Vu sur OCS : Parvana Une enfance en Afghanistan

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© 2017 Breadwinner Canada Inc. / Cartoon Saloon Limited / Melusine Productions S.A. / Le Pacte Tous droits réservés

Le retour récent de l’Afghanistan dans l’actualité n’est hélas qu’un chapitre supplémentaire dans la longue histoire mouvementée de ce pays. Car peu importe finalement si l’occupant actuel de la Maison blanche mettra à exécution son plan de retrait des troupes américaines, juste avant que lui-même ne soit obligé de quitter ses fonctions, la paix n’est pas près de s’installer durablement dans cette région du monde. Encore disponible jusqu’à demain sur le replay d’OCS, le film d’animation Parvana Une enfance en Afghanistan tient compte de cet état de guerre permanent d’une manière particulièrement saisissante. En évoquant le règne des talibans au début du siècle à travers le double prisme de l’enfance et de la mise en abîme du conte, la réalisatrice Nora Twomey transcende le misérabilisme ambiant qui va de pair avec ce genre de sujet, triste à en mourir.

La sublimation de la beauté du cadre familial, mis à rude épreuve par une situation sociale se dégradant avec chaque nouvelle manifestation des mesures répressives, réussit alors, grâce au jeu habile entre la réalité et l’échappatoire des histoires à raconter. Sans jamais édulcorer un quotidien dans lequel ni les femmes, ni les individus n’ont le moindre droit, le récit sait faire preuve d’un incroyable optimisme poétique. En même temps, il se garde bien de devenir de plus en plus édifiant, au fur et à mesure que l’étau de la misère et de la guerre se resserre autour de la jeune protagoniste et des siens. De quoi l’avenir de la famille éparpillée de Parvana sera-t-il fait ? Mystère ! Ce qui n’empêche pas l’intrigue de naviguer magistralement entre l’horreur d’une réalité crue et la fiction avec ses ressorts féériques très joliment illustrés.

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Ces dernières années, le processus d’émancipation du cinéma d’animation, entrepris au plus tard depuis que même les films pour enfants cherchent à divertir un public adulte, a fait plusieurs fois escale en Afghanistan. Un an et trois mois après la sortie de Parvana Une enfance en Afghanistan au cinéma en France, c’est en effet Les Hirondelles de Kaboul de Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mevellec qui y était retourné, en quelque sorte, avec son histoire d’amour entre adultes infiniment plus tragique que celle-ci. Dans les deux films, la chappe de plomb du régime des talibans sert de cadre étouffant à la perte irrémédiable de l’innocence, de l’enfance d’un côté et de l’idéal romantique de l’autre. Et ce n’est pas parce que l’on ne voit pas ici explicitement la moindre horreur infligée à la population afghane que le propos du film en fait abstraction.

Bien au contraire, puisque l’une des qualités majeures de la mise en scène de Nora Twomey est qu’elle sait rester très concrète, tout en multipliant les subterfuges abstraits. Aucune intention arbitrairement machiavélique ne vient ainsi encombrer l’odyssée de la jeune fille, appelée à sauver à la fois matériellement et moralement sa famille en pleine décomposition. Les sbires du mal se succèdent sans forcément se ressembler. Ils appliquent certes les règles extrêmement strictes imposées par les talibans. Mais leur fanatisme plus ou moins aveugle n’a droit à aucune justification, à aucune légitimation autre que la force brute de ces hommes se croyant tout permis. Pour subsister dans ce monde cruel, les femmes doivent donc s’adapter, quitte à renier leur identité féminine.

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Ce qui aurait aisément pu être un moment à la Mulan, où la perte des attributs féminins devient un cri de ralliement fort à une cause plus importante que la survie individuelle, prend dans ce film une allure plus intimiste. Celle qui s’appelle désormais Aatish a alors plus tendance à affirmer son gain d’autonomie suite à sa transformation en garçon qu’à se tourmenter avec des questions identitaires. Elle est parfaitement consciente du rôle qu’elle aura à jouer. Tandis qu’elle se faisait gronder auparavant parce qu’elle n’avait pas rapporté assez d’eau du puits, l’existence même de sa famille dépend à présent de sa débrouillardise. Or, la charge de cette responsabilité nouvellement acquise ne déclenche pas non plus chez elle le processus outrancier d’une maturité précoce.

L’essence de la sagesse qui transpire dans le moindre plan de Parvana Une enfance en Afghanistan se situe du côté du conte de Soliman. Au début une simple distraction pour le jeune frère de Parvana, il se mue progressivement en projet commun pour mieux affronter la peur. Contée sous forme de relais chaque fois que la pression réelle devient insupportable, l’histoire de ce jeune homme, parti sauver l’honneur de son village, ne fait pourtant pas figure de leçon de courage platement exemplaire. Pour cela, les préoccupations respectives du personnage principal et de son faux double aventurier sont trop disparates. Sa fonction de fil rouge narratif et esthétique sert plutôt à fournir une perspective tant soit peu censée à la vie précaire de cette fillette, privée de son enfance par la faute d’un contexte social hautement prohibitif.

L’avantage suprême du cinéma d’animation, à savoir sa capacité de donner libre cours à l’imagination, est employé à bon escient dans ce film. En mêlant dans un flux subtil les rues poussiéreuses de Kaboul au paysage follement menaçant de la montage de l’éléphant, la réalisatrice s’emploie à rendre au moins un peu de noblesse et de dignité à ces enfants, les victimes en première ligne de tout conflit armé et de ses retombées, où qu’ils aient lieu.

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