Test Blu-ray 4K Ultra HD : Persepolis

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Persepolis

France : 2007
Titre original : –
Réalisation : Marjane Satrapi, Vincent Paronnaud
Scénario : Marjane Satrapi, Vincent Paronnaud
Voix : Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve, Danielle Darrieux
Éditeur : StudioCanal
Durée : 1h35
Genre : Animation, Comédie dramatique
Date de sortie cinéma : 27 juin 2007
Date de sortie DVD/BR/4K : 18 octobre 2023

Téhéran 1978 : Marjane, 8 ans, suit avec exaltation les événements qui vont mener à la révolution et provoquer la chute du régime du Chah. Après l’instauration de la République islamique, puis la guerre contre l’Irak, ses parents décident de l’envoyer en Autriche pour la protéger. À Vienne, Marjane vit à 14 ans sa deuxième révolution : l’adolescence, la liberté, les vertiges de l’amour mais aussi l’exil, la solitude et la différence…

Le film

[5/5]

La courte carrière de Marjane Satrapi dans la bande dessinée aura été marquée par une œuvre, Persepolis, un récit autobiographique en quatre volumes où elle raconte son enfance et sa jeunesse entre l’Iran de la révolution islamique et l’Europe des années 1980-1990. Publiés entre 2000 et 2003, les quatre tomes de Persepolis connurent un tel succès critique et public que Marjane Satrapi se rendit probablement rapidement compte que sa carrière d’artiste toute entière serait placée sous le signe de cette œuvre, un peu à la manière d’Art Spiegelman avec Maus, ou de David Lapham avec Stray Bullets. Ainsi, quand quelques années après avoir décidé de laisser derrière elle la bande dessinée, c’est à nouveau Persepolis qui lui servit de tremplin, de porte d’entrée au monde du cinéma.

Avec la collaboration de Vincent Paronnaud, Marjane Satrapi se lança donc dans l’écriture et la réalisation d’un long-métrage d’animation Persepolis. Le film obtint le prix du jury du Festival de Cannes 2007. Aux Césars 2008, il obtint ceux du meilleur premier film et de la meilleure adaptation. Aux Oscars 2008, le film serait également nommé dans la catégorie meilleur film d’animation. Avec 1,2 millions d’entrées en France, Persepolis connait à nouveau un succès aussi retentissant que mérité, qui vampirisera à jamais toute l’œuvre de Marjane Satrapi, et condamnera quiconque évoquant ses films, ses textes, sa musique ou ses peintures ultérieurs à forcément citer cette œuvre fondatrice. Dorénavant, celle que ses amis surnomment Marji ne s’appellerait plus simplement « Marjane Satrapi », mais « Marjane Satrapi autrice/réalisatrice de Persepolis ».

Marjane Satrapi autrice/réalisatrice de Persepolis a donc grandi dans un Iran déchiré par la guerre après la révolution islamique, et a passé une partie de sa jeunesse à tenter – vainement – de concilier les politiques d’oppression de son pays avec ses idéaux de liberté, d’expression et de dignité. Elle a coécrit et coréalisé Persepolis en s’inspirant de l’histoire de sa vie et de son roman graphique, tout en gardant fermement à l’esprit que la BD et le cinéma sont deux moyens d’expression radicalement différents. Le résultat est un film d’animation unique et particulièrement touchant. Il s’agit tout à la fois d’un récit de coming of age (ou passage à l’âge adulte), d’une comédie, d’une tragédie, d’une histoire politique, d’une histoire de famille, d’une histoire d’oppression islamique mais aussi et surtout d’une histoire humaine d’une puissance, d’une simplicité et d’une élégance rares.

Grâce au travail d’adaptation abattu par Vincent Paronnaud et Marjane Satrapi, Persepolis s’est imposé comme la confirmation – tardive et quasi-inespérée – qu’une bonne adaptation de bande dessinée au cinéma était possible, et qu’elle pouvait même aller jusqu’à transcender son matériau de base par le recours à l’image animée, le rythme et le mouvement donnant finalement aux personnages de papier une existence à part entière. Ce sont eux, qui par le prisme de leur sens politique et moral aigu, qui racontent leur histoire, à leur manière et avec leurs mots. En ce sens, Persepolis livre également un merveilleux travail pédagogique afin de permettre à un large public d’entendre les voix de millions de femmes n’ayant habituellement pas le droit au chapitre.

En effet, en Occident, avant Persepolis, le grand public ne disposait d’aucun cadre pour tenter de comprendre et de se représenter le type d’oppression qui règne dans des pays comme l’Iran. Le film de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud permet d’appréhender ce cadre, et le film le fait avec une honnêteté et un franc-parler sans faille et des personnages aussi accessibles qu’attachants. Une grande partie de l’inspiration et de l’ancrage moral de l’histoire de Marjane Satrapi est enracinée dans les valeurs qui lui ont été inculquées par sa famille, et notamment par son oncle et sa grand-mère. Ce sont également ces valeurs qui permettent à Persepolis d’être toujours placé sous le signe de la légèreté et d’un humour assez irrésistible, en dépit des scènes dramatiques et de l’intensité émouvante de certains passages du récit.

Avec seize ans de recul par rapport à sa sortie dans les salles, il semble bien aujourd’hui qu’il soit temps d’enfin considérer Persepolis comme un chef d’œuvre. Les réserves que nous pouvions avoir sur l’œuvre à l’époque – et qui étaient en partie dues à « l’élagage narratif » opéré par Vincent Paronnaud et Marjane Satrapi sur l’œuvre originale – s’estompent aujourd’hui volontiers au regard de la puissance émotionnelle dégagée par l’œuvre, et de son importance historique. En effet, le film de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud semble avoir fait germer dans l’esprit des producteurs français l’idée selon laquelle le cinéma d’animation était le meilleur vecteur afin d’aborder la situation au Moyen-Orient, et a par conséquent « fait des petits » (Parvana Une enfance en Afghanistan, Ma famille afghane, Dounia et la princesse d’Alep…). C’est oublier que Persepolis ne se résume pas uniquement à son contexte géopolitique, mais s’avère surtout une poignante histoire de famille et de personnages, portée par un rythme, des dialogues mais également un sens du cadre et de l’image absolument parfaits.

Le Blu-ray 4K Ultra HD

[4,5/5]

Alors que la publication du dernier tome du roman graphique de Marjane Satrapi vient tout juste de fêter ses vingt ans, Persepolis bénéficie aujourd’hui d’une belle édition vidéo au format Blu-ray 4K Ultra HD, sous les couleurs de StudioCanal. Le Combo 4K + Blu-ray s’offre par ailleurs un superbe digipack deux volets surmonté d’un étui cartonné et accompagné d’un livret collector de 20 pages intégré au boitier comprenant de nombreuses photos ainsi qu’une dithyrambique critique du film signée Guillemette Odicino. On notera d’ailleurs qu’avec cette nouvelle édition, StudioCanal coupe l’herbe sous le pied aux spéculateurs qui, depuis quelques années, refourguaient leurs Blu-ray de Persepolis entre 50 et 70€ sur les sites spécialisés dans la seconde main.

Et quitte à ressortir à la vente, autant bénéficier du meilleur de la technologie actuelle : Persepolis s’offre fort logiquement un transfert 2160p absolument superbe. Bien entendu, étant donné le style épuré des dessins du film, l’apport 4K sera quelque peu limité sur le niveau de détail, mais les quelques couleurs proposées par le film sont absolument superbes, de même que les contrastes, et la technologie HDR10 nous garantit une saturation du noir et blanc littéralement exceptionnelle, avec des blancs véritablement tranchants et des niveaux de noir d’une finesse absolument remarquable. Du côté des enceintes, StudioCanal nous propose une piste DTS-HD Master Audio 5.1 disposant de dialogues clairs et bien équilibrés. La spatialisation est généreuse, et une poignée de séquences s’offrent un joli dynamisme acoustique. On notera que le film est également proposé en version anglaise sur le Blu-ray du film, avec les voix de Sean Penn, Gena Rowlands et Iggy Pop – Une curiosité, mais qui n’atteint jamais l’intensité de la version que nous connaissons, doublée par Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve et Danielle Darrieux.

Du côté de la section suppléments, StudioCanal est allé repêcher l’interactivité du Blu-ray sorti en 2007 sous les couleurs de TF1 Vidéo, soit une poignée de scènes déconstruites et commentées par Marjane Satrapi (11 minutes), qui permettront de revenir sur les différentes étapes nécessaires à la réalisation d’un film d’animation, et qui seront complétées par un making of (30 minutes) qui reviendra sur la genèse du film, le choix de l’animation, le travail sur le scénario, le choix des acteurs, etc. La galette 4K nous proposera également deux suppléments inédits, placés sous le signe de la rencontre avec l’autrice/réalisatrice de Persepolis – on commencera donc avec un passionnant entretien avec Marjane Satrapi (39 minutes), qui reviendra sur la place du film en 2023. Elle y évoquera sans langue de bois la genèse du film et sa relation au travail, évoquera ses influences, la carrière du film et le fait qu’elle avait refusé de vendre les droits de son histoire à Brad Pitt. Comme d’habitude, Marjane Satrapi fait preuve d’un caractère entier et particulièrement bien trempé, au point parfois de s’enfermer dans des postures idéologiques un peu datées – on pense ici surtout à son anti-américanisme forcené, qui parait parfois un poil trop idéologique pour être honnête. Elle évoquera également la ressortie du film et sa remasterisation en 4K, dont elle est visiblement très satisfaite. On terminera ensuite avec une discussion de Marjane Satrapi avec le public (20 minutes), enregistrée au Grand Rex en avril 2023 après une diffusion publique de Persepolis. L’ensemble est plaisant et plutôt enlevé, même si certains sujets sont un peu redondants avec l’entretien précédent.

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