Test Blu-ray 4K Ultra HD : Basic Instinct

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Basic Instinct

États-Unis, France, Royaume-Uni : 1992
Titre original : –
Réalisation : Paul Verhoeven
Scénario : Joe Esztheras
Acteurs : Sharon Stone, Michael Douglas, Jane Tripplehorn
Éditeur : StudioCanal
Durée : 2h08
Genre : Thriller
Date de sortie cinéma : 8 mai 1992
Date de sortie DVD/BR : 16 juin 2021

Un pic à glace ensanglanté, un foulard de soie blanche accroché à la tête du lit, des draps défaits témoins d’une nuit torride, tels sont les indices dont dispose Nick Curran, un détective de San Francisco pour mener à bien son enquête. Il commence à soupçonner Catherine Tramell, une romancière dont les crimes sur papier ressemblent étrangement à celui qui vient d’être commis…

Le film

[4/5]

Elle a pas d’culotte-euh

A l’annonce de la sortie de Basic Instinct au format Blu-ray 4K Ultra HD, beaucoup de cinéphiles se sont sans doute enthousiasmés à l’idée de pouvoir profiter du summum technique actuel, en termes de définition et de couleurs, afin de redécouvrir le film ayant permis à Paul Verhoeven de côtoyer les cimes du box-office. Evacuons donc d’entrée de jeu ce pour quoi de nombreux d’entre vous ont sans doute atterri sur cette page : pour beaucoup de gens à travers le monde, Basic Instinct se résume uniquement à une scène, et une seule : celle de l’interrogatoire de Catherine Tramell / Sharon Stone, au cours de laquelle le spectateur découvrira que la tueuse présumée ne porte pas de culotte.

Il s’agit d’ailleurs, pour citer Wikipédia, de « la scène la plus mémorable » de Basic Instinct. Catherine Tramell, habillée d’une courte robe blanche, y décroise et recroise très lentement les jambes devant un parterre de flics médusés. Une scène qui, à elle seule, a propulsé Sharon Stone, actrice jusque-là cantonnée aux seconds-rôles, aux plus hauts sommets Hollywoodiens. Pour autant, de mémoire de cinéphile, rarement absence de culotte aura fait couler autant d’encre. Plusieurs versions circulent en effet concernant cette fameuse scène d’interrogatoire.

Hou la menteuse-euh

Quelques années après le tournage, et alors que ses quinze minutes de célébrité post- Basic Instinct touchaient à leur fin, Sharon Stone a en effet affirmé que le réalisateur Paul Verhoeven lui avait demandé d’enlever sa culotte pour « éviter une tache claire sur la pellicule ». Ce ne serait qu’à la projection des rushes qu’elle se serait rendu compte qu’on voyait clairement qu’elle ne portait pas de culotte. Sharon Stone avait déclaré s’être sentie « trahie et manipulée », ajoutant même un peu plus tard regretter de ne pas avoir porté plainte à l’époque. En réaction à ces propos, Paul Verhoeven a déclaré que Sharon Stone était tout à fait consciente de l’effet que produirait l’absence de tissu sur son anatomie, et même ajouté qu’avant le tournage du plan, l’actrice lui aurait malicieusement jeté sa culotte au visage, arguant qu’elle n’en avait pas besoin.

Ce plan de foufoune, véritable « money shot », qui fut parodié en de multiples occasions (dans Alarme fatale et Fatal Instinct en 1993, dans La Cité de la peur en 1994, et jusque dans Deadpool 2 en 2018), tend encore aujourd’hui à occulter la véritable nature de Basic Instinct. Le film de Verhoeven est donc un polar très sombre, adoptant la forme classique du « whodunit » : les meurtres se succèdent, et le spectateur recherche, parallèlement à la police, l’identité du meurtrier, qui ne sera révélée qu’en toute fin de métrage. Bien entendu, le film se démarquait également des classiques du genre en ajoutant au récit une bonne dose de sexe ; son succès international donnerait d’ailleurs naissance à un sous-genre ayant fait les beaux jours du cinéma américain des années 90 : le « thriller érotique ».

Au-delà de la schneck

Le scénario, bouclé en seulement 13 jours par Joe Esztheras dans les années 80, devait probablement, au moment où ce dernier l’a écrit, s’inscrire dans la veine des thrillers sulfureux mettant en scène Kathleen Turner quelques années auparavant, comme La fièvre au corps (1981) et Les jours et les nuits de China Blue (1984). Cependant, quand le film entre en production au début des années 1990, MTV et Cannon Films sont passés par là, et une approche plus frontale de l’érotisme est devenue possible.

Pour autant, Paul Verhoeven ne joue pas la carte de l’érotisme cheap ou de la vidéo de vacances au manoir Playboy. Il choisit au contraire de nimber Basic Instinct d’une atmosphère sombre et élégante et d’interactions entre les personnages s’inspirant fortement des classiques du Film Noir des années 40/50. Cette atmosphère trouble, renforcée par le talent du cinéaste pour faire monter la tension au fur et à mesure que s’égrènent les notes classiques de Jerry Goldsmith, s’avérera finalement suffisante pour détourner l’attention du spectateur des questions sans réponses au cœur de l‘intrigue. Si ces dernières font qu’on puisse encore aujourd’hui douter de l’identité du véritable meurtrier, elles constituent avant tout la preuve flagrante que la logique n’est pas nécessairement le fondement d’une intrigue réussie.

Tout en classe et en élégance

Typique des années 90 dans sa représentation de l’érotisme, Basic Instinct l’est aussi du point de vue du langage, extrêmement grossier. Cependant, malgré sa tonalité explicite, le film de Verhoeven évite globalement la vulgarité. De la même façon, en raison de son caractère sulfureux, le tournage du film ainsi que son lancement furent perturbés par des ligues féministes et LGBT, qui accusent le film de véhiculer une image de la bisexualité synonyme d’un état de « confusion » permanente entre hétérosexualité et homosexualité. Bisexuel, le personnage incarné par Sharon Stone est en effet représenté comme froid, sans émotion, incapable de s’attacher sentimentalement et insatiable sexuellement. Sous la pression de ces ligues, le scénariste Joe Eszterhas avait voulu modifier certains éléments du script d’origine, mais s’était heurté au refus catégorique de Paul Verhoeven, qui refusait clairement de faire une généralité du cas particulier que représente Catherine Tramell.

D’un strict point de vue formel, Basic Instinct s’avère également une éclatante réussite. A la réalisation inspirée de Paul Verhoeven s’ajoute la photo de Jan De Bont, souvent époustouflante, alternant les plans sur les sublimes paysages de San Francisco et les scènes intimes baignées dans des lumières tamisées et servant clairement à alimenter le suspense de l’ensemble. La mise en scène et les différents travellings, qui attirent sciemment l’attention du spectateur sur tel ou tel élément, mettent par ailleurs en évidence la construction du film « façon puzzle », dont le but est de constituer à l’écran une mosaïque soigneusement orchestrée de preuves possibles et/ou de fausses pistes. Une excellente idée, dans le sens où chaque cadre est rigoureusement pensé pour donner du grain à moudre au spectateur, dans un jeu de devinettes qui durera de la scène d’ouverture jusqu’au tout dernier plan du film.

Le Blu-ray 4K Ultra-HD

[5/5]

Sorti dans les salles obscures au printemps 1992, Basic Instinct avait déjà fait l’objet de plusieurs éditions Blu-ray de par le monde, mais aucune d’entre elles n’aurait pu nous préparer au choc tellurique ressenti devant cette nouvelle remasterisation 4K supervisée par Paul Verhoeven. Cette dernière débarque de plus aujourd’hui dans un Steelbook (ou Metalliboite) assez superbe, au design signé Flore Maquin, graphiste et cinéphile, spécialiste des visuels iconiques.

L’image upgradée qui nous est présentée sur ce Blu-ray 4K Ultra HD édité par Studiocanal est tout simplement spectaculaire. D’une propreté inégalée, ce nouveau master écrase tout ce qui avait été fait avant, en termes de définition et de piqué, mais également en ce qui concerne la restitution du grain 35MM, solide et d’une finesse à toute épreuve. L’étalonnage des couleurs a également été revu, et le film baigne dans des couleurs plus chaudes qu’auparavant, sans doute pour mieux coller à l’ambiance à la fois élégante et pleine de menaces sous-jacentes qu’avait voulu créer Jan De Bont en collaboration avec le réalisateur hollandais. Leurs partis pris esthétiques sont plus manifestes et plus flagrants que jamais. Le HDR10 fait des merveilles, et certaines scènes, telles que celle de la boite de nuit, ou celle de l’interrogatoire bien sûr, affichent des nuances jusqu’ici inédites. Du côté des contrastes, intensité et saturation semblent être les maîtres-mots. Les noirs sont profonds, denses, bref, Studiocanal nous livre ici une présentation littéralement époustouflante de Basic Instinct, que vous n’aurez assurément jamais vu dans de telles conditions d’excellence. Une vraie claque !

Côté son, VF et VO sont proposées en DTS-HD Master Audio 5.1, dans des mixages puissants et bien équilibrés. Si l’ensemble est peut-être un poil trop centré sur l’axe frontal, la restitution des ambiances lors des scènes les plus agitées sont réellement spectaculaires. Les canaux surround sont régulièrement sollicités, et utilisés à bon escient. La formidable bande originale du film de Jerry Goldsmith se détache particulièrement des images et s’en trouve littéralement sublimée. L’ensemble est d’une précision étonnante, même durant les passages les plus intenses. Les voix sont bien placées, et toujours de la plus parfaite clarté. Pour de simples questions artistiques, on préférera cela dit la version originale à la VF, un peu datée.

[EDIT] Le Blu-ray de Basic Instinct disponible dans cette édition Combo Blu-ray 4K Ultra-HD + 2 Blu-ray bénéficie également du nouveau master 4K. Nouveau pressage, nouvel encodage, image sublime, VF et VO DTS-HD Master Audio 5.1.

Du côté des suppléments, le « gros morceau » de l’interactivité de cette édition de Basic Instinct est probablement le passionnant making of rétrospectif (53 minutes) s’intitulant Death, Sex and Stone, réalisé en 2020 par Jacinto Carvalho pour TCM Cinéma et produit par le magazine français RockyRama. Ce documentaire reviendra sans langue de bois sur la genèse du film et les problèmes et tensions rencontrés sur le tournage, avant de s’attarder sur la pérennité du film. Les trois intervenants principaux, à savoir Sharon Stone, Michael Douglas et Paul Verhoeven, reviendront entre autres sur la scène de l’interrogatoire, chacun livrant au spectateur « son » ressenti sur cette dernière. Amère mais fière d’avoir tourné dans le film de Verhoeven, Sharon Stone révélera que Basic Instinct a eu un « effet dévastateur » sur sa vie et sa carrière, mais elle se réjouit des retombées « sociales » qu’a eu le film. On pourra également entendre des interventions de Frank J. Urioste (monteur), Joe Eszterhas (scénariste) et Jan de Bont (directeur de la photographie).

On se régalera ensuite de deux commentaires audio en VOST : le premier est assuré par Paul Verhoeven et Jan De Bont, qui reviendront dans la bonne humeur sur l’utilisation excessive du sexe et de la violence dans le film, et la réaction que l’histoire était censée susciter du côté du public. Comme toujours, Verhoeven est bavard et pertinent : ses propos sont absolument passionnants. Le deuxième commentaire est assuré par la critique féministe Camille Paglia, professeur en sciences humaines à la fac de Lettres de Philadelphie, qui déconstruira Basic Instinct à travers le prisme – baisié – de normes morales et sociales finalement assez éloignées des idées et du message que Verhoeven développe dans son commentaire audio.

On continuera ensuite avec un passionnant sujet consacré à la musique du film (16 minutes), rendant un vibrant hommage au talent du regretté Jerry Goldsmith, puis avec un autre making of, un peu plus court (25 minutes), qui se basera essentiellement sur le scénario de Joe Eszterhas, ainsi que sur la façon dont il a été approché par Verhoeven et des diverses réactions du public au film (public, critique). On trouvera de plus une poignée d’entretiens d’époque avec les acteurs (7 minutes), de comparaisons storyboard / film (11 minutes) et les essais de Sharon Stone et Jeanne Tripplehorn (6 minutes). Enfin, en plus de la traditionnelle bande-annonce, l’éditeur StudioCanal nous propose au cœur du boitier un livret inédit de 28 pages contenant des notes de production ainsi que de précieuses notes de restauration.

4 Commentaires

  1. Bonjour,

    Le coffret steelbook du film comprend t-il le disque blu ray classique issu du nouveau master 4K ?

    Je vous remercie
    Bonne journée

  2. Bonjour David,

    Malheureusement, il m’est impossible de vous répondre : le test a été fait à partir de check-discs et l’éditeur n’a pas été en mesure de me fournir de version Blu-ray en ce qui concerne le film. J’ignore donc s’il s’agit d’un nouveau Blu-ray ou du recyclage du Blu-ray déjà existant.

    Désolé de ne pouvoir d’avantage vous aiguiller !
    Mickael

  3. David,

    Bonne nouvelle ! Suite à mes demandes l’éditeur StudioCanal m’a fait suivre le Blu-ray du film, et je suis en mesure de vous confirmer qu’il s’agit bien du nouveau master 4K et d’un nouveau pressage, qui atomise littéralement la précédente édition Blu-ray. VF/VO en DTS-HD Master Audio 5.1.

    Bonne fin de journée !
    Mickael

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