Test Blu-ray : Au service du diable

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Au service du diable

 
Belgique, Italie : 1971
Titre original : La plus longue nuit du diable
Réalisation : Jean Brismée
Scénario : Pierre-Claude Garnier, Patrice Rhomm
Acteurs : Erika Blanc, Jean Servais, Daniel Emilfork
Éditeur : Artus Films
Durée : 1h35
Genre : Horreur
Date de sortie cinéma : 21 décembre 1973
Date de sortie DVD/BR : 4 juin 2019

 

Berlin, 1944. Son épouse morte en couches, le baron von Rhoneberg tue son enfant, espérant mettre un terme à l’antique malédiction familiale, qui veut que chaque fille devienne une succube au service du diable. 25 ans plus tard, sept personnes voyagent dans la Forêt Noire. Ils vont frapper à la porte du château du baron pour demander asile…

 


 

Le film

[4/5]

Atmosphérique, étrange et fort réussi, Au service du Diable est une solide petite œuvre tournée vers le « Bis », dont la particularité est d’être une coproduction en provenance de Belgique, réalisée par un cinéaste originaire du Plat Pays, Jean Brismée – dont il s’agira d’ailleurs du seul et unique long-métrage. Curieusement, malgré sa maigre expérience derrière la caméra, le film se démarquera sans peine du « gros » de la production de l’époque par le grand soin apporté à sa mise en scène, qui impose un découpage précis, beaucoup de style et un rythme habilement contrôlé. La photographie est par ailleurs absolument excellente, tout est mis en œuvre avec talent pour mettre en valeur le décor du château et ses intérieurs, surtout quand ils sont plongés dans l’obscurité ou la semi-obscurité. Ainsi, certains cadres et séquences s’avèrent réellement de toute beauté : on pense par exemple aux plans d’ensemble dans le salon, durant lesquels un lent travelling latéral nous permet de découvrir l’un après l’autre chaque groupe de personnages, ou encore à ceux prenant place dans le laboratoire du baron. Le souci du moindre détail se retrouve réellement à l’écran, ce qui pourra sembler très étonnant au cœur de ce genre de productions où le mot d’ordre semblait généralement être de tourner rapidement, au détriment parfois de la technique pure.

 

 

Au service du Diable s’impose donc comme une petite perle de sophistication formelle, tout en n’évitant pas les déviances incontournables du cinéma bis de l’époque : les meurtres sont mis en scène avec un remarquable goût pour le macabre et l’étrange, et l’aspect bizarre et quasi-onirique du film est encore accentué par la présence au casting de Daniel Emilfork, acteur au physique et à la diction vraiment hors normes. Les érotomanes seront également ravis d’apprendre – mais votre femme sans doute un peu moins – que le film de Jean Brismée propose bien sûr la « traditionnelle » scène lesbienne, incontournable à l’époque dans le bis. On la découvre donc ici dans sa version non censurée, longue, très longue, au point qu’on en finisse même par se dire que sa durée semble prolongée au-delà de toute limite raisonnable. Le quota de sexe et de violence exigé par le cahier des charges de ce genre de productions est donc tout à fait respecté, et on ajoutera que l’intrigue et l’ambiance sont assez tordues – avec un certain sens de l’humour absurde s’exprimant de ci de là, notamment quand le majordome fait visiter les chambres du château – pour retenir sans le moindre problème notre attention en alerte jusqu’à la fin du film.

 

 

Du côté des acteurs, c’est également excellent. Jean Servais est formidable dans le rôle du baron Von Rhoneberg, ancien SS reconverti dans l’alchimie. A ses côtés, dans le rôle du majordome, Maurice De Groote livre une prestation vraiment étrange, constamment sur le fil entre la retenue et les excès ; tout à fait dans l’esprit du film en général si l’on y réfléchit. On a déjà cité Daniel Emilfork, qui prête ses traits au Diable (carrément), et bien sûr, dans le rôle de la vilaine « succube », on trouvera Erika Blanc, que les amateurs de bis et les lecteurs de la section Blu-ray / DVD de critique-film connaissent bien. Charismatique, elle vole littéralement chaque scène dans laquelle elle apparaît et vampirisant au final presque totalement le film de Jean Brismée.

Au final, Au service du Diable s’impose comme un film fantastique certes méconnu, mais ayant le mérite de fonctionner parfaitement bien, grâce à une atmosphère trouble et étrange soutenue par une mise en scène réfléchie et remarquable. Chaudement recommandé !

 

 

Le Combo Blu-ray + DVD + Livre

[5/5]

Débarquant dans une sublime Édition Collector « Médiabook » Blu-ray + DVD + Livret sous les couleurs d’Artus Films, Au service du Diable s’offre enfin une occasion d’être redécouvert en France. Et quelle redécouverte ! L’image restaurée (probablement en 2K) est de toute beauté, affichant un grain préservé, des couleurs superbes et une excellente profondeur de champ. Les contrastes sont fins et affirmés, et le master semble plutôt débarrassé des principaux dégâts infligés par le temps (jaunissement, taches ou autres griffes…). Bref, la restauration est de qualité, et on ne note pas d’utilisation excessive du réducteur de bruit ni amélioration des contours : le résultat est extrêmement satisfaisant. Côté son, la bande-son est proposée en LPCM Audio 2.0, mono d’origine. Les dialogues sont clairs et bien découpés, et la musique entêtante d’Alessandro Alessandroni est bien mise en avant.

 

 

Du côté des suppléments, on notera tout d’abord un livret de 64 pages intégré à l’étui, intitulé « La nuit des pétrifiés » et rédigé par Christophe Bier. Nous n’avons pas eu la chance de l’avoir entre les mains, mais on connaît le travail de Bier, toujours passionnant. Sur le Blu-ray à proprement parler, on commencera avec une présentation du film par Alain Petit, qui reviendra avec son talent habituel sur la genèse du film, son scénario et sa réception critique. Il évoquera bien sûr également le casting du film, avec quelques mots sur les carrières d’Erika Blanc, Jean Servais, Daniel Emilfork et Lucien Raimbourg. On poursuivra ensuite avec un entretien avec Jean Brismée (6 minutes), qui évoque son attachement à la fiction et son rejet du cinéma « social » belge (il ne cite jamais les frères Dardenne mais on comprend bien où il veut en venir). Cet entretien réalisé pour le site belge Cynergie est par ailleurs disponible sur YouTube depuis l’été dernier. Réalisé pour cette édition Blu-ray, l’entretien avec Erika Blanc – enregistré en français – est en revanche inédit. Et quelques mois après l’avoir croisée au cœur des suppléments de l’édition Combo Blu-ray + DVD de Amour et mort dans le jardin des dieux, c’est à nouveau un grand plaisir d’écouter cette grande dame du cinéma bis qui nous gratifie de quelques anecdotes très amusantes, notamment sur son rapport à la nudité et à son grand choc quand elle a découvert que le sexe masculin n’était pas limitée à la bistouquette de son petit frère. Elle évoque le grand professionnalisme de toute l’équipe du film de Brismée (avec tout un tas de néologismes amusants), et finira par parler de son refus de la chirurgie esthétique qui lui permet aujourd’hui de jouer des rôles de dames âgées de façon crédible.

Mais ce n’est pas tout, puisqu’Artus Films nous propose également de découvrir une dizaine de minutes de scènes alternatives, proposant un montage légèrement différent d’une poignée de séquences. On terminera ensuite avec la traditionnelle bande-annonce internationale et la très riche galerie de photos, contenant son lot d’affiches et de photos de tournage. Indispensable !

 

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