Test Blu-ray : Amour et mort dans le jardin des dieux

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Amour et mort dans le jardin des dieux

Italie : 1972
Titre original : Amore e morte nel giardino degli dei
Réalisation : Sauro Scavolini
Scénario : Sauro Scavolini
Acteurs : Erika Blanc, Peter Lee Lawrence, Ezio Marano
Éditeur : Le chat qui fume
Durée : 1h29
Genre : Horreur, Drame
Date de sortie DVD/BR : 10 mars 2019

 

Se rendant dans la petite ville de Spoleto, près de Pérouse, pour des travaux d’études, un ornithologue allemand s’installe dans une propriété isolée au milieu d’un parc immense, abandonnée par les derniers occupants depuis plusieurs années. Au cours d’une de ses promenades, il découvre des bandes magnétiques dissimulées derrière des buissons et entreprend de les écouter. Il entre ainsi dans l’intimité d’Azzurra, jeune femme perturbée à la sexualité déviante, qui se confie à son psychiatre. Le scientifique ignore que la découverte de ces bandes le met en danger de mort…

 


 

Le film

[3,5/5]

Étant donné qu’Amour et mort dans le jardin des dieux développe, dans son intrigue, une trouble relation incestueuse entre un frère et une sœur, il est amusant de noter que l’idée de « famille » et de fraternité se retrouve également derrière la caméra, du côté de ceux qui ont mis en boite cet étrange giallo inédit, que nous découvrons aujourd’hui grâce au Chat qui fume. Le film est donc écrit et réalisé par un certain Sauro Scavolini : ce dernier compte par ailleurs à son palmarès plusieurs scénarios de films très connus des amateurs de cinéma d’exploitation italien des années 70, puisqu’il a entre autres signé ou cosigné les scripts de La cité de la violence (Sergio Sollima, 1970), de La queue du scorpion (Sergio Martino, 1971), de Ton Vice est une chambre close dont moi seul ai la clé (Sergio Martino, 1972), de Toutes les couleurs du vice (Sergio Martino), de Le cynique, l’infâme et le violent (Umberto Lenzi, 1977) ou de Mannaja, l’homme à la hache (Sergio Martino, 1977)… et même – plus surprenant – de La femme infidèle de Claude Chabrol ! Cependant, si le nom de Scavolini ranimera immédiatement quelques souvenirs dans l’esprit des cinéphiles, c’est sans doute avant tout à son frère, Romano Scavolini, que l’on pensera : l’homme s’est en effet fait connaître avec le superbe et bien glauque Cauchemars à Daytona Beach en 1981, démarcation extrêmement sanglante du Maniac de William Lustig tourné l’année précédente – un film dont la version intégrale est malheureusement toujours inédite en France en DVD / Blu-ray, et dont la suite tardive et inattendue est en préparation depuis quelques années. Il est aussi l’auteur de l’excellent Exorcisme tragique, également connu sous le titre Les monstres se mettent à table, sorti courant 2016 chez Le chat qui fume.

Sauro et Romano Scavolini se retrouvent donc tous deux au générique d’Amour et mort dans le jardin des dieux : Sauro au scénario et à la mise en scène, Romano à la production et à la photographie. Une affaire de famille devant et derrière la caméra, pour un giallo au rythme lent et à l’ambiance aussi poétique que sulfureuse, porté par les prestations convaincantes d’Erika Blanc (Si douces si perverses, Au service du diable, Plus venimeux que le cobra…) et Peter Lee Lawrence, dont la courte carrière – l’acteur est mort à 30 ans – fut essentiellement placée sous le signe du western spaghetti.

 

 

S’il distille un sentiment de malaise tout au long de son récit, Amour et mort dans le jardin des dieux n’en est pas pour autant un film extrêmement « démonstratif », dans le sens où Sauro Scavolini joue, formellement et narrativement, la carte de la retenue, de l’ambiance. A l’inverse de son frère, qui se vautrera avec un plaisir communicatif dans tous les excès tout au long de sa carrière, le film amène ses thématiques d’une façon subtile, n’étant par exemple jamais particulièrement explicite en ce qui concerne la relation incestueuse qu’entretiennent les deux personnages au centre du récit. Néanmoins, les gestes, les regards et ce baiser échangé à l’avant de la voiture dans les premières minutes du film – et dont on ne parvient à déterminer s’il est contraint ou juste un brin sauvage – ne permettront pas vraiment au spectateur d’avoir de doutes sur la relation entre ce frère et cette sœur décidément trop proches. Scavolini ne dit pas, n’assène pas de vérités claires au spectateur, il suggère, il oriente, déstabilise aussi, notamment par le biais de sa mise en scène, sophistiquée, bizarre, choisissant par moments des angles de prise de vue très alambiqués, biscornus, voire même vaguement abstraits ou surréalistes, qui vaudront d’ailleurs au film une réputation de giallo lent et « arty ».

D’une façon très intéressante et pour tout dire assez unique à l’époque, Amour et mort dans le jardin des dieux alterne volontiers les passages formellement « avant-gardistes » et ceux ramenant brutalement le spectateur à une réalité absolument sordide, par le biais de quelques dérives sanglantes notamment, ou via cette obsession morbide pour les cadavres, la caméra s’attardant beaucoup plus qu’à l’accoutumée sur les corps dénués de vie, filmés d’une façon s’imposant comme à la croisée des chemins entre le naturalisme et une certaine poésie macabre, presque rimbaldienne en un sens, comme si Sauro Scavolini avait voulu, par moments, créer son propre « Dormeur du val » cinématographique.

 

 

Avec son récit « reconstitué » à partir d’enregistrements audio, faisant des allers et retours entre différentes époques (et qui n’évite certes pas quelques incohérences du côté de la temporalité des événements), Amour et mort dans le jardin des dieux met le spectateur au cœur d’un récit éclaté « façon puzzle », et exploite de façon assez remarquable ses décors, mis en valeur par la photo de Romano Scavolini : le film nous propose en effet de découvrir quelques petits coins de nature verdoyants, apaisants et absolument magnifiques, pour passer ensuite sans transition à la représentation d’une Italie rurale littéralement en ruines, soit abandonnée soit peuplée de personnages cloîtrés dans des superstitions et croyances d’un autre âge. Ce soin apporté à la facture formelle du métrage renforce encore l’atmosphère délétère du film, qui sera rythmée par les accords étranges de la musique de Giancarlo Chiaramello. Une belle découverte, cachée derrière un titre à rallonge typique des productions « bis » italiennes des années 70 !

 

 

Le Combo Blu-ray + DVD

[5/5]

Comme on l’a évoqué un peu plus haut, Amour et mort dans le jardin des dieux est édité en France dans un somptueux Combo Blu-ray + DVD aux couleurs du Chat qui fume. Et qui dit Le chat qui fume dit forcément « excellence technique » + « bel objet de collection », ce qui tendrait presque, à force, à donner l’impression que l’on signe toujours à peu près le même papier concernant leurs sorties. Bon, on tente autant que faire se peut d’être professionnels et de rédiger nos chroniques en toute objectivité, mais dans le cas du Chat, il faut bien se rendre à l’évidence : leurs éditions sont toujours « au top », comme on le disait dans les années 90. Ils ont le Swag ces mecs-là. Ils sont beaux gosses, et autres expressions modernes auxquelles je m’y entends peu. Le Combo Blu-Ray + DVD est donc présenté dans un très beau digipack 3 volets surmonté d’un étui rigide, au design réalisé par l’excellent Frédéric Domont. Il s’agit d’une édition limitée à 1000 exemplaires. Comme sur les autres sorties du mois de mars que nous avons chroniqué, on note une inversion dans la façon dont ont été assemblées les faces du digipack, les disques Blu-ray et DVD sérigraphiés de l’éditeur ne complétant pas la photo illustrant le côté intérieur mais apparaissant sur celle se situant au dos de ce dernier. Mais ce n’est pas grave et il ne s’agit probablement là que d’un problème isolé !

 

 

Amour et mort dans le jardin des dieux est non seulement proposé dans une présentation luxueuse qui ravira les collectionneurs, mais le Blu-ray édité par Le chat qui fume envoie le bois niveau image. Le master est sublime avec un grain superbement préservé, un très beau piqué pour un niveau de détail nous permettant d’admirer en profondeur le moindre détail des plans étranges et parfois vraiment magnifiques signés Sauro Scavolini, accompagné de son frère Romano à la photo. Les contrastes sont très affirmés, les noirs d’une profondeur absolue, c’est du très beau travail. Côté son, seule la VO est proposée en DTS-HD Master Audio 2.0 (mono d’origine), et propose un confort d’écoute optimal, un bon dynamisme, même si les dialogues sont sans doute mixés un peu bas.

Rayon suppléments, on aura droit à une jolie sélection de bonus nous permettant de prolonger un peu le plaisir macabre ressenti devant le film. On commencera avec un entretien avec Erika Blanc, qui reviendra en préambule – et en français s’il vous plaît – sur son enfance en France, sur la rencontre avec son mari, puis sur sa satisfaction à voir les films dans lesquels elle a joué trouver un nouveau public aujourd’hui. Elle parlera ensuite avec pudeur de son amitié pour Peter Lee Lawrence, qu’elle considérait comme « son frère », et sa tentation durant un été torride de faire « zoom-zoom » avec lui (chose qui ne s’est finalement pas produite, les deux acteurs ayant finalement décidé de rester bons amis). Enfin, elle évoquera longuement ses souvenirs concernant la « magie » présente sur le tournage d’Amour et mort dans le jardin des dieux, ses différentes morts au cinéma et terminera avec un – fort amusant – message à destination de ses fans français.

 

 

On continuera ensuite avec un entretien avec Orchidea de Santis, qui reviendra elle aussi dans un premier temps sur sa carrière au cinéma avant d’enchaîner avec ses souvenirs et anecdotes sur le tournage du film de Sauro Scavolini. Elle évoquera également son rapport à la nudité au cinéma, ainsi que ses rapports avec l’acteur Peter Lee Lawrence, qu’elle trouvait très beau (un sentiment que partageait Erika Blanc d’ailleurs!), ce qui était fort appréciable dans le sens où elle avait visiblement plutôt l’habitude de tourner nue avec des mecs laids et repoussants. Sympathique, rythmé et sans langue de bois : un bon moment.

Enfin, on terminera le tour du propriétaire avec une sélection de bandes-annonces de films à venir chez Le chat qui fume : La rose écorchée, La saignée et Maniac.

 

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