Test Blu-ray : Les Méchants

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Les Méchants

France : 2021
Titre original : –
Réalisation : Mouloud Achour, Dominique Baumard
Scénario : Mouloud Achour, Dominique Baumard
Acteurs : Roman Frayssinet, Djimo, Ludivine Sagnier
Éditeur : Le Pacte
Durée : 1h21
Genre : Comédie
Date de sortie cinéma : 8 septembre 2021
Date de sortie DVD/BR : 26 janvier 2022

Patrick et Sébastien passent la pire journée de leur vie. En quelques heures, ils deviennent les méchants les plus recherchés de France. La raison ? Une fake news montée de toutes pièces par Virginie Arioule, présentatrice d’une chaine de débat prête à tout pour faire de l’audience, quitte à pactiser avec des trafiquants de clics…

Le film

[4/5]

Esprit Canal

Il existe dans la critique française, qu’elle soit professionnelle ou simplement pratiquée en « amateur » sur des blogs ou autres bouteilles à la mer du Net, un courant bien connu d’animosité envers tout ce qui ressemble de près ou de loin à une comédie et dont la tête d’affiche est un humoriste. Plus ces « comiques » reconvertis dans le cinéma sont jeunes, plus les critiques sont véhémentes, avec une mention particulière et un petit surplus de hargne et de gratuité s’ils viennent de la télévision (écurie Canal +, émissions ou séries TV…).

Porté par la personnalité de Mouloud Achour, animateur-phare de Canal +, et mettant en scène une flopée de jeunes humoristes, YouTubeurs et personnalités des médias, Les Méchants semblait donc malheureusement le parfait candidat au « Bad buzz » dont il a été la victime, et qui l’a clairement désigné sur l’ambulance de la rentrée 2021, sur laquelle il était de bon ton de tirer. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les Trolls simili-critiques du Net ne se sont pas privés, s’engageant dans l’ombre d’une partie de la critique qui se faisait un plaisir de défoncer le travail de celui qu’ils voient comme un petit protégé de Bolloré, et tirant de ce fait à boulets rouges sur l’OVNI co-réalisé par Mouloud Achour et Dominique Baumard.

Bad buzz

Le plus paradoxal dans le destin des Méchants, tombé sous les balles d’un « bad buzz » ne lui ayant permis d’attirer que 138.000 spectateurs sur 325 copies, c’est que le film a en fait été la victime de ce qu’il dénonce sur le mode de l’absurde : dénigré sur le Net dès l’apparition des premières bandes-annonces, le film a rapidement été pointé du doigt, puis quasiment « diabolisé » par le biais des réseaux sociaux. Avant même de sortir sur les écrans, Les Méchants était le film à abattre et devint, à la manière de Brutus vs. César l’année dernière, l’objet d’une certaine « culture du bashing » très gênante dans le sens où cette dernière est utilisée en véritable technique de marketing : on met le film en avant uniquement dans le but de le défoncer.

Or, c’est exactement ce dont parle Les Méchants : la façon dont la course au buzz relayée par les réseaux sociaux prend le pas sur la réflexion. Les deux héros du film, Patrick et Sébastien, deviennent en l’espace de quelques heures les ennemis publics n°1 ? Le film de Mouloud Achour et Dominique Baumard a subi exactement le même sort. A une époque où les images circulent à une vitesse folle, Les Méchants a été la victime d’un acharnement typique de la société des réseaux sociaux. Rappelez-vous des magazines de cinéma que vous achetiez peut-être encore il y a vingt ans : les films qui n’étaient pas aimés par la rédaction y étaient souvent relégués à un entrefilet, voire à une critique lapidaire – ils ne faisaient pas la couverture du magazine. Aujourd’hui, c’est tout l’inverse : quand on n’aime pas un film, on l’affiche clairement, on s’en fait des T-shirts, et quiconque aura l’outrecuidance d’aller contre le sens du vent sera l’objet de tous les quolibets, de toutes les suspicions.

Le site de référence IMDb attribue à ce jour une note de 3,9/10 au film de Mouloud Achour et Dominique Baumard (peu représentative car basée sur les notes de seulement 196 spectateurs), tandis qu’Allociné, agrégateur critique à ses heures, lui attribue quant à lui une note de 2/5, calculée sur la base de 1379 notes spectateurs. Bref, à priori, Les Méchants semble avoir créé l’unanimité contre lui, mais on peut d’ores et déjà affirmer que le film se forgera dans les mois et années à venir une solide réputation de film-culte, que certains spectateurs se passeront et se repasseront en boucle, envers et contre tous.

Sale gosse

Les Méchants s’inscrit de façon frontale dans la mouvance moderne et déconneuse des films produits par le collectif Kourtrajmé : outre la référence explicite faite à Sheitan par le biais d’un des tatouages du personnage de Carcéral, on notera la présence au générique de Kim Shapiron, Romain Gavras et Ladj Ly, trois figures majeures de Kourtrajmé. Vincent Cassel, Olivier Barthelemy, Oxmo Puccino ou encore Mathieu Kassovitz, qui ont tous régulièrement travaillé avec le collectif, font également des apparitions – souvent hilarantes – au cœur du film. Mouloud Achour a également appris de son expérience aux côtés des équipes de Kourtrajmé : pour avoir, en tant qu’acteur, tenu sur ses épaules la réussite de la séquence d’ouverture de Sheitan, le cinéaste est bien conscient que les premiers plans de son film donnent la tonalité de l’œuvre : Les Méchants s’ouvre dès lors sur un panneau brocardant la Cancel Culture et l’écriture inclusive, et souhaitant un(e) bon(ne) film(e) au spectateur !

Le ton est donc donné : politiquement incorrect, mauvais esprit et vannes de mauvais goût sont au programme, tout étant fait ici pour rire de l’air du temps, pour caricaturer une société dominée par la culture du buzz. Tourné à la manière d’un délire entre potes, Les Méchants ne cherche pas forcément à délivrer un message subversif, mais plutôt à souligner par l’absurde les dérives de la France contemporaine, qu’il s’agisse de réseaux sociaux, d’inclusion, de fake news, du monde des médias, de bio et de vegan, d’entraide humanitaire, de racisme, de musique urbaine, etc. Le ton est léger, l’humour caustique, et en dépit de l’aspect fourre-tout de l’intrigue, les rires fusent du côté du spectateur, francs, massifs, et surtout réguliers : en gros, avec Les Méchants, Mouloud Achour et Dominique Baumard réussissent avec brio tout ce que Stéphane Marelli et Romuald Boulanger ont raté avec Haters (2021, disponible sur Amazon Prime Video) sur un sujet similaire.

Galerie de potos

Pour réussir son film de « sale gosse », Mouloud Achour avait besoin de sales gosses devant la caméra, et le duo formé à l’écran par Roman Frayssinet, surexcité, roublard et volubile et Djimo, placide et bienveillant, fonctionne à merveille. Autour d’eux, on verra également graviter tout au long de l’intrigue des Méchants une pléiade de comédiens et d’humoristes, venus pour certains juste au détour d’une séquence : on pourra citer Kyan Khojandi, Ludivine Sagnier, Marwa Loud, Anthony Bajon, Hakim Jemili, Alban Ivanov, Samy Naceri, Fary, Fadily Camara, Pierre Palmade, China Moses, Elie Semoun, Ariel Wizman, Mohamed Henni (un nom bien connu des supporters de l’OM !), Heuss l’enfoiré, Bun-hay Mean, Redouane Bougheraba, Omar Sy et même Alejandro Jodorowsky, que l’on aperçoit à sa fenêtre !

Cette galerie de personnalités contribue également au charme des Méchants, en l’inscrivant de plain-pied dans un univers extrêmement marqué par la pop-culture : la plupart des acteurs se moquent de leur propre image avec une énergie extraordinaire, les dialogues font mouche, et au final, ils insufflent un rythme littéralement trépidant à un film de toute façon très court (1h24). Autant dire donc qu’il est littéralement impossible de trouver le temps long devant Les Méchants, d’autant que le film dénote également d’une réelle envie de faire un peu bouger les lignes du cinéma français, en dynamisant la mise en scène notamment, et en travaillant habilement sur le montage, souvent surprenant et original. A l’image des productions de chez Kourtrajmé, qui ont décidément largement influencé Mouloud Achour et Dominique Baumard, Les Méchants s’avère un film « remuant », à la caméra mobile, faisant preuve de nombreuses idées de mise en scène, et cherchant à donner un coup de pied dans la fourmilière de la comédie hexagonale. La photo de Marco Graziaplena (Mektoub, my love : canto uno) s’avère également très soignée et assez superbe, en particulier durant les séquences mettant en scène le personnage de Kheyssus, incarné par Lucas Omiri.

Aller de l’avant

Drôle, rythmé, gonflé et mis en scène avec soin, Les Méchants s’impose donc au final comme une belle réussite : le film de Mouloud Achour et Dominique Baumard apporte un réel vent de fraîcheur dans le petit monde de la comédie française, souvent un peu trop figé et manquant d’ambition. Même si sa réhabilitation prendra sans doute un peu de temps, il y a fort à parier qu’un jour, Les Méchants soit enfin considéré comme la meilleure comédie française de l’année 2021, ex-aequo peut-être avec le Barbaque de Fabrice Eboué. On lui souhaite ainsi de connaître un destin similaire à celui d’une autre comédie chorale ayant connu un cuisant échec dans les salles : Les Parasites, réalisé par Philippe de Chauveron en 1999, a ainsi peu à peu gagné ses galons de film-culte jusqu’à se voir aujourd’hui considéré comme une des grandes réussites de sa carrière.

Quel avenir cependant pour ce genre de comédie en France, quand Les Méchants réunit 138.000 spectateurs dans les salles, et que Barbaque fait à peine mieux, avec 240.000 entrées ? On espère que l’insuccès du film, le bad buzz et les procès d’intention permettront tout de même aux deux réalisateurs de mener à bien leur projet de suite, malicieusement intitulé Les Gentilles, et qui serait, comme son titre l’indique, d’avantage centré sur les femmes.

Le Blu-ray

[4/5]

C’est Le Pacte qui propose aujourd’hui aux nombreux cinéphiles l’ayant loupé en salles de découvrir Les Méchants sur format Blu-ray, et sur ce point précis, on ne peut que tirer notre chapeau à l’éditeur. En effet, à l’heure où le marché du Blu-ray s’écroule littéralement sous le poids de la dématérialisation, à une époque où même un gros éditeur tel que M6 Vidéo prive de Haute-Définition tous les films ayant réalisé moins de 600.000 entrées en France, on ne peut que saluer le courage des petits gars (et des filles) de chez Le Pacte, qui croient encore dur comme fer dans le potentiel commercial du film de Mouloud Achour et Dominique Baumard, et lui offrent ici une seconde chance à laquelle beaucoup d’autres auraient renoncé.

C’est d’autant plus agréable que la galette Haute-Définition des Méchants est excellente, et fait vraiment honneur à l’ambition des deux cinéastes, ainsi qu’aux jolis plans qu’ils ont conçus avec l’aide de leur directeur photo Marco Graziaplena. La définition est optimale, les couleurs sont belles, le film est proposé au format et en 1080p, bref c’est un boulot technique superbe. Côté son, l’éditeur nous propose un mixage DTS-HD Master Audio 5.1 très immersif, et plutôt dynamique durant la séquence de « trip » de Roman Frayssinet ou durant la dernière partie du film. On notera que l’éditeur nous propose aussi un mixage DTS-HD Master Audio 2.0, plus cohérent si vous visionnez le film sans utiliser de système de spatialisation acoustique.

Du côté des suppléments, outre une petite poignée de teasers, Le Pacte nous propose un très court sujet dédié à la présentation du film au Grand Rex (1 minute), et recueillant les impressions des spectateurs à la sortie de la salle.

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