Test Blu-ray : Jabberwocky

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Jabberwocky

Royaume-Uni : 1977
Titre original : –
Réalisation : Terry Gilliam
Scénario : Charles Alverson, Terry Gilliam
Acteurs : Michael Palin, Harry H. Corbett, John Le Mesurier
Éditeur : Carlotta Films
Durée : 1h46
Genre : Aventures, Comédie
Date de sortie cinéma : 8 juin 1977
Date de sortie DVD/BR : 17 février 2021

À la mort de son père, le jeune Dennis décide de tenter sa chance en ville dans l’espoir de conquérir le cœur de sa dulcinée, Griselda, restée au village. Pendant ce temps, un horrible monstre surnommé Jabberwocky fait régner la terreur, tuant et anéantissant tout sur son passage. Voyant son royaume menacé, le roi Bruno le Contestable promet la main de sa fille à celui qui terrassera la bête…

Le film

[4/5]

A sa sortie en 1977, le nom de Terry Gilliam n’avait pas l’aura prestigieuse qu’il possède de nos jours. Ainsi, à l’époque, un film réalisé par Gilliam n’attirait pas les cinéphiles à la simple évocation de son nom, comme cela peut être le cas aujourd’hui. De fait, Jabberwocky, qui constituait le premier effort de Terry Gilliam en solo derrière la caméra, a longtemps été vendu, en France comme ailleurs, comme un film de la troupe des Monty Python. Plusieurs membres de la troupe apparaissaient d’ailleurs dans le film : Michael Palin y tient le rôle principal, Terry Jones et Terry Gilliam lui-même y faisaient une apparition.

Ainsi, le film aura parfois été présenté à sa sortie sous le titre Monty Python’s Jabberwocky ; quand le film est sorti en vidéo chez nous, il y a de nombreuses années maintenant, il faisait ainsi partie de la « Collection Monty Python » de La Guéville Vidéo. Ce n’est qu’au terme d’une poignée de démêlés judiciaires que les producteurs se virent interdire l’utilisation du nom des Monty Python. Une trentaine d’années après sa dernière exploitation au format VHS en France, Jabberwocky ressort enfin en Blu-ray chez Carlotta Films, et cette fois, le nom des Monty Python – de toutes façons un peu oubliés de nos jours – a bel et bien disparu de la jaquette au profit de celui de Terry Gilliam, qui constitue aujourd’hui un gage de qualité à lui seul.

Bienvenue donc dans l’univers de Terry Gilliam, qui nous transporte au cœur d’un moyen-âge baroque, étrange, à la fois fantasmé et – par certains aspects – étrangement réaliste. L’intrigue de Jabberwocky prend pour base et comme point de départ un poème de Lewis Carroll, qui apparaissait à l’origine dans « De l’autre côté du miroir » (1871). Un poème étrange, plein de mots-valises incompréhensibles, dont Humpty Dumpty expliquait le sens à Alice dans le roman dont il est tiré. Ce poème a par ailleurs énormément inspiré les auteurs du vingtième siècle, notamment dans le domaine de la science-fiction.

Jabberwocky emmène donc le spectateur dans un monde de Fantasy humoristique, aussi craspec que fascinant, dont les règles et les limites semblent uniquement définies par l’imagination bien barrée du scénariste / réalisateur. On y découvrira un royaume en ruine, en proie à la famine, gouverné par un roi sénile, dont le chemin croisera celui du jeune Dennis Cooper (Michael Palin), apprenti tonnelier banni de son village, obligé de survivre en évitant les jets de pisse et les invectives d’un groupe de prophètes illuminés fascinés par l’apocalypse. Au programme des réjouissances : tournoi de chevaliers, grande partie de cache-cache, homme déguisé en bonne sœur, maladresses en pagaille et bien sûr monstre vicieux terrorisant la population.

Comme les autres films de Terry Gilliam, la caractéristique principale de Jabberwocky est de jeter le spectateur au centre d’un monde foisonnant, grouillant littéralement d’activité, et rempli jusqu’à la gueule de détails saugrenus, étranges, qui forment au final un « tout » remarquablement cohérent. Ainsi, si l’humour de l’ensemble est encore très imprégné de l’esprit nonsensique des Monty Python, on aurait presque le sentiment extraordinaire de se voir projeté dans un moyen-âge presque naturaliste, présenté dans toute son abjecte réalité – à la façon dont Paul Verhoeven représenterait cette époque dans le magnifique La chair et le sang.

Et même si le film souffre peut-être de quelques petites longueurs, la redécouverte de Jabberwocky nous permet aujourd’hui de nous rendre compte que toute la frénésie créative de Brazil ou de Las Vegas Parano était déjà là, en filigrane, sous l’amoncellement d’intrigues, de sous-intrigues et de gags, dont certains demeurent toujours aussi efficaces trente ans plus tard.

Le Blu-ray

[4,5/5]

C’est donc à Carlotta Films que nous devons le plaisir de redécouvrir Jabberwocky sur support Blu-ray : un événement si l’on considère que le film n’était à ce jour toujours pas sorti en DVD dans l’hexagone ! Le film de Terry Gilliam a été restauré en 2017 par la BFI National Archive et la Film Foundation, avec le soutien financier de la George Lucas Family Foundation, et avec la participation du réalisateur Terry Gilliam. Il s’agit d’une restauration 4K faite à partir du négatif original 35MM, et tout semble avoir été fait au mieux afin de respecter la photographie originale et la texture « crasse » du film. Le master encodé en 1080p n’est donc pas loin d’être irréprochable, même si quelques très légers défauts subsistent. Le piqué, les couleurs et les contrastes retrouvent une nouvelle jeunesse, tout en respectant scrupuleusement le grain argentique d’origine. Côté son, la VO anglaise est proposée en DTS-HD Master Audio 1.0 mono d’origine, et s’avère parfaitement claire, nette, sans bavure. On notera que le film est également proposé en DTS-HD Master Audio 5.1, dans un remixage particulièrement foutraque et agressif – tout à fait dans l’esprit du film dans un sens. Les dialogues sont clairs et bien détachés, même si l’ensemble tire volontiers au joyeux bordel durant les séquences les plus agitées, quand plusieurs personnes s’expriment en même temps.

Dans la section suppléments, l’éditeur Carlotta Films recyclera une partie des suppléments disponibles sur l’édition américaine appartenant à la prestigieuse collection Criterion. On commencera donc avec un making of rétrospectif (« Jabberwocky : bonne absurdité », 41 minutes) qui donnera la parole à Terry Gilliam, Sandy Lieberson (productrice), ainsi qu’aux acteurs Michael Palin et Annette Badland (Griselda). On y reviendra sur la genèse du projet, ainsi que sur l’esthétique globale et le processus de production du film. La bonne humeur est de mise, et le rythme bien tenu. On continuera ensuite avec un entretien avec Valerie Charlton (« Valerie Charlton : naissance d’un monstre », 15 minutes), qui commencera par présenter quelques-uns des bustes qu’elle a sculpté en hommage aux Monty Python, puis reviendra sur la création du monstre et sur ses démêlés avec la production (elle fut d’abord engagée, puis remerciée avant de se voir réengagée sur le film). On continuera ensuite avec l’ouverture originale du film (4 minutes), ainsi qu’avec la comparaison entre les croquis et dessins de Terry Gilliam et le résultat à l’écran (7 minutes). On terminera enfin avec le poème « Jabberwocky » de Lewis Carroll lu par Michael Palin et Annette Badland (2 minutes). On terminera enfin avec la traditionnelle bande-annonce.

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