pour qu’une femme se déshabille devant son objectif. Il y a également Magda (Edwige Fenech), l’assistante / maîtresse de Carlo, qui a récemment commencé à fantasmer sur le fait de devenir mannequin elle-même. Et puis il y a Lucia (Femi Benussi) et Patricia (Solvi Stübing), mannequins, Gisella (Amanda), l’extravagante propriétaire bisexuelle du studio photo, qui couche avec Lucia, Maurizio (Franco Diogene), le mari obèse de Gisella, qui tente désespérément de coucher avec Patricia et/ou avec Doris (Erna Schurer), également mannequin, qui sort avec le violent Stefano (Gianni Airò).

Vous avez suivi ? Non ? Hé bien ce n’est pas très grave dans le fond, car les liens et intrigues sexuelles qui se tissent entre les différents personnages du récit ne seront jamais réellement mis en parallèle avec les meurtres ou la logique du tueur. Andrea Bianchi et son scénariste Massimo Felisatti auraient pu utiliser cette toile d’araignée de vice et de luxure comme une des clés de voûte de Nue pour l’assassin, que cela soit dans le modus operandi du tueur ou même dans une volonté de critique – qui aurait pu être féroce – de la bourgeoisie italienne et du milieu de la mode… Mais ce n’est pas le cas : les meurtres s’enchainent certes sur un bon rythme, ce qui contribue à ne pas provoquer d’ennui chez le spectateur, mais tout cela donne finalement la vague impression que le casting est décimé un peu au hasard.

Cela dit, le nombre important de personnages implique forcément un nombre de meurtres assez élevé, et avec tout ce petit monde au cœur du mystère, Nue pour l’assassin nous offre au final un spectacle relativement généreux, donnant au spectateur de l’époque ce qu’il désirait voir, à savoir beaucoup de nudité, un peu de suspense et quelques belles scènes de meurtres, très visuelles et assez élégantes dans leur genre. A ce titre, on ne pourra que saluer le travail de Franco Delli Colli sur la photo du film, indéniablement soignée et même par moments sacrément déroutante durant le dernier acte du film. L’atmosphère étrange de la dernière demi-heure du film est d’ailleurs encore accentuée par son excellente bande-son psychédélique – avec une pointe de funk et de jazz – signée Berto Pisano, qui deviendrait par la suite un nom assez prestigieux de la musique « lounge » italienne.

Cette ambiance, qui explose littéralement lors des scènes mettant en scène son tueur vêtu de cuir (et coiffé d’un casque de moto), est indéniablement l’un des points forts de Nue pour l’assassin, qui verse souvent dans le kitsch le plus délirant. Le film sera également à l’occasion plutôt rigolo, comme à l’occasion de cette séquence anthologique durant laquelle Maurizio, en slip, arpentera les murs de sa maison à la recherche du tueur, une poupée gonflable dans une main et un couteau de cuisine dans l’autre. Cette scène est d’ailleurs à l’image du film tout entier : branque et provocatrice.

Le Blu-ray

[5/5]

Enchaînant les éditions Blu-ray et Blu-ray 4K absolument remarquables avec une belle régularité depuis quelques années maintenant, Le Chat qui fume est devenu un des acteurs majeurs de l’édition vidéo en France, au point qu’on le verrait bien livrer une « MasterClass » à ses petits camarades éditeurs portant sur la qualité et le contenu éditorial. Personne ne sera donc surpris à l’annonce du verdict concernant cette nouvelle édition de Nue pour l’assassin : une fois de plus, le Chat fume toute la concurrence en nous offrant une expérience audio / vidéo en tous points parfaite, du genre à vous défriser les poils du derche avec un chalumeau, si vous me passez l’expression (on ne lit jamais ça dans Les Années Laser, elle est là la valeur ajoutée critique-film).

Côté packaging, l’éditeur ne déroge pas à ses excellentes habitudes, et nous propose à nouveau un sublime digipack trois volets, surmonté d’un sur-étui cartonné du plus bel effet, s’accordant harmonieusement avec les Blu-ray déjà sortis par l’éditeur depuis quelques années. Le visuel est signé Fred Domont, qui a de nouveau fort bien travaillé à partir de l’affiche du film et de quelques photos d’exploitation.

Pour ce qui est du Blu-ray en lui-même, la copie est globalement d’une très belle propreté, malgré quelques légers outrages liés au temps. Le grain argentique est respecté à la lettre, le piqué est d’une finesse et d’une précision vraiment étonnantes, la profondeur de champ est remarquable, bref, c’est du très beau boulot, naturellement proposé en version intégrale et 1080p. Bref, on est en présence d’un très beau Blu-ray. Côté son, c’est la grande classe également : la VO italienne nous est proposée dans un solide mixage DTS-HD Master Audio 2.0 et mono d’origine. L’ensemble est naturellement assez frontal, mais tout à fait satisfaisant ; la VO met quant à elle davantage en valeur la bande originale de Berto Pisano.

Du côté des suppléments, l’éditeur nous propose tout d’abord de découvrir un entretien avec Erna Schurer (15 minutes). Elle reviendra tout d’abord sur son parcours, expliquant que sa carrière était déjà lancée en 1975, grâce au film Le Salamandre (Alberto Cavallone, 1969). Elle se remémorera ensuite la personnalité d’Andrea Bianchi, qu’elle décrit comme un « intellectuel », puis reviendra sur son amitié avec Edwige Fenech. Elle terminera enfin en déclarant que Nue pour l’assassin est tout de même un film assez mineur dans sa carrière. Attention #Spoilers si vous visionnez le sujet avant de regarder le film : un des extraits choisis pour illustrer les propos d’Erna Schurer révèle l’identité du tueur… On continuera ensuite avec un entretien avec Nino Castelnuovo (18 minutes). Ce dernier reviendra également sur son parcours, au cinéma et au théâtre, ainsi que sur sa volonté de tourner dans un giallo. En revanche, il expliquera n’avoir quasiment aucun souvenir du tournage du film, et confessera ne l’avoir jamais vu avant sa redécouverte en DVD. La seule anecdote dont il se souvienne est assez amusante : lors d’une scène d’amour qu’il partageait à l’écran avec Edwige Fenech, l’actrice se baissait le long de son corps afin de lui faire une fellation. Jamais satisfait du résultat, Andrea Bianchi leur avait fait refaire la même prise une quinzaine de fois, jusqu’à ce que Popaul s’évade de sa prison pour se retrouver « nez à nez » avec Edwige Fenech ! On terminera enfin avec la traditionnelle bande-annonce. Pour vous procurer cette édition limitée à 1000 exemplaires, rendez-vous sur le site de l’éditeur !

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