Test Blu-ray 4K Ultra HD : Possession

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Possession

France, Allemagne : 1981
Titre original : –
Réalisation : Andrzej Zulawski
Scénario : Andrzej Zulawski, Frederic Tuten
Acteurs : Isabelle Adjani, Sam Neill, Margit Carstensen
Éditeur : Le chat qui fume
Durée : 2h07
Genre : Fantastique, Horreur
Date de sortie cinéma : 27 mai 1981
Date de sortie BR/4K : 15 février 2021

Après un long séjour à l’étranger, Marc retourne à Berlin pour y retrouver sa femme, Anna, et son fils Bob. Mais il réalise très vite que son épouse a changé. Il apprend notamment que celle-ci a un amant, un certain Heinrich. À cause de cela, les rapports du couple se dégradent rapidement. Marc décide alors d’engager un détective privé afin qu’il suive Anna, souvent absente du foyer. Un jour où Marc va chercher son garçon à l’école, il se rend compte que l’institutrice est le portrait craché de sa femme. Le détective, quant à lui, découvre avec effroi qu’Anna entretient une liaison avec… une « chose » monstrueuse…

Le Coffret Blu-ray 4K Ultra HD

[6/5]

On bouleverse un peu nos habitudes avec ce coffret consacré à Possession, en choisissant d’aborder le coffret avant de nous attarder sur le film d’Andrzej Żuławski. Et avant toute chose, on voudrait vraiment revenir sur la note que l’on vient d’attribuer au coffret Possession édité par Le chat qui fume. 6 sur 5, ça peut paraître absurde, mais on doit avouer qu’avec cette sortie-là, Le chat met tellement tous les éditeurs français à l’amende que si on ne lui mettait « que » la note de 5/5, on se verrait quasiment obligé de baisser les notes de tous les coffrets auxquels on a attribué la note maximale jusqu’ici.

Car ce coffret de Possession représente vraiment ce qui se fait de mieux, et de très loin, en matière d’édition vidéo : le top, l’édition INSURPASSABLE. Essayez de vous remémorez le dernier « gros » coffret que vous avez pu acheter. Dans de nombreux cas, le coffret Massacre à la tronçonneuse édité par TF1 Vidéo fin 2014, que vous avez fait tomber je ne sais combien de fois en le tenant par les côtés au lieu de le prendre par en-dessous, l’intégrale Evil Dead, de chez ESC Éditions dont vous possédiez déjà les Blu-ray de chaque film à l’unité dans des éditions différentes… Oubliez les, car ce coffret-là les enterre tous.

Un coffret pour les gouverner tous

« Un coffret pour les gouverner tous. Un coffret pour les trouver. Un coffret pour les amener tous et dans les ténèbres les lier. » C’est ainsi que l’on qualifiera ce coffret Possession édité par Le chat qui fume. Il s’agit probablement, et assurément, du plus grand tour de force éditorial jamais vu en France depuis des lustres, peut-être même depuis toujours. Le Syndicat Français de la Critique de Cinéma peut tout de suite arrêter de chercher, le prix du meilleur DVD/Blu-ray Patrimoine 2022 est déjà plié, et il n’y a aucune contestation possible.

Un film-culte, Possession, attendu en Haute-Définition depuis de nombreuses années, surtout après que TF1 l’ait absurdement ressorti au format DVD uniquement courant 2009. Une remasterisation Ultra Haute-Définition assurée par Le chat qui fume. Un Blu-ray 4K Ultra HD, un Blu-ray consacré au film, un Blu-ray de bonus, la bande originale du film au format CD. Plus de huit heures de suppléments, et encore, sans compter l’écoute de la musique et de la piste sonore / musicale isolée. Un coffret sublime, avec un visuel d’une sobriété et d’une élégance à couper le souffle (merci Frédéric Domont). Le fac-similé du dossier de presse d’origine, un vrai bouquin de 270 pages consacré à Andrzej Żuławski (« Une histoire orale », de Matthieu Rostac et François Cau). Et même un magnet reproduisant l’affiche du film, à coller sur le frigo.

Le tout est donc soigneusement disposé dans un coffret en carton rigide affichant le visage bouleversé d’Isabelle Adjani – la grande absente des suppléments dédiés au film. Pour autant, on peut tout à fait comprendre les réticences de l’actrice française à s’exprimer sur le film, tant le tournage de ce dernier fut éprouvant pour elle. Dans un entretien accordé à Studio Magazine en 2002, elle déclarait en effet : « Je dois à la mystique d’Andrzej Żuławski de m’avoir révélé des choses que je ne voudrais jamais avoir découvertes. (…) Ce qui s’est passé sur ce film m’a coûté tellement cher… Malgré tous les prix, tous les honneurs qui me sont revenus, jamais plus un traumatisme comme celui-là, même pas… en cauchemar ! ». Bonne joueuse cependant, elle a récemment pris la pose avec le coffret du Chat sous le bras.

Ultra-Küłt, Ultra HD

Restauré en 5K tout spécialement pour cette édition, Possession a bénéficié d’un nouvel étalonnage, supervisé par le directeur de la photo du film Bruno Nuytten. Par rapport au film tel qu’on avait pu le voir en vidéo ces vingt dernières années, ce nouveau scan permet au spectateur de profiter d’un master stable, d’une propreté sidérante : taches et autres poussières ont été mises au ban. Le grain argentique d’origine a été préservé avec finesse, mais c’est surtout au niveau de l’étalonnage des couleurs que Possession retrouve sa superbe, avec des tons volontairement très froids, collant parfaitement autant à l’ambiance du film qu’à l’image que l’on se fait du Berlin du début des années 80, huit ans avant la chute du mur. Ainsi, la tonalité générale est à la froidure, bleu glacé, comme les yeux d’Isabelle Adjani me direz-vous, et vous aurez raison. Vous faites preuve de beaucoup d’à propos, on vous félicite.

Le résultat à l’écran est vraiment épatant. Le niveau de détail est même carrément bluffant, surtout sur les scènes mettant en scène la créature, se déroulant le plus souvent dans le noir ou dans l’obscurité. L’upgrade UHD est donc spectaculaire, et ajoute encore à l’intensité générale du film. Côté son, on ne pourra que faire le même constat d’excellence : VF et VO sont mixées en DTS-HD Master Audio 2.0, et l’ensemble nous propose un équilibre parfait entre les dialogues, les effets sonores et la musique. Cela dit, comme le film enchaîne les hurlements et les chuchotements, on vous conseille plutôt de visionner le film à un niveau sonore élevé. Les ambiances sont restituées de façon impressionnante, d’un dynamisme et d’une force tout simplement bluffantes : on pourra par ailleurs en profiter par le biais de la piste musique et effets isolée. Les complétistes pourront compléter le visionnage du film par un commentaire audio d’Andrzej Żuławski et Daniel Bird (non sous-titré).

Interactivité démoniaque

On l’a dit quelques lignes plus haut, mais Possession débarque en Blu-ray + Blu-ray 4K Ultra HD au cœur d’un coffret débordant littéralement de suppléments. Les plus évidents d’entre-eux sont bien sûr le fac-similé du dossier de presse d’origine, qui s’accompagnera d’un livre inédit de 270 pages intitulé « Une histoire orale d’Andrzej Żuławski », signé Matthieu Rostac et François Cau. Les deux compères reviendront, film par film (en évoquant également les projets inaboutis), sur l’œuvre d’Andrzej Żuławski. Chaque œuvre y sera évoquée par des proches et collaborateurs du cinéaste polonais, sur le mode du dialogue. C’est enlevé et très intéressant. Parmi la cinquantaine d’intervenants s’exprimant dans le bouquin, on notera la présence de Mathieu Żuławski (frères du cinéaste), de son chef op Andrzej J. Jaroszewicz, mais également de Fabio Testi, Nicolas Boukhrief, Valérie Kaprisky, Tchecky Karyo et, bien sûr, Sophie Marceau.

On découvrira ensuite les suppléments vidéo. On commencera avec un making of rétrospectif (« De l’autre côté du mur », 52 minutes), qui nous donnera un nombre impressionnant d’informations sur la production de Possession, qui profite d’une intéressante remise dans son contexte historique. On y abordera pêle-mêle le style visuel du film,  sa structure narrative, aa réception au Festival de Cannes, etc. Parmi les intervenants, on se régalera de la présence d’Andrzej Żuławski lui-même, mais également de Frédéric Tuten (qui évoquera les méthodes d’écriture du cinéaste polonais), de Marie-Laure Reyre et de son complice Andrzej J. Jaroszewicz. On continuera ensuite avec un entretien avec Andrzej Żuławski, réalisé par Jérôme Wybon pour l’édition DVD de 2009 (36 minutes). Le cinéaste y évoquera le climat socio-politique en Pologne au moment du tournage, mais évoquera également le style qu’il avait voulu donner à son film, notamment dans sa direction d’acteurs – il y reviendra tout particulièrement sur la performance légendaire d’Isabelle Adjani. On découvrira ensuite une série d’entretiens d’époque avec Andrzej Żuławski et les acteurs Sam Neill et Heinz Bennent (24 minutes), enregistrés lors du Festival de Cannes 1981 par la TV belge, et diffusés environ un an après alors que le film peinait visiblement à se voir distribué dans le plat pays. Le cinéaste polonais y reviendra notamment sur l’aspect « froid » qu’il a voulu donner à son image, alors même que les acteurs jouent « chaud ».

Avec « Les sons de Possession », Le chat qui fume nous propose un intéressant entretien avec le compositeur Andrzej Korzyński (19 minutes), qui reviendra sur son parcours dans le petit monde de la musique de film, sur ses collaborations avec Żuławski ainsi que sur la singularité et l’étrangeté qu’il avait voulu apporter à la musique de Possession. On continuera ensuite avec un entretien avec le producteur Christian Ferry (« Notre ami de l’Ouest », 7 minutes), qui s’exprimera ici en anglais avec un charmant accent français. Si sa contribution à Possession semble avoir tourné court, il reviendra sur la façon dont il a permis à Andrzej Żuławski de tourner L’important c’est d’aimer en 1975. On reviendra ensuite sur les lieux de tournage du film dans « Une cité divisée » (7 minutes), qui reviendra sur certains lieux-clés de Possession à Berlin, en les montrant tels qu’ils sont aujourd’hui. On continuera ensuite un retour sur la célèbre affiche du film, dessinée par Barbara Baranowska, alias Basha (« Basha, analyse d’une affiche », 6 minutes), complétée par une intéressante biographie de l’artiste.

Dans « Repossédé : le remontage de Possession » (13 minutes), on reviendra sur les principales différences de montage entre le film tel qu’on le connaît et le montage américain du film. Ce court sujet sera d’ailleurs complété du remontage intégral du film (1h17, non sous-titré). Mais ce n’est pas tout, puisque Le chat qui fume nous propose également une très intéressante analyse du film (« Petite anatomie de la rupture », 15 minutes), produite par Anima, dont vous pouvez retrouver la retranscription sur leur site. On trouvera également une sélection de scènes inédites (5 minutes), dans l’ensemble très courtes mais dans un état de conservation étonnamment excellent. Sans transition, on enchaînera avec une rencontre avec la productrice Marie Laure Reyre, Dominique Schneidre (auteure de « Trois verres de vodka ») et Daniel Bird, assistant de Żuławski (42 minutes), enregistrée en 2020 au Grand Action.

Enfin, on trouvera également dans les bonus une « Leçon de cinéma d’Andrzej Żuławski » (1h43), enregistrée en 2007 à l’occasion du Festival International du Film d’Arras. Le cinéaste se défendra de vouloir donner une « leçon de cinéma », il évoquera sans langue de bois sa carrière et son travail, la discussion étant menée par Patrice Blouin, critique spécialiste de son œuvre. Last but not least, on trouvera un sujet dédié à la restauration du film (25 minutes), en direct des studios VDM en compagnie de Stéphane Bouyer. Ils évoqueront les différentes étapes ayant été nécessaires à l’obtention de ce sublime master 5K. On terminera enfin avec deux films annonces de Possession, l’un américain, l’autre « international ».

Et puisqu’on n’en a pas parlé, on ajoutera que les mélomanes ainsi que les autres pourront se délecter du CD 16 titres de la musique du film, signée Andrzej Korzyński, et issus des archives du label Finder Keepers Records. Plus d’infos sur le site du Chat qui fume !

Le film

[5/5]

Possession est un des rares films d’horreur à avoir été présentés en compétition lors de la 34ème édition du Festival de Cannes. De quoi secouer un peu les festivaliers assurément, surtout si l’on considère que cette édition 1981 du Festival semblait unanimement considérée comme « la plus mauvaise cuvée depuis la création de la compétition » – du moins si l’on en croit les pages de « La revue du Cinéma – Image et son » (n° 363, sous la plume de Jean-Pierre Bertin-Maghit).

Film de tous les excès, Possession a donc amené sur la Croisette un peu de gore, de sexe et de vomi, le tout étant porté par des acteurs visiblement dans un état second, proche de la transe. Tantôt considéré comme un véritable chef d’œuvre, tantôt comme un gros nanar (probablement en partie à cause du jeu d’Isabelle Adjani, qui pourra au choix soit fasciner le spectateur, soit le faire éclater de rire), Possession ne s’inscrit pas dans la veine d’un cinéma horrifique d’exploitation, mais plutôt dans celle d’un cinéma d’Art et Essai, profondément réflexif, nous proposant une métaphore sur le système communiste.

Métaphore politique

Ainsi, Possession prendra place à Berlin, près du pays d’origine d’Andrzej Żuławski, mais surtout la ville où la frontière entre le monde capitaliste et communiste semble la plus visible. Possession multiplie en effet les plans du film sur le fameux « Mur » séparant la république fédérale de la république dite démocratique d’Allemagne. Cette séparation de la ville en deux parties se faisant face comme devant un miroir sert également une des thématiques centrales du film : celle du double. Dans le même état d’esprit, Possession nous narre en parallèle deux histoires extrêmement différentes. On suit donc dans un premier arc narratif l’effondrement violent du mariage de Marc et Anna (Sam Neill et Isabelle Adjani). Il s’agit de la trame la plus évidente, suivant la descente aux enfers du couple en la faisant, au fur et à mesure que le récit évolue, verser de plus en plus dans l’horreur graphique, notamment grâce aux effets spéciaux remarquables signés Carlo Rambaldi (Alien, E.T. l’extra-terrestre).

En filigrane cependant, Possession parle également du système communiste, décrit comme inhumain, extrêmement cruel, qui s’immisce et contrôle la vie privée des gens, les transformant lentement mais sûrement en de véritables monstres. Cette transformation, le peuple peut soit l’accepter, soit la refuser, au risque cependant de ne pas le supporter et de perdre littéralement la tête avant la fin du processus. Frustré par l’arrêt du tournage de Sur le globe d’argent par les autorités polonaises, Andrzej Żuławski semble avoir injecté dans Possession toute sa hargne, toute sa colère, toute sa noirceur. Utilisant l’horreur comme un moyen de faire passer ses idées, Żuławski, qui de son côté a réussi à échapper au système avant qu’il ne soit trop tard, met en scène dans son film un couple n’ayant pas eu cette chance.

Plusieurs niveaux de lecture

Hurlements hystériques, mouvements saccadés, comportements surréalistes : Żuławski donne clairement, et tout au long de son récit, des indices qui permettront au spectateur de comprendre ce qui se trame entre les lignes. La folie furieuse du jeu halluciné d’Isabelle Adjani (qui remporterait le prix d’interprétation féminine à Cannes) en est sans doute le signe le plus marquant, mais même les seconds-rôles contribuent à cette impression. Ainsi, le personnage campé par Heinz Bennent par exemple, décrit comme un playboy arrogant tout à la fois versé sur le New-Age et le Kung fu, se déplace en faisant de grands mouvements et moulinets de bras et de jambes impossibles à prendre au sérieux – ils sont autant d’indices qui pourront mettre le spectateur sur la voie du brûlot politique qu’est en réalité Possession.

Maîtrisé et hypnotique, le film d’Andrzej Żuławski met à profit sa caméra extrêmement mobile, balayant avec une fluidité redoutable même les endroits les plus étroits et les plus confinés. Comme les personnages du film, la caméra ne tient pas en place, explorant chaque centimètre carré des intérieurs spartiates mis en scène par le film. Déstabilisante pour le spectateur, cette frénésie de mouvement rajoute encore de la tension et de l’incertitude au drame intérieur qui ronge les deux protagonistes principaux du récit.

Ainsi, au fur et à mesure que l’intrigue de Possession évolue, les intérieurs quasi-dénués de décoration des différents lieux du film se couvriront de vêtements en boule, de reliefs de repas, de détritus, de déchets en tous genres – autant de signes de la lutte intérieure de Marc et Anna afin de lutter contre la monstruosité qui les dévore peu à peu.

D’une manière somme toute assez logique, Possession s’achèvera sur une note réellement pessimiste et désespéré, dans le sens où le film mettra finalement en scène la mort très sanglante de Marc et Anna, signifiant dès lors que leurs « doubles » ont gagné la partie. Ils laissent donc la place à des êtres s’imposant comme des coquilles vides, déshumanisées, dociles et courbant l’échine devant le système.

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