Revu sur OCS : Abîmes

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© 2002 Protozoa Pictures / Dimension Films / Miramax Tous droits réservés

Petit changement de régime dans nos visionnages sur petit écran pour meubler le confinement général d’une manière à peu près cinématographique : plutôt que de courir après les films qui disparaîtront prochainement de notre nouvelle plateforme de vidéo par abonnement de prédilection, OCS, puis de vous narguer involontairement parce que ces films ne seront plus à votre disposition pour vous faire votre propre opinion à partir de la nôtre, on tentera davantage de visionner des œuvres qui nous font envie sur le moment, selon nos préférences d’une inconsistance pathologique. Ainsi, vous aurez amplement le temps de voir ou revoir Abîmes, un thriller fantastique dans l’espace confiné d’un sous-marin, qui sera encore en ligne pendant six semaines et sera diffusé à six reprises sur la chaîne OCS Choc entre la mi-avril et début mai.

Il ne s’agit certes pas d’un film ayant durablement marqué le sous-genre du film de guerre qui se passe dans les profondeurs oppressantes des océans, parmi des hommes à cran qui ne savent compter que sur eux-mêmes pour mener à terme leur devoir patriotique, un torpillage tonitruant à la fois. Néanmoins, la mise en scène de David Twohy y fait suffisamment preuve d’efficacité pour qu’on puisse se demander pourquoi on n’entend plus guère parler de ce réalisateur pas dépourvu de talent.

Retour en arrière en plein cœur de la Deuxième Guerre mondiale, alors que les conflits armés faisaient rage à la fois sur terre, dans les airs et en mer. Par conséquent, on est loin ici des prouesses techniques et des craintes atomiques qui avaient conféré tant de suspense plein de vigueur à certains de nos films préférés du genre, tels que Aux postes de combat de James B. Harris – à cheval entre les deux extrémités de la surface de l’eau – et USS Alabama de Tony Scott. Dans Abîmes, il est plus question de survie, d’abord lorsque l’équipage porte assistance avec une certaine réticence aux rescapés d’un navire-hôpital britannique coulé par l’ennemi, puis au sein même du sous-marin américain, en rien représentatif de ce que la Navy a de plus valeureux à offrir. Car même sans le qualifier de délabré, le spectateur peut vite se rendre compte que ce navire n’évite pas l’affrontement direct que pour des raisons stratégiques. Il y a d’emblée quelque chose de moribond et de sinistre dans cette tôle rouillée de partout, dans ces tuyaux qui suintent bruyamment et, surtout, auprès de matelots sales et fatigués, presque autant épuisés que ceux de Le Bateau de Wolfgang Petersen au bout de deux heures et demie de plongées vertigineuses au minimum.

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L’homogénéité si habilement mise en place du cadre a hélas un peu trop tendance à s’effriter par la suite. Le volet fantastique du récit prend en effet progressivement le dessus, par le biais d’une malédiction qui pèserait sur ces hommes, marqués au fer rouge à cause d’une erreur fatale commise en amont de l’intrigue. Même si l’histoire risque alors plusieurs fois le naufrage complet, elle sait globalement rester cohérente dans sa descente progressive vers la folie collective. Dans ce contexte, le doute crée un effet de surprise sans exception plus efficace que l’explication laborieuse malheureusement inévitable vers la fin, émaillée de séquences au pathos excessif. De ce point de vue-là, Abîmes reste tout à fait fidèle aux conventions du film d’horreur, qui met tout en œuvre pour susciter l’effroi avant de le résoudre de la façon la plus bancale imaginable. Toutefois, la narration suit la courbe en fin de compte prévisible de cette course contre la baisse d’oxygène, qui se fait de plus en plus rare dans l’espace restreint au fin fond de l’Atlantique, sans états d’âme particuliers et par conséquent avec une efficacité toujours raisonnablement divertissante, même près de vingt ans après la sortie du quatrième long-métrage de son réalisateur.

En un peu moins de deux décennies, les destins professionnels de l’équipe du film ont en effet eu le temps de s’accomplir, puis de flétrir, voire de se manœuvrer dans des impasses définitives. Celui qui s’en est sorti encore le mieux, sur le long terme, est Bruce Greenwood, un commandant intransigeant au point d’être cruel ici et invariablement abonné depuis aux rôles de figures d’autorité, soient-elles d’ordre militaire ou politique. Ses partenaires à l’écran s’en sont sensiblement moins bien sortis. Car qui se souvient encore activement aujourd’hui de Olivia Williams, sans même parler des autres membres de l’équipage, interprétés à peu près solidement par des comédiens largement oubliés depuis comme Matt Davis, Holt McCallany et Jason Flemyng ? Le cas de Dexter Fletcher est déjà plus exceptionnel, puisqu’il s’était reconverti avec un certain succès à partir des années 2010 en réalisateur des films comme le récent Rocketman. Enfin, Zach Galifianakis était à l’époque encore loin de pouvoir imaginer qu’il allait devenir un jour la vedette éphémère de la comédie vulgaire hollywoodienne, pendant un laps de temps désormais aussi définitivement révolu.

Bref, si vous pouvez faire abstraction des aspects abracadabrants du scénario, Abîmes constitue une aventure sous-marine qui n’a rien perdu de son efficacité. Dommage du coup que la carrière de son réalisateur David Twohy ait été entre-temps sacrifiée sur l’autel du fiasco commercial de l’univers futuriste de Riddick !

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