Test Blu-ray : Kinjite – Sujet tabou

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Kinjite – Sujet tabou

États-Unis : 1989
Titre original : Kinjite – Forbidden subjects
Réalisation : Jack Lee Thompson
Scénario : Harold Nebenzal
Acteurs : Charles Bronson, Perry Lopez, James Pax
Éditeur : Sidonis Calysta
Durée : 1h37
Genre : Policier, Thriller
Date de sortie cinéma : 26 avril 1989
Date de sortie DVD/BR : 9 juin 2022

Réputé pour son tempérament et ses interventions musclées, l’inspecteur Crowe mène la vie dure à Duke, le chef d’un réseau pédophile qui prostitue les jeunes filles. Lui-même père d’une adolescente, qu’il protège farouchement du monde extérieur, il répond à l’appel d’un riche industriel japonais dont la fille est tombée dans les filets de Duke et de son organisation…

Le film

[3,5/5]

Dans les années 80 aux États-Unis, après l’élection de Ronald Reagan, les républicains se sentent pousser des ailes : comme pour appuyer la politique ultra-sécuritaire prônée par le gouvernement, la mode est alors aux films mettant en scène des vigilantes moustachus parcourant le ghetto bazooka à la pogne afin de faire la chasse aux cocos, aux pédés, aux blackos, aux niakoués, aux violeurs, aux macs et aux dealers, bref à toutes ces raclures qui pullulaient à l’époque, zonant avec leurs blousons de cuir pour tuer nos femmes et égorger nos enfants. A l’origine du mouvement de ces moustachus violemment revendicatifs, il y avait bien sûr Un Justicier dans la ville, tourné une dizaine d’années auparavant…

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que pour leur dernière collaboration sous les couleurs de la Cannon, l’acteur Charles Bronson et le réalisateur J. Lee Thompson ont pris le parti d’y aller franchement avec Kinjite : Sujet tabou, qui s’impose clairement comme le film le plus réac, le plus taré, le plus raciste et le plus homophobe qu’ils n’aient jamais tournés ensemble. Dès les premières minutes, le ton est d’ailleurs donné, avec la caméra qui suit une jeune fille – Nicole Eggert, future héroïne d’Alerte à Malibu, alors âgée de 16 ans – se rendant à un rendez-vous de nature sexuelle avec un col blanc de Los Angeles. Charles Bronson débarque dans la chambre d’hôtel, fout une dérouillée au pervers, et, histoire de bien marquer le coup, se saisit d’un énorme gode et décide de le sodomiser, pour « lui montrer ce que ça fait ».

Avec Kinjite : Sujet tabou, Bronson et son acolyte J. Lee Thompson décident donc de jouer la carte de l’outrance la plus franche, transposant leur recette éprouvée de vengeance au monde de l’exploitation sexuelle. Grosse série B foutraque et excessive, extrêmement vulgaire dans ses dialogues et son traitement décomplexé, le film aura de quoi régulièrement faire lever les sourcils du spectateur contemporain, tant cette exploration de la mort de l’innocence semble surtout un prétexte pour y aller franco aussi bien dans la xénophobie (japonais, hispanos, noirs) que dans une homophobie latente souvent assez choquante. Il faudra un certain recul sur l’époque et le genre pour apprécier le film, mais les amateurs d’humour trash et outrancier y trouveront sans doute leur compte.

D’ailleurs, si Kinjite : Sujet tabou tire à boulets rouges sur les « dérives » de la société américaine de l’ère Reagan, le film balaie d’un revers de la main les raisons profondes de ce déferlement de haine, tout autant qu’il repousse avec dédain une étude psychologique un peu trop poussée de son personnage principal. Ainsi, lors d’une scène de Kinjite : Sujet tabou, Charles Bronson discute avec un prêtre qui tente de creuser un peu les origines de son comportement ultra-protecteur vis-à-vis de sa fille :

– « I detect a possessiveness, Crowe. Rita is your daughter, she’s not your wife. I want to be sure it is a father’s anger I’m witnessing, if you follow me. »

– « I know what you’re saying, Father. I’m not sure I can face it. »

Aux chiottes donc la psychanalyse : Bronson c’est Bronson, et il ne va pas se farcir la tête de salades psychanalytiques qui pourraient remettre son jugement en cause. Bien sûr, il va sans dire que ses frustrations alimentent en grande partie son travail de policier, mais ses excès de violence tendent à le faire régulièrement agir dans l’illégalité la plus totale, comme lorsqu’il fait bouffer sa montre à un suspect ou qu’il en tue un autre par maladresse en le faisant tomber d’un balcon. Dans le rôle de ce flic aux méthodes expéditives, Bronson apporte au personnage de Crowe la même passion tiède qu’il amenait à chacun de ses rôles.

Mais Kinjite : Sujet tabou met également en scène un autre personnage, le japonais Hiroshi (James Pax), qui est présenté comme le symbole d’un pays en pleine décadence et en pleine confusion sexuelle. Dans la première bobine, Hiroshi est clairement présenté comme un pervers, et un sentiment de danger s’en dégage, mais au final, le scénario mal équilibré du film ne mènera pas réellement à son terme l’intrigue mettant en scène ce personnage. A l’image des grandes questions qui entourent le trafic d’êtres humains, le fait de développer les frustrations d’Hiroshi n’intéressait à priori pas tellement les auteurs de Kinjite : Sujet tabou – l’idée ici est de plutôt balancer des insanités et de briser des meubles en se tatanant la gueule, et on notera d’ailleurs à ce sujet que Bronson levait encore plutôt bien la jambe.

Le Blu-ray

[4/5]

Kinjite : Sujet tabou débarque aujourd’hui en Blu-ray sous les couleurs de Sidonis Calysta, et vient grossir les rangs de la très riche « Collection Charles Bronson » de l’éditeur. Le master est proposé en 1080p, et la restauration est globalement réussie ; l’image manque certes peut-être un peu de stabilité, surtout durant la première bobine du film, mais le tout est encodé avec soin, et le film tire régulièrement son épingle du jeu avec un excellent niveau de détails et des contrastes ciselés évitant noirs bouchés et image terne ; ce sont en particulier les gros plans sur les visages des acteurs qui impressionneront par leur précision et leur définition. C’est d’autant plus appréciable qu’à notre connaissance, Kinjite : Sujet tabou était inédit en DVD en France, et n’était jusqu’ici disponible qu’au format VHS. Côté son, VO et VF sont proposées en DTS-HD Master Audio 2.0 et mono d’origine. Les dialogues sont intelligibles, la musique perce sans (trop de) saturation, et la piste est globalement très propre. Du très beau travail technique.

Côté suppléments, Sidonis Calysta nous propose tout d’abord une présentation du film par Olivier Père (34 minutes). Il y reviendra sur le contexte de production du film ainsi que sur les particularités du film. C’est très complet, et on notera qu’Olivier Père se laisse régulièrement aller à rire des outrances du film pendant cette présentation. On terminera avec un documentaire sur Charles Bronson intitulé « Charles Bronson, un héros populaire » (40 minutes), qui reviendra (beaucoup) sur la vie privée de l’acteur ainsi que (un peu) sur sa carrière. Sobre et relativement complet, ce documentaire d’une quarantaine de minutes donne la parole à plusieurs amis de Bronson. Intéressant.

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